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À l’heure où les signes de dé-subjectivation, du « sans-contact », se multiplient, un ensemble de questionnements s’impose avec leur résonance éthique. Pour autant, comment configurer l’acuité de certains phénomènes sociétaux recoupant cette dimension éthique aujourd’hui dans le champ de la psychanalyse, compte tenu de la manière dont nos écrits nous engagent au regard de la transmission de la psychanalyse ? Comment intervenir sur ces sujets avec la vigilance nécessaire sur nos positions contre-transférentielles ?
Ce lien donne un accès gratuit au texte intégral de l'article jusqu’au 21/02/2025 inclus.
Il s’agit dans cet écrit de la mise en perspective ainsi que de la tentative d’articulation de deux œuvres magistrales, de deux pensées présentant des points de proximités évidents, de deux auteurs qui sans relâche inscrivent les mots dans une parole travaillée par le ça :
- Par la passion œdipienne originaire, c’est-à-dire par ce quantitatif de la pulsion en quête permanente de la qualité hallucinatoire perdue, pour ce qui concerne Jean-Claude Rolland.
- Par l’instance de l’originaire avec son mode de représentations pictographiques comme source permanente de toutes les formations psychiques ultérieures issues du primaire et du secondaire pour Piera Aulagnier. Pour dire autrement, par ce fonds de mémoire comme la source vivante garante de la suite des possibles rencontres avec le monde.
Le texte propose une relecture de nos fondateurs autour de la question du lien transmission / formation. J’ai essayé de mettre en relief chez eux la critique - précisément fondatrice - de certaines dérives/illusions issues de l’IPA et/ou de l’EFP : l’analyste-enseignant, l’identification à l’analyste comme fin de l’analyse, les réseaux, ...- qu'on pourrait croire aujourd’hui définitivement dépassées. Mais le sont-elles vraiment, y compris même dans notre Groupe ? J’ai essayé aussi de rappeler en quoi ces trois auteurs, par-delà leurs différences, abordaient le lien transmission/ormation en tant qu’il suppose la métapsychologie, laquelle implique la distinction fondamentale de la connaissance et du savoir.
La conviction, qui fait partie de l’éthique professionnelle, ne garantit pas de pouvoir faire tenir ensemble soucis de vérité, satisfaction pulsionnelle, intérêts narcissiques et équilibre psychique. La cure de paroles, basée sur l’offre et peu sur la demande, repose principalement sur une dynamique processuelle. L’existence de l’infantile, sa présence active dans la vie psychique inconsciente de l’adulte est un premier constat. Il est admis que tout ou partie de l’infantile est objet de refoulement. Il est également admis que cet inconscient freudien, inconscient au sens topique du terme, soit sexuel et s’inscrive dans l’érotisme infantile. Il est également admis que c’est bien l’attention, la perception portée aux expressions de l’infantile dans ce que dit et pense l’analysant qui est sans nul doute l’un des fondements, sinon le fondement, de la démarche analytique. Si ’entreprise analytique est placée sous le sceau de la régression, du transfert, mais aussi des pulsions partielles, c’est bien la réouverture au langage infantile qu’opérera une cure psychanalytique dans le meilleur des cas.
Ombres sur l’Hudson : un roman posthume ? Posthume mais pas vraiment puisque l’original de ce roman d’Isaac Bashevis Singer avait été publié en yiddish de son vivant, Ombres sur l’Hudson, dont l’intrigue se situe en 1946 aux États-Unis, est l’occasion de réfléchir à l’écriture de la Shoah. Parce qu’il met en scène des personnages qui ont échappé à la « solution finale » en s’enfuyant à temps de Pologne, et qui sont néanmoins hantés par les spectres de leurs proches disparus, Singer contourne l’interdit éthique de l’irreprésentable, de la « poésie impossible après Auschwitz » (Adorno). Il donne à entendre ce que peut être un fantôme au sens qu’ont donné à ce mot Abraham et Torok, et rend tangible, sans voyeurisme
ni jouissance, la réalité du traumatisme second. Il autorise les résonances pour les générations futures, ouvrant la voie à une universalité qui jamais ne renonce à la particularité. Cet article entend montrer comment la littérature, aussi hostile à Freud qu’ait pu être Singer, est porteuse
d’intuitions et de vérités théoriques dans lesquelles la psychanalyse peut se reconnaître.
Relire un roman longtemps après n’est pas une simple relecture, mais une véritable découverte. Le lecteur n’est plus le même. Ce texte soutient que le conflit pulsionnel est le thème central du roman, qu’il interprète comme une analyse de l’âme humaine : privé d’altérité, le héros s’aliène dans une compulsion de répétition et une relation d’emprise, aussi bien avec son environnement qu’avec lui-même. Vendredi serait l’artifice par lequel l’auteur provoque une altération, ouverture vers une intériorité inconsciente, non maîtrisée, non maîtrisable. J’ai volontairement écarté l’étude philosophique et sociale de mon propos, bien que Michel Tournier eût une solide formation de philosophe et mît cette dimension en avant.
Ce texte exposé en 2024 à Lyon dans le cadre d’un cycle d’études sur la transmission de la psychanalyse situe préalablement cette question dans le champ général de la transmission dans les espèces vivantes. Cette transmission est la communication permanente à l’intérieur d’une espèce de ce qui permet d’appréhender le réel, de s’y orienter et d’y subsister. La transmission interhumaine, nouvelle forme d’adaptation, se caractérise par l’apparition phylogénétique d’un système inédit, le système pulsionnel décrit par Freud, dont le devenir au travers du jeu combiné des transferts et des interprétations sera la création du sujet du symbole. Cet article déploie cette problématique qui ne pourra que concerner la transmission de la psychanalyse elle-même jusqu’en ses limites, celles du principe de plaisir,
à la base du système pulsionnel, dont Freud montrera l’au-delà.
Entre Blanchot et Kafka, c’est toute la question du double qui se pose à travers le commentaire que Blanchot ne cessera de faire de l’œuvre de Kafka, comme un espace autobiographique en creux d’où on dégagera, en négatif, la trace obsédante d’une culpabilité qui va hanter toute l’écriture de M. Blanchot. Deux écritures en double qui traitent toutes deux de la façon dont l’auteur se torture, se soumet à la machine torturante de l’œuvre, et à son souci d’y survivre. Figures « d’un holocauste littéraire », la lecture / commentaire de Blanchot le ramène à une fuite dans la dissolution de soi et dans la solitude coupable, hantée par ses propos antisémites d’avant-guerre.
Malgré tout il existe un indestructible en chacun et en tous, un point d’entêtement, conclut Kafka, et qui fait notre humanité. C’est ce point de résistance, de refus de tout renoncement, que Kafka partage avec Blanchot, dans l’acte littéraire, comme le retour au plus profond du continent humain.
Chez le parent d’un sujet porteur d’une déficience mentale, souvent atteint d’une pathologie pré-objectale, le trouble dans la transmission survient à l’endroit où, sous le primat d’une visibilité saisissante, a lieu la confrontation de l’enfant imaginaire avec l’enfant insolite du réel. Le corps du handicap génère chez le parent, l’analyste, le groupe institué, un effet paradoxal d’attraction/répulsion propice au déploiement de fantasmes inconscients par lesquels chacun se crée sa propre mythologie, mettant en scène sa théorie des origines. Le sujet lui-même se révèle, quel que soit son degré de déficience, en quête d’un savoir donnant sens à sa carence. Dans l’univers institutionnel, ces fantasmes et mythes à l’œuvre, modèlent le regard de l’accueilli et du soignant à travers leurs projections transféro-contre-transférentielles en attente d’élaboration. Générées par la clinique du sujet rencontrée dans notre pratique d’analyste en institutions médico-sociales, nous recenserons et interrogerons quelques-unes des fantaisies de l’excès, nées de l’étrangeté produite par le stigmate de la différence qui façonne la relation intersubjective.
Si l’œuvre littéraire de Lou Andreas-Salomé est une œuvre sans ambition, elle préfigure autant qu’elle redéploie les motifs qui jalonnent ses textes analytiques, également marqués par une ingénuité de façade. Les images choisies par Lou viennent donner corps à un entre-deux de la littérature et de la psychanalyse, qui relève également de la philosophie. Une lecture de Jutta, innocente nouvelle écrite en 1933, fait apparaître la prégnance des échanges fondateurs avec Nietzsche, où la vocation thérapeutique de Lou prend forme en contrepoint d’une redistribution inédite entre l’Éternel Féminin et l’Éternel Masculin dont le philosophe a l’intuition à son contact. Si Lou peut se défendre d’avoir produit une grande fiction, nous pouvons repérer dans l’ensemble de son œuvre les linéaments d’une vaste ramification qui opère au cœur de cet entre-deux de la littérature et de la psychanalyse, et qui doit à la philosophie son irréductible géographie.
Cet article s’intéresse au cheminement théorico-clinique de Lou-Andreas-Salomé tel qu’il nous est accessible dans sa correspondance avec Freud, principalement à travers le cas d’une petite fille de six ans, mais aussi avec celui d’un patient adulte brièvement évoqué. On y voit comment Lou articule la notion de guérison à une exigence de sublimation explorée dès les premières expériences infantiles, et comment le débat engagé avec Freud la rapproche d’une posture plus ferenczienne.
Cet article part de l’exemple de Victor Tausk pour interroger les joutes psychanalytiques qui ont présidé à l’écriture et à la réécriture continuée d’une histoire de la psychanalyse tantôt oublieuse d’un dossier difficile, tantôt encline à le rouvrir au risque de l’autocritique. Impliquant un dialogue serré entre l’Histoire et l’histoire d’une discipline émergente, la postérité du psychanalyste-soldat éclaire les méthodes d’écriture successivement adoptées pour alimenter ce dialogue.
L’injonction sociale de la transparence constitue un marqueur contemporain du malaise dans la culture. Elle vient attaquer « l’interlocution interne » du sujet, comme condition de possibilité du lien entre semblables différents, au fondement de l’idée même d’ensemble humain. La psychanalyse, comme méthode thérapeutique et d’investigation, référée à l’écoute de l’écart du dit et du dire, constitue intrinsèquement une résistance à l’attaque. Cette résistance sera mise en perspective à travers l’esquisse d’une approche généalogique de la notion d’interlocution interne, au croisement de l’individuel et du collectif.
Cet article propose de reprendre la question de la tendresse : là où elle a commencé – avec Freud – et là où elle a re-commencé – avec le dialogue entre Freud et Ferenczi. Elle se pose entre eux deux, avec pour enjeu une métapsychologie intégrant, d’une part, les processus psychiques de l’analyste en séance et, d’autre part, le statut de l’infans dans l’adulte.
Préambule
Les systèmes d’Intelligence artificielle prolifèrent à très grande vitesse dans plusieurs domaines. Je m’intéresse particulièrement aux LLMs (grands modèles de langage) qui vont probablement modifier la présentation des concepts des corpus théoriques mis en mémoire sur l’Internet. Parmi ces LLMs, je choisis uniquement ChatGPT4. En ce moment sont aussi accessibles en expérimentation par des personnes qui comme moi ne sont pas spécialistes du numérique Mistral et Claude notamment.
Sans le moindre accès aux algorithmes qui le gouvernent, il serait bien prétentieux (et inutile) de vouloir comprendre le fonctionnement de cet AI. Toutefois je peux y réagir à ma façon, sur quelques points choisis, qui deviendraient pour moi des points d'appui pour persévérer dans mes investigations.
J’ai commencé par quelques petits exercices (Conversations de 1à 4). L’idée était d’approcher ce que devient le Corpus Freudien et ce qu'il va devenir dès lors qu'il est récolté et manipulé en tous sens par des Intelligences Artificielles. De ce Corpus et surtout de son destin, les psychanalystes actuels sont responsables.
Mais avec l’arrivée du mot « halluciner » et l’anthropomorphisme massif qu’il suppose, ma recherche s’est précisée. Cette évolution apparait dans les conversations de 5 à10. Elle est devenue : quelle langue parle mon interlocuteur ? Apparemment il écrit en français, mais est-ce encore vraiment du français ? L’apparition de « Je », puis de « métaphore » et l’extrême difficulté qu’il y a à saisir l’usage fait par l’IA de ces termes oriente ma recherche vers l’idée que nous n’aurions des IA -et quel que soit notre niveau de formation en informatique- qu’une connaissance apophatique. Je suis confortée dans cette idée par la lecture de « Parole de machines » d’Alexeï Grinbaum, dans lequel je relève 70 fois la formule : ce n’est ni (ceci) ni (cela) et qui utilise dès l’année dernière ce terme de la théologie négative. Je vais donc continuer en ce sens en relisant « Phantasme, mythe, corps et sens » de JPV. Et chemin faisant, essayer de comprendre ce que devient la vérité dans les productions IA.
A suivre.
Cette réflexion que Geneviève Lombard a initiée en juin 2023 se poursuit et se développe sur plusieurs chapitres :
Premiers essais avec l'intelligence artificielle
19.06.23 Conversation ChatGPT Débuts
21.06.23 Conversation1 Avenir de la psychanalyse au XXI° siècle?
21.06.23 Conversation2 Invention citations de Freud?
28.06.23 Conversation3 Pouvez-vous analyser un rêve?
12.11.23 Conversation5 ChatGPT4 et le Corpus théorique freudien
12.11.23 Conversation6 Erreur et vérité
06.03.24 Conversation7 Erreur et vérité: l'hallucination
06.03.24 Conversation8 L'hallucination selon ChatGPT4
10.03.24 Conversation8 bis L'hallucination selon Copilot
13.03.24 Conversation10 L'hallucination Conclusion provisoire
26.03.24 Apparition du "Je" : Un "Je" de"hasard"
03.04.24 Métaphore. Métaphore et/ou encapsulation?
10.04.24 Capturer. "L'esprit du capitalisme?"
17.04.24 Ni ceci, ni cela
25.04.24 Objet a et dollar
Objectif
Nous nous proposons d’examiner les rapports entre la place de la psychanalyse à l’hôpital et la crise actuelle des professionnels du soin, elle-même plus largement prise avec celle qui a cours dans la société, dont les enjeux identitaires semblent au premier plan.
Méthode
Envisager la rencontre clinique à travers les deux axes du diagnostic et du transfert permet d’ouvrir la discussion sur les enjeux identitaires et identificatoires qui s’y croisent aussi.
Résultats
Ces deux axes se croisent dans toute rencontre clinique, mais la tentation actuelle serait de la réduire aux dimensions raisonnables du premier.
Conclusion
En voulant éviter ainsi les difficultés liées à la prise en compte du second, non seulement toute une partie de l’efficacité thérapeutique est perdue, mais encore c’est une des causes possibles des effets délétères sur les soignants d’une rencontre clinique dont l’enjeu central serait en priorité évaluatif, perdant ainsi de sa complexité et de son épaisseur. Et une des causes possibles de la crise actuelle de l’hôpital.
Dans certaines configurations psychiques et psychopathologiques, le langage verbal n’occupe plus à lui seul la centralité de la scène intersubjective. La clinique du handicap mental invite l’analyste à changer de paradigme s’il veut entendre le sujet dans son lien à l’autre. Plus seulement pris dans le langage, l’imaginaire ou le fantasme, le corps du handicap représente aussi une voix d’expression du registre pulsionnel. Corps réel agi, mobilisant autant la réalité somatique que psychique et imaginaire, il se révèle porteur de sens. Sollicité sur sa capacité à témoigner auprès du sujet du trauma vécu, l’analyste soutient l’émergence du processus d’appropriation subjective en offrant au sujet un lieu d’inscription identitaire et sublimatoire pour une histoire en quête d’une forme. L’engagement du sujet dans cette co-construction signifiante révèle moins l’insuffisance de son fonctionnement psychique que son effort à symboliser des représentations jusque-là inassimilables. Nous proposons, à travers des séquences cliniques élaborées entre professionnels du champ médico-social et dans nos entretiens singuliers, l’exploration de l’histoire d’une femme, déficiente mentale et psychotique, admise en institution suite à des abus sexuels intra-familiaux. La résidente développera d’abord une obésité morbide puis une dermatose grave et plus tard une tumeur agressive, révélant un soma pris dans l’exigence d’une activité pulsionnelle éruptive au défi de son organisation érogène, porteuse autant d’une déliaison mortifère cataclysmique que d’une réelle potentialité symbolisante.
Le paiement des séances d’analyse est un marqueur fort du cadre de la cure. Payer, c’est donner quelque chose en retour de ce qui a été reçu, une façon de tiercéiser la relation transférentielle. Mais que paye-t-on exactement ? Il s’agit d’explorer le paiement en psychanalyse au travers de ses modalités – moment et moyens de paiement – et de l’envisager comme le règlement d’une dette qui se situe au-delà de la séance et de l’analyste. Venir en analyse c’est aussi venir régler ses comptes avec les générations précédentes et penser malgré tout sa dette de vie.
RÉSUMÉ
Les travaux de Mélanie Klein sur la psychanalyse de l’enfant l’amenèrent à modifier la théorie freudienne du surmoi en postulant pour celui-ci une plus grande précocité et une nature très archaïque. Bien que Freud sur ce point ne l’ait pas désavouée, cette hypothèse d’un surmoi cruel et archaïque reste controversée. Elle nous amène à refuser certains aménagements apportés à la clinique de la cure, dans le but d’amener l’analyste à la position d’un surmoi parental bienveillant. Ceci au détriment de l’interprétation du transfert...
Les dangers de ces aménagements techniques, pouvant conduire à des interprétations sauvages et à des transgressions, sont mis par l’absurde en évidence dans le film de Cronenberg «Maps to the stars» qui montre un «coach-analyste» entraînant ses patients et lui-même dans un scénario mégalomaniaque et catastrophique. Ceci en résonance avec le cynisme stupéfiant du monde des célébrités hollywoodiennes.
La question du cadre est d’abord une question d’actualité sociétale quand s’affaissent toutes les médiations symboliques comme c’est le cas aujourd’hui. C’est aussi penser le cadre politique et extra-politique dans lequel s’inscrit la pratique de la psychanalyse. On distinguera le bord externe du cadre de la situation analytique qui réunit les éléments du dispositif et que mettent en péril les pratiques par « zoom ». On prendra en compte l’investissement transférentiel du cadre métaphorisant les parts projetées du corps de l’analyste. Le cadre, sur son bord interne, soutient l’écran psychique qui rend possible le jeu transférentiel des représentations. Telle est la fonction tiercéisante du cadre.
On évoquera le travail en face à face et la place du contre-transfert dans l’instauration des deux bords du cadre de la situation analytique proprement dite, une face double du cadre dirigée à la fois vers la réalité du dehors et la réalité du dedans.
Dans le « Séminaire sur l’amour » (1970-1971), François Perrier apporte une contribution essentielle à la problématique de la sexualité féminine et du féminin en donnant au maternel féminin statut d’expérience fondatrice du féminin, de la construction du narcissisme et du moi-idéal pour la femme, en deçà de la théorie sexuelle phallique soutenue par Freud assignant à la femme valeur de négatif. À l’écoute clinique des contenus pulsionnels archaïques, d’angoisses féminines spécifiques, non partageables par le garçon, il récuse le schéma freudien réduisant l’accès au désir chez la femme à l’envie du pénis. Avec l’invention du concept d’amatride comme structure de transition dans la culture, il décrit et conceptualise une figure féminine illustrant une faillite de la structuration du féminin pour donner à la cure la visée d’inscrire le signifiant féminin dans sa positivité.
L’auteure met l’accent sur la théorisation de la pensée de l’analyste en séance, et sur le fil central de la solitude qui l’accompagne dans ses différentes déclinaisons : présence-absence, vivance-perte, en partant de La perte de soi de J.-F. Chiantaretto, et des associations qu’il lui a inspirées. Elle explore ainsi une solitude habitée, animée par un entre-deux qui singularise l’expérience de la cure, tandis qu’elle est traversée par des mouvements intérieurs contradictoires entre doutes et conviction, incertitudes et croyance, et prolongée pour l’analyste par la place de l’écriture.
Le « travail de culture » (Freud, Zaltzman) ne se limite pas au dispositif divan-fauteuil et à la mise en œuvre de « l’or pur de la psychanalyse ». Nous interrogeons ce qu’il en est de l’extension de la psychanalyse et des dispositifs institutionnels qui attractent la vie psychique, et constituent des scènes pour le déploiement transférentiel. Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) procède de la catégorie de l’intermédiaire, œuvrant à l’incessant « remaillage du corps social » (Henri), et à la constitution du « bien commun ». Le travail de transformation de la destructivité qui s’y développe permet de penser le Kulturarbeit, dans la pluralité des dimensions individuelles, groupales, institutionnelles et collectives.
La psychanalyse naît, se développe et se reformule dans un processus sans fin de transmission. L’auteur abordera les questions posées par la transmission de la psychanalyse à l’université, en tant qu’elles viennent interroger le lien intrinsèque entre méthode psychanalytique et métapsychologie.
Psychiste dans une institution accueillant des personnes adultes atteintes d’une déficience mentale et de troubles associés, nous évoquerons dans cet article des situations rapportées d’un lieu d’élaboration de situations cliniques par des professionnels éducateurs ou vécues en entretiens psychothérapeutiques singuliers. Confrontée à des sujets qui, répétitivement, « racontent des histoires » à leurs pairs, à l’accompagnant du quotidien, au psychiste, nous nous interrogerons, dans une écoute analytique, sur la potentialité de sens dont ces récits sont porteurs. À travers le dire d’un sujet en particulier, nous questionnerons le statut de ces récits affabulatoires centrés sur une thématique du négatif. Quels liens entendre entre ces fictions et le discours de ses premières figures d’attachement ? Quels effets inconscients sont recherchés par le sujet ? Sont-ce des formations réactionnelles à des mensonges initiaux des premiers objets, à des attitudes ou agirs déconcertants et énigmatiques de l’environnement, des constructions narratives mettant en scène des fantasmes originaires ? Prises dans la trame intersubjective transférentielle, ces affabulations auraient-elles quelques vertus symbolisantes ?
August Aichhorn, psychanalyste viennois, oublié ou méconnu, n’ayant écrit qu’un seul livre, a été un novateur en amenant à la psychanalyse des populations qui en étaient exclues : adolescents délinquants, familles, et personnes de catégories sociales n’appartenant pas à la bourgeoisie viennoise. Sa pratique clinique de la psychanalyse, développée dans la revue « pédagogie psychanalytique », va influencer une multitude de psychanalystes. Celles et ceux qui ont participé à ses séminaires vont essaimer sur 2 continents : En Europe avec les polycliniques mais aussi en Grande-Bretagne où ces psychanalystes vont jouer un rôle de médiation dans la controverse entre Mélanie Klein et Anna Freud, et en France où l’ordonnance 1945 sur la protection des mineurs va s’en inspirer.
L’histoire du mouvement psychanalytique montre comment plus d’un chemina aux côtés de Freud ignorant alors les points de désaccord qui allaient peser d’un poids suffisant pour l’amener sinon à se séparer du moins à revendiquer une psychanalyse à sa manière. L’exemple de la fondation du 4e Groupe OPLF souligne qu’on ne saurait faire des scissions un phénomène purement institutionnel, un fait de politique, mais que plus profondément les initiateurs de ces scissions ont opéré une dérive théorique due à leurs apports propres qui fait potentiellement effet de coupure.
Bien que les ruptures dans l’histoire de la psychanalyse se produisent toujours sur le problème de la formation, la passion et la conflictualité (favorisant les maladies chroniques des sociétés analytiques, qui prennent la forme du suivisme, du clanisme et du clivage destructeur) opèrent comme « pousse à la scission ». La scission de 2005 du Quatrième Groupe, dont l’issue sera la création de la SPRF, sera étudiée pour interroger la problématique de l’aliénation transférentielle (à l’analyste, à la société analytique, au désir de devenir analyste et au savoir) et le retour du refoulé du pouvoir, de la dissimulation et de la déception présents au temps de Jacques LACAN mais aussi avec le fondateur de la psychanalyse. La théorisation de l’institution analytique serait à investir pour continuer à penser et à créer à partir de ces problématiques de formation, d’aliénation et de communauté analytique au travail.
L’histoire du mouvement psychanalytique est parsemée de moments de conflits de personnes, assez passionnels, aboutissant parfois à des ruptures brutales – exclusions ou démissions à titre personnel – ainsi qu’au niveau collectif, notamment en France, à des scissions. Le tableau est le suivant : une majorité, garante de l’identité institutionnelle s’opposerait à un groupe de réformateurs un peu trop zélés. Je vous propose un survol rapide des conflits ou des tensions théoriques rencontrés par le tout jeune Freud neurologue confronté à la pensée des grands maîtres de la neurologie en espérant pouvoir saisir un élément de compréhension qui éclairerait la position épistémologique tranchée qu’il adoptera plus tard en condamnant les cadres de pensée et les visions d’ensemble au profit de la recherche pas à pas.