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Freud fait paraître en 1908 un court récit, Le roman familial des névrosés. Il y développe l’idée que l’enfant se désespère assez tôt de la médiocrité de ses parents et s’en invente alors d’autres, plus adaptés à son génie. C’est généralement ce qu’on retient du texte en oubliant l’argument principal selon lequel la séparation d’avec les parents est tout autant nécessaire que douloureuse pour le développement de l’enfant. Il y a en germe dans ce texte toute la théorie de la conflictualité nécessaire pour devenir sujet. Et la thèse pourrait se poursuivre en imaginant un roman familial s’inventant un bébé parfait, ou un roman conjugal avec en personnage principal un conjoint idéal. L’autre est toujours décevant, mais il nous faut supporter le désordre qu’il provoque pour éviter autant que possible la haine et, dans le meilleur des cas, créer ensemble de nouvelles formes d’être au monde.
Contexte
L’incertitude est consubstantielle de la pratique psychanalytique, fondée sur une ouverture à l’inconnu. La règle fondamentale en institue l’expérience au fondement de la cure. Elle est tout à fois la réponse méthodologique la plus ajustée aux logiques du sexuel infantile et le ressort privilégié de son appropriation subjective.
Objectifs
L’auteur souhaite opposer à cette incertitude féconde une incertitude fondée sur une dépendance vitale qui, sur fond de lien passionnel, tend à figer le processus analytique et vise la destruction de la cure. Partant, il s’agit de problématiser le régime d’incertitude propre à l’expérience-limite. Cette expérience de « lutte à mort contre la mort » s’engage lorsqu’une emprise apparemment sans issue s’exerce sur un être humain et le dépossède « d’un droit impersonnel à la vie » (N. Zaltzman, 1998). De quels ressorts la pratique psychanalytique dispose-t-elle dans un tel contexte ?
Méthode
L’auteur s’appuie à la fois sur une pratique clinique de psychanalyste et son travail de superviseur auprès d’équipes confrontées à des cliniques de la grande précarité. Les champs anthropologiques ou artistiques sont également convoqués pour explorer les logiques de l’expérience-limite. L’auteur met à l’étude le concept de pulsion anarchiste proposé par Nathalie Zaltzman il en propose un réexamen critique tout en soulignant sa grande valeur sur le plan clinique. À l’horizon de ce questionnement, l’auteur interroge la psychanalyse au regard de la crise environnementale, pensée comme expérience-limite à venir.
Résultats
Quelles sont les ressources d’une psychanalyse aux prises avec l’expérience-limite ? Le travail clinique en régime anarchiste assure la constitution d’une résistance singulière au cœur des zones de mort. Elle a vocation à armer psychiquement les sujets pour soutenir une capacité à jouir de l’existence malgré tout, sans sombrer dans la psychose, l’apathie, l’aliénation. Traversée par l’expérience-limite (la crise de la Covid-19, par exemple), une psychanalyse travaillée par la pulsion anarchiste peut, en retour, entreprendre un travail de réexamen de ses fondements et de déplacement de ses paradigmes fondateurs.
Conclusion
Ce texte interroge les changements de paradigme cliniques et théoriques requis par un régime spécifique d’incertitude, celui de l’expérience-limite. Le questionnement clinique se double d’une interrogation anthropologique, sur fond de crise environnementale. Ce texte constitue une première approche et s’efforce de poser quelques jalons au cœur d’un chantier considérable.
Les absents (hommes, dieux et autres esprits) jouent un rôle considérable dans la création des signes qui servent, dans toute société, à désigner, nommer, et même instituer les places des présents et celles des absents tout en mettant du sens dans leurs relations. La sémiotique conçoit ainsi le processus d'humanisation à travers la création des signes alors que la psychanalyse a permis, à sa manière, de voir combien le monde des absents participe à la construction psychique du sujet.
Cet article est la reprise augmentée d'une intervention dans le cadre d'un colloque sur l'œuvre de Victor Stoïchita : "L'effet Pygmalion. Pour une anthropologie historique des simulacres." On suivra le fil de ce livre en revisitant les données d'un point de vue psychanalytique. Pygmalion, nous dit l'auteur, est le mythe fondateur du simulacre, et nous le suivons sur cette voie, ce qui nous conduira à examiner au plus près la question du fétichisme et de la perversion que nous lierons à une difficulté inhérente à l'humain, celle de ne pouvoir renoncer à ses objets primaires.
En tant qu’analystes, nous avons introjecté des images de nos analystes et superviseurs, ainsi que celle de Freud comme concepteur de l’analyse; ces images nourrissent notre « fonction psychanalytique de la personnalité ». L’identification à Freud modèle cette fonction, implique une éthique de la science et de la vérité sur soi-même, une curiosité pour le psychisme, une capacité d’intuition, une créativité de la pensée. Les auteurs vraiment innovants, comme Klein ou Bion, témoignent d’une identification authentique, créative et mature à Freud, qu’il faut bien distinguer d’une soumission à la lettre et d’une pseudo-identification. Cette position implique un difficile travail d’élaboration, un renoncement à l’omnipotence de l’analyste, une acceptation de la douleur psychique, et non une acceptation dogmatique aveugle aux apports de Freud. L’auteur souligne, à l’instar de Freud puis de Bion, que l’insight et la recherche de vérité sont essentiels dans ce processus de survie et de croissance psychique que l’analyse a pour visée.
Sigmund Freud rêve d’une écriture théorique, dont le paradigme est l’écriture du rêve, qui serait en homologie avec ce qu’elle décrit. En ouvrant une fenêtre dans le langage pour en faire un rêve d’écriture comme fond de la parole, Freud en appelle à une sémiotique irréductible à une approche linguistique pour donner à la langue la chance de se libérer dans la parole de ses fixations sémantiques, pour en dégager l’étendue et la clôture.
Relisant L’enfant dans la psychanalyse d’Anna Freud, son rapport détaillé de la vie du « groupe des enfants de Terezin » est venu pour moi éclairer cette nécessité de constituer une matière psychique commune, groupale, pour qu’un groupe puisse devenir psychothérapique. Je vais tenter de dégager comment cette observation, revue à la lumière de nos concepts de la construction du moi corporel et de l’image du corps, et de ceux retirés de l’expérience psychanalytique des groupes, enrichit notre approche des phénomènes groupaux et de la groupalité psychique.
Il s’agit d’un groupe de six enfants juifs allemands (trois filles et trois garçons) arrivés à Bulldogs Bank, charmante maison « entourée de champs et de bois », le 15 octobre 1945. Ils étaient alors âgés de 3 ans à 3 ans et 10 mois et venaient de vivre entre deux et trois ans dans le camp de concentration de Terezin.
On en sait peu de choses. Après la déportation puis le meurtre de leurs parents, après être passés de refuge en refuge, six enfants, entre 3 mois et 1 an, échouèrent et vécurent au camp de concentration de Terezin. Ils furent admis à la « section des enfants sans mère » où ils furent gardés avec les moyens du bord (peu de nourriture, peu voire pas de jouet, peu d’espace et un personnel lui-même déporté, affaibli et soumis aux déportations successives et incessantes). Ils y restèrent jusqu’à la libération du camp, le 3 mai 1945. Dès ce jour, ces six enfants, avec bon nombre d’autres, furent soignés et nourris durant un mois dans un château tchèque, puis reçus en Angleterre dans le camp de Windermere pour deux mois, avec un convoi de 300 enfants et adolescents, « transportés en bombardiers » nous dit A…