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Olivier PACCOUD
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Extrait de la préface d'O.Paccoud
La pensée analytique de Philippe Réfabert est difficile, et en un sens douloureuse, parce qu’elle engage notre capacité à supporter la pensée qu’une « analyse » puisse se faire tout entière au compte d’un objet qui se dédit, se récuse ou s’est absenté ; qu’elle puisse être, d’un bout à l’autre, l’analyse d’un « objet sans ombre » qui s’est imposé au sujet – l’analyse d’une « chose sans nom », d’un « vautour » (Kafka) que le sujet, à son insu, a avalé, avec laquelle il s’est composé une « fondation vicariante ». L’auteur nous oblige dès lors à nous voir au miroir bien peu amène d’un analyste « innocent », d’un analyste « sphinx » rompu à faire « comme si de rien n’était », et qui, au nom d’oedipe, de la théorie pulsionnelle ou de la maîtrise de son contre-transfert, n’aura finalement de cesse de « répéter le crime » (Ferenczi). À une telle démission, Philippe Réfabert oppose un analyste-témoin ; un analyste disposé à se laisser atteindre, à « souffrir l’autre » et à s’affecter, par exemple, d’une haine qu’il ne se savait pas entretenir à l’endroit de son analysant : un tel analyste pourra, s’il se peut, témoigner d’un « meurtre d’âme » qui, au sens strict, n’a pas encore eu lieu, n’avait jamais trouvé son lieu. En engageant la psychanalyse sur de telles voies, en revenant, notamment, sur la question honnie de l’analyse mutuelle (Ferenczi), Philippe Réfabert réengage la psychanalyse sur des chemins à la fois passionnants et inquiétants. À lire les textes qui composent cet ouvrage, on prend de nouveau la mesure, en tremblant, qu’elle est bien cette « méthode dangereuse », et à ce titre absolument incomparable, pour guérir l’âme humaine.
220 pages.
Articles
Comment, et à quel « coût », le travail analytique participe-t-il de notre temps… et réciproquement ? Comment penser psychanalytiquement les effets de la crise écologique sur la vie psychique ? Comment relier cette question à celle d’une vie psychique inconsciente ? Comment en situer convenablement les articulations avec le travail de la cure, entre défense contre le sexuel et sexualisation défensive du meurtrier ?
Contexte
L’incertitude est consubstantielle de la pratique psychanalytique, fondée sur une ouverture à l’inconnu. La règle fondamentale en institue l’expérience au fondement de la cure. Elle est tout à fois la réponse méthodologique la plus ajustée aux logiques du sexuel infantile et le ressort privilégié de son appropriation subjective.
Objectifs
L’auteur souhaite opposer à cette incertitude féconde une incertitude fondée sur une dépendance vitale qui, sur fond de lien passionnel, tend à figer le processus analytique et vise la destruction de la cure. Partant, il s’agit de problématiser le régime d’incertitude propre à l’expérience-limite. Cette expérience de « lutte à mort contre la mort » s’engage lorsqu’une emprise apparemment sans issue s’exerce sur un être humain et le dépossède « d’un droit impersonnel à la vie » (N. Zaltzman, 1998). De quels ressorts la pratique psychanalytique dispose-t-elle dans un tel contexte ?
Méthode
L’auteur s’appuie à la fois sur une pratique clinique de psychanalyste et son travail de superviseur auprès d’équipes confrontées à des cliniques de la grande précarité. Les champs anthropologiques ou artistiques sont également convoqués pour explorer les logiques de l’expérience-limite. L’auteur met à l’étude le concept de pulsion anarchiste proposé par Nathalie Zaltzman il en propose un réexamen critique tout en soulignant sa grande valeur sur le plan clinique. À l’horizon de ce questionnement, l’auteur interroge la psychanalyse au regard de la crise environnementale, pensée comme expérience-limite à venir.
Résultats
Quelles sont les ressources d’une psychanalyse aux prises avec l’expérience-limite ? Le travail clinique en régime anarchiste assure la constitution d’une résistance singulière au cœur des zones de mort. Elle a vocation à armer psychiquement les sujets pour soutenir une capacité à jouir de l’existence malgré tout, sans sombrer dans la psychose, l’apathie, l’aliénation. Traversée par l’expérience-limite (la crise de la Covid-19, par exemple), une psychanalyse travaillée par la pulsion anarchiste peut, en retour, entreprendre un travail de réexamen de ses fondements et de déplacement de ses paradigmes fondateurs.
Conclusion
Ce texte interroge les changements de paradigme cliniques et théoriques requis par un régime spécifique d’incertitude, celui de l’expérience-limite. Le questionnement clinique se double d’une interrogation anthropologique, sur fond de crise environnementale. Ce texte constitue une première approche et s’efforce de poser quelques jalons au cœur d’un chantier considérable.
La psychanalyse ne saurait échapper, sauf à se renier elle-même, à un travail de mise en cause et en crise de ce qui la fonde, la délimite, l'encadre et, potentiellement, menace de l'objectiver. il lui revient donc de penser sans cesse avec et sur ses propres bords, ses angles morts et ses zones d'ombre. Comment, dès lors, penser sa transmission, voire son institutionnalisation ?
Ce texte vise à clarifier la notion de cadre psychanalytique, et, partant, à mieux situer la question du cadre au regard de la pratique psychanalytique. Dans un premier temps, l’auteur essaie de mettre le cadre, la « question-du-cadre », en bonne position théorique, afin de tenter de démêler ce qui, dans cette question, relèverait de symptômes théoriques, de ce qui afférerait à de véritables et cruciaux enjeux pour la psychanalyse. L’auteur tente de situer, au regard notamment de sa conception des visées de la psychanalyse, la position métapsychologique du cadre. Enfin, il tente de penser le cadre en lien avec certains enjeux théorico-cliniques, touchant notamment à la question de l’acte, qui semblent fondamentaux pour la psychanalyse d’aujourd’hui et de demain. Pour ce faire, il se soutient de la pensée de Bion, mais également de celles de Ferro, Ogden, Bollas, Grotstein.
Dans le champ de la santé, l’exigence de « continuité du soin » est aujourd’hui très présente, tout en étant mise à mal par une vision gestionnaire de la vie psychique. À partir de sa pratique en pédopsychiatrie, l’auteur de cet article propose une réflexion sur cette notion, en s’intéressant particulièrement à ses articulations possibles avec celle de cadre soignant, et aux conséquences d’une continuité des soins pensée à partir de la clinique du transfert.
Les textes réunis dans le dossier de ce numéro sont issus des communications prononcées lors des deux dernières journées d'étude d'Annecy. Nous avons voulu faire de ces journées un lieu propice à l'échange, à la réflexion et à la rêverie, autour de la rencontre du psychanalyste et de l'écrivain – son écrivain. Ainsi souhaitions-nous faire entendre quelque chose du lieu où s'engage la subjectivité de chacun pour écouter, pour écrire, pour lire et pour penser l'autre ...
À partir du thème proposé (« le psychanalyste et son écrivain »), l’auteur témoigne de sa rencontre avec le poète André Du Bouchet. Poursuivant un dialogue entamé de longue date avec le poète, l’auteur met d’entrée en question l’idée d’une lecture psychanalytique du texte littéraire : lecture qui traiterait exclusivement le texte à la manière d’un symptôme, en proposant des interprétations « sur » le texte. Le présent article tente de faire éprouver, dans la rencontre du texte poétique, les limites d’une telle méthode, de faire saillir les points de basculement où l’analyste, destitué de sa place d’interprète, se fait soudain interpréter, jouer, bousculer par une langue qui semble échapper à sa symptomatologie, trouve des « solutions de langue » inédites. L’analyste lecteur sera particulièrement sensible à une poésie qui se propose de « transmutter le terrible et l’intolérable en fraîcheur ».
Sur la base de la psychothérapie de Sébastien (de 5 à 8 ans), le texte rend compte avant tout d’un travail d’élaboration contre-transférentiel : travail d’autant plus ardu que les mouvements de destructivité, d’emprise, de tyrannie, sont intenses au sein du dispositif. La rencontre avec Sébastien a engagé le thérapeute à se mouvoir sur une scène « limite », « travaillée » notamment par des mouvements d’investissement et de désinvestissements radicaux. Il a donc essentiellement été question, en référence à cette clinique, de témoigner du travail de construction d’un cadre, d’un cadre interne, d’un cadre psychique : construction d’un « écran » sur lequel la destructivité, la haine, puissent venir se figurer, se mettre en scène, se réfléchir. Dans ce contexte, le souvenir d’un film, Le salaire de la peur (de H.-G. Clouzot, 1952), qui se « réveille » pour l’analyste au cours de la psychothérapie, sert de fil rouge au propos. L’histoire de ce film – telle qu’elle lui est revenue – et son analyse lui ont permis de structurer quelque chose, à la fois de la problématique de Sébastien, de son élaboration contre-transférentielle propre, et des enjeux processuels au sein de la thérapie.