Avril - Mai 2022 - Bienvenue sur le site du Quatrième Groupe -
L’éditorial
Les échos que le contexte actuel de notre société, la crise environnementale et les évènements de la guerre en Ukraine font à la réflexion engagée à l'occasion des Journées Scientifiques 2022 nous encouragent à poursuivre le travail de pensée sur la peur à la fois dans, en deçà et au-delà de son actualité. Sont publiés à ce sujet, sous l'éditorial, les propos de plusieurs analystes membres du Quatrième Groupe ainsi que de notre présidente Sylvie Cognet.
La peur nous accompagne de la naissance de la psyché jusqu'à la fin de la vie. Définie comme l’émotion qui permet l'adaptation au danger, signe du vivant qui tient à la vie et en perçoit la fragilité, expression de la conscience de soi au monde, la peur circule entre individuel et collectif induisant parfois des réactions démesurées voire inadaptées. Le ressenti de la peur signe l’exigence à vivre, le désir, le risque et la nécessité de la rencontre, l'expérience de la vie, la confrontation au monde et la conscience de la possibilité de tout perdre dans cette confrontation.
Peur du loup, peur du noir, peur bleue… peur de l’enfant face à ses cauchemars… peur de l’inconnu ou inquiétante étrangeté, l'objet de la peur est il toujours identifiable ? De quelles émotions anciennes, éprouvés inconscients enfouis au plus profond de nous-mêmes, la peur peut-elle se faire l’expression? Peur d'être abandonné, rejeté, peur de déranger, de parler, d'apprendre, peur de penser, de se jeter à l’eau, de réaliser ses désirs... peur de partir, de revenir, de réussir, de rater, peur de séduire, d'être séduit, peur de tout claquer… peur de mourir… « même pas peur ». L’émotion négative "avoir peur" s’exprime sur tous les tons et sa polyphonie résonne avec un certain nombre de configurations familières à l’écoute psychanalytique.
Est-il là question de l'être en détresse qui, conscient dès sa naissance de son besoin absolu d'un être secourable pour assurer sa survie, a la prescience qu'il n'arrivera pas seul à déchiffrer l'énigme de la vie? L'expérience de l’Hiflosigkeit se situe-t elle plutôt du côté de l'angoisse ou de la peur ? S’agit-il de l'intuition connue depuis l'enfance, celle de la solitude irrémédiable de l'individu en quête d'un prochain ? La peur témoigne-t elle du glissement de l’altérité à l’altération, signifiant l’absolue nécessité de la rencontre de l’autre et du monde autant que le risque majeur de l’anéantissement, de se perdre à soi même ? Est-il question de l'enfant curieux, qui ne peut s'empêcher d'aller chercher des réponses quitte à parfois se brûler les doigts ? La peur pourrait-elle prendre place dans l’intrication des pulsions à l'endroit de l'articulation entre pulsion libidinale et agressivité, liaison et destruction ? Pourrait-on suggérer que pour l’être de culture immergé dans des objectifs supérieurs, saturé par son désir d’intégration sociétale, sans cesse en lutte avec le sauvage et le mal de sa nature, la peur fasse fonction de rappel à la condition humaine et à la difficulté de gérer le conflit psychique ?
De l'accueil de la peur dans la cure psychanalytique, des apparences qu'elle revêt dans le symptôme, de son expression dans la névrose de transfert, de ce qui navigue de son éprouvé de l’analysant à l’analyste et de l'éventualité de le transformer dans la relation analytique, émerge l’interrogation: est-il possible que l'expérience de la peur dans la situation analytique permette que du noir de la nuit parvienne autre chose que l’effroi?
Elisabeth Herlemont - Responsable du site
PARUTIONS RÉCENTES
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ACTUALITÉ
Pourquoi la guerre ? - Sylvie Cognet - Présidente du Quatrième Groupe
Face à une actualité dominée par la guerre en Ukraine, les analystes de notre société s’interrogent dans des termes identiques à ceux de Freud quand il rédigeait « Pourquoi la guerre ? » en 1932. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est nécessaire aujourd’hui en 2022, par ces quelques lignes extraites du « Malaise dans la civilisation » de réentendre sa voix, sa lucidité et sa justesse sur ces questions.
« La question cruciale pour le genre humain me semble être de savoir si et dans quelle mesure l’évolution de sa civilisation parviendra à venir à bout des perturbations de la vie collective par l’agressivité des hommes et leur pulsion d’autodestruction. Sous ce rapport, peut-être que précisément l’époque actuelle mérite un intérêt particulier.
Les hommes sont arrivés maintenant à un tel degré de maîtrise des forces de la nature qu’avec l’aide de celles-ci, il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, d’où une bonne part de leur inquiétude actuelle, de leur malheur, de leur angoisse. Il faut dès lors espérer que l’autre des deux « puissances célestes », l’éros éternel, fera un effort pour l’emporter dans le combat contre son non moins immortel adversaire. Mais qui peut prédire le succès et l’issue ? »
Sigmund Freud. 1930. Extrait de « Malaise dans la civilisation »
Troie en Ukraine - Jean Peuch Lestrade - 21 Avril 2022
Pratiquer la psychanalyse nous rend attentifs aux mots. Ce texte en témoigne et résonne dans l’après-coup avec les dernières journées scientifiques sur le thème « Avoir peur »
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Contribution à une réflexion sur la guerre - Monique Mioni - 14 avril 2022
Si Freud a pu au lendemain de la guerre de 14-18 nommer la pulsion de mort qu'il théorise comme une fiction, repérer la déliaison et en limiter les effets grâce à ce qui fonctionne comme pensée de survie, qu'en sera-t-il pour nous aujourd'hui ?
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La Guerre - Geneviève Lombard - 5 avril 2022
Prendre concience aujourd'hui de l'état d'esprit dans lequel était Freud au début de la Première Guerre mondiale a quelque chose de poignant. Sa description d'une perte civilisationnelle immédiate pour les européens d'alors nous reste très proche, à nous les européens d'aujourd'hui.
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Continuer à discerner - Marc Bonnet - 4 avril 2022
La guerre en Ukraine déclenchée le 25 février 2022, occupe nos esprits de citoyens et de psychanalystes. Nous sommes convoqués, chacun dans notre for intérieur, à revisiter nos expériences antérieures de confrontation à la guerre, et tout en étant interpellés par les nouvelles diffusées par les médias qui nous viennent d’Ukraine, à faire preuve de discernement.
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Pour-quoi la culture ? - Éric Julliand - 29 mars 2022
Taras Chevtchenko 1814 – 1861
Né à Moryntsi dans le sud de Kyiv, mort en exil à Saint-Petersbourg en 1861, T. Chevtchenko a combattu la dictature impériale. Les écoliers apprennent ses poèmes et c’est en quelque sorte le Victor Hugo des Ukrainiens. Il est célébré chaque année sur une colline qui surplombe la plaine du Dniepr où ses cendres ont été ramenées. L’Université principale de Kyiv porte son nom, les défenseurs de Maïdan arboraient son portrait en 2014 et ils scandaient ses vers devenus des slogans « Luttez, vous vaincrez ».
Aujourd’hui de nouveau… Mais, il est temps de laisser la parole au poète:
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