Bibliographie
Janine FILLOUX
Membre
Livres
375 pages.
Articles
Dans le « Séminaire sur l’amour » (1970-1971), François Perrier apporte une contribution essentielle à la problématique de la sexualité féminine et du féminin en donnant au maternel féminin statut d’expérience fondatrice du féminin, de la construction du narcissisme et du moi-idéal pour la femme, en deçà de la théorie sexuelle phallique soutenue par Freud assignant à la femme valeur de négatif. À l’écoute clinique des contenus pulsionnels archaïques, d’angoisses féminines spécifiques, non partageables par le garçon, il récuse le schéma freudien réduisant l’accès au désir chez la femme à l’envie du pénis. Avec l’invention du concept d’amatride comme structure de transition dans la culture, il décrit et conceptualise une figure féminine illustrant une faillite de la structuration du féminin pour donner à la cure la visée d’inscrire le signifiant féminin dans sa positivité.
Avec la « figure » de « l’infans dans l’adulte », Ferenczi crée la représentation d’un en-deçà de l’enfant freudien, de « l’enfant dans l’adulte » constitué en référence au complexe d’Œdipe, avec pour conséquence non seulement un remaniement de la position du psychanalyste, du cadre analytique et de l’activité représentative qui lui est liée, mais plus encore, une rupture avec la doctrine freudienne par la mise à l’écart du complexe d’Œdipe comme structurant universel du psychisme. On sait que sur cette rupture Freud ne cédera pas, et considérera ces derniers travaux comme le résultat de « sources émotionnelles immaîtrisables et invaincues », entraînant une régression névrotique dans l’évolution de Ferenczi. Mais force est de constater qu’avec l’extension contemporaine de la notion d’état-limite et celle des aménagements cliniques qu’elle tend à induire, le différend Freud-Ferenczi garde toujours son actualité.
Friedrich Nietzsche, né en 1844, meurt en 1900, année de parution de L’interprétation des rêves, ce livre où, comme le dit O. Mannoni, « s’est ouvert l’inconscient ». Dix années de silence consécutives à l’effondrement vécu, en 1889 à Turin, lorsqu’il est témoin de la maltraitance d’un cheval par son charretier, ont précédé sa mort ; il ne pouvait connaître l’œuvre de Freud. Et Freud qui, lui, connaissait l’œuvre de Nietzsche n’aura cessé de s’en défendre. Il s’en expliquera dans Sigmund Freud présenté par lui-même, son autobiographie écrite en 1925-1926 : « J’ai soigneusement évité de m’approcher de la philosophie proprement dite… Les larges concordances de la psychanalyse avec Schopenhauer… ne peuvent se déduire de ma familiarité avec Schopenhauer. J’ai lu Schopenhauer très tard dans ma vie. Quant à Nietzsche, l’autre philosophe dont les pressentiments et les aperçus coïncident souvent de la manière la plus étonnante avec les résultats laborieux de la psychanalyse, je l’ai longtemps évité précisément pour cette raison : la priorité de la découverte m’importait moins que de rester sans prévention ». Si Freud peut reconnaître en Nietzsche une égale passion pour déchiffrer, éclairer toutes les dimensions de la vie psychique et, dès 1908, rendre hommage à son « degré d’introspection qui n’a jamais été atteint par personne avant lui et ne le sera sans doute jamais », il ne saurait, pour autant, céder sur le privilège qu’il accorde pour assurer la légitimité des connaissances sur la psyché aux « résultats laborieux » acquis par l’observation scientifique sur la pensée spéculative…
Très tôt et très activement engagé dans l'histoire et le développement du mouvement analytique en France, François Perrier a d'abord publié de nombreux écrits cliniques, notamment sur l'hystérie, l'érotomanie, la paranoïa, la perversion ou encore la thérapie du psychotique. Dans les séminaires tenus dans les années qui suivent la création du Quatrième Groupe il se consacre plus particulièrement à explorer et élaborer la nature du travail analytique et la spécificité du statut de la psychanalyse en tant que discipline thérico-clinique, se réclamant résolument de l'héritage freudien pour éclairer la position de l'analyste dans le champ transférentiel qui constitue la cure analytique et l'éthique de l'analyste qui en est le support.
Freud a légué aux psychanalystes un mode de connaissance et un mode d’approche spécifiques des processus psychiques qui confèrent à l’analyse un pouvoir de transformation sur les processus psychiques. Le travail psychanalytique, qui se veut travail de remémoration langagière et création de pensées nouvelles, vise ainsi à de possibles métamorphoses comme fruit de l’échange conscient et inconscient entre l’analyste et son patient.
Lou Andrea-Salomé : cette intrigante figure féminine du mouvement analytique agréée comme membre de la Société psychanalytique viennoise en 1922, et dont l’œuvre psychanalytique n’a été publiée en France qu’autour des années 80. Ses écrits, ainsi que l’intense correspondance qu’elle aura avec Freud jusqu’à son décès, en 1937, permettent d’éclairer l’originalité et la hardiesse de sa pensée sur son approche du féminin comme de la création, et ses divergences avec Freud sur ces questions peuvent permettre de la considérer comme un précurseur de débats plus contemporains, notamment sur le féminin et la sexualité féminine. N’adhérant pas à la conception phallocentriste de Freud qui veut que la sexualité féminine s’élabore constamment en fonction de repères phalliques, conception postulant ainsi une structuration identique de l’inconscient du garçon et de la fille, elle soutiendra et revendiquera d’emblée une conception du spécifique de la psyché féminine, anticipant à sa manière les travaux de Jones et de l’école anglaise qui opposent, comme on sait, au modèle freudien le modèle d’une sexualité féminine en termes de concentricité pour soutenir que « la fille nait fille », et affirmer, par là, l’idée de l’impact de l’anatomie du sexe propre de la fille sur l’inconscient de la fille....
... suite sur la revue n°44 - Nunc - revue publiée par le Collège des Bernardins
Lou Andreas-Salomé rencontre Freud et la psychanalyse en 1911. Leur correspondance qui s’étend de 1912 à 1936 nous restitue l’intensité d’une relation déjouant le naufrage auquel leurs profondes divergences dans la façon d’appréhender la réalité psychique auraient pu conduire. Par la grâce d’un lien transférentiel « inconditionnel » du côté de Lou, d’un respect et d’une bienveillante tolérance pour ses positions « hérétiques » du côté de Freud, leur dialogue échappe à la pente polémique et trouve, chez l’un comme chez l’autre, les aménagements nécessaires pour faire de cet échange entre une femme et un homme le lieu d’une confrontation complice et, pour nous, d’un débat sur le féminin qui garde toute son actualité.
Ce qui peut se saisir comme le spécifique du féminin se situe dans l’en-deçà de la structuration phallique de l’Œdipe et de la problématique phallique-châtré à laquelle Freud s’est arrêté, pour être appréhendé sur le registre de l’homosexualité primaire, des modalités de « l’inceste » mère-fille, des avatars du moi-idéal homosexué et de la constitution du corps propre. Parler d’une « clinique du féminin » prend sens dans l’écoute des contenus pulsionnels archaïques en relation avec la phase du « tendre attachement à la mère », de la « préhistoire de la femme », dont Freud nous dit qu’elle est décisive pour le devenir de la femme. C’est, ce faisant, affirmer une différence entre le développement libidinal de la fille et celui du garçon et admettre l’existence de formes d’angoisses féminines ante-oedipiennes, - non partageables en tant que telles par le garçon -, liées à des failles ou des impasses dans la structuration du moi-idéal homosexué. L’émergence d’un noyau mélancolique au décours d’une cure pour Monique Cournut-Janin, ou la figure de l’amatride décrite par François Perrier, constituent des contributions psychanalytiques importantes à cette clinique, qui trouve également dans l’œuvre cinématographique et littéraire un terrain fécond à son illustration avec le film d’Ingmar Bergman Sonate d’automne, ou l’histoire de l’analyse de Marilyn Monroe avec Greenson.
La saisie de l’expérience analytique, de la nature du travail analytique et de la spécificité de la position du psychanalyste est au centre de l’œuvre théorique et clinique que François Perrier nous a léguée. Aussi est-ce sur une conception de la transmission de la psychanalyse – et de la formation analytique qui lui est liée -, devant découler des visées de la pratique analytique, qu’il fonde son analyse critique des institutions analytiques et des modalités de transmission et de formation qu’elles mettent en œuvre. En réaffirmant que le transfert est l’axe de la psychanalyse, il justifie que c’est par la seule parole dans le champ du transfert que peut se faire la transmission analytique et que doivent être pensées les modalités de la formation ; une conception à l’origine d’un grand nombre d’orientations propres au Quatrième Groupe.
Cet article est paru dans « L’œuvre d’art : un ailleurs familier – ACTES 3 – 2014 »
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L’œuvre de Nietzsche est tout entière une interrogation sur l’histoire de la culture, ses fondements et ses impasses. Et ce qu’il trouve au centre de cette histoire est le désir d’emprise et de cruauté. Anticipant les catastrophes culturelles du XXe siècle, il met la question du mal au coeur de sa réflexion. Un demi-siècle plus tard, avec l’introduction de la pulsion de mort et le conflit Éros-Thanatos, Freud va, dans ses écrits anthropologiques, interroger à son tour les fondements de la culture dont dépendent les progrès et le devenir de l’humanité. Si un même projet les réunit, si l’on peut tous deux les qualifier de « grands désillusionnistes », leur pensée bifurque sur bien des points : celui de la primauté du sensoriel sur le rationnel défendue par Nietzsche, celui de la fonction civilisatrice du refoulement pulsionnel soutenue par Freud, ou encore la dimension du conflit essentielle à la pensée freudienne, là où Nietzsche pense nécessaire coexistence des contraires. Reprenant ces questions, Nathalie Zaltzman nous lègue, à partir de son écoute analytique et d’une lecture approfondie de la littérature concentrationnaire, une importante et originale contribution à la définition du travail de culture et à la question du mal.
La découverte de l’inconscient est le fruit d’une transgression, celle par Freud de la censure du rêve par la méthode de libre association. Cette valeur épistémologique de la transgression se traduit dans le champ de la discipline analytique par la nécessité de soutenir une dynamique permanente de franchissement des limites et des censures pour ouvrir à cette connaissance. En ce sens, la position analytique ne peut être dite, elle-même, que transgressive. Mais ceci requiert aussi du psychanalyste, tant d’un point de vue théorique, technique, qu’éthique, d’opérer un travail continu de différenciation entre ce qui contribue à la mise en œuvre et au maintien du processus analytique et ce qui concourt à son effacement, de situer les seuils et les limites de son action au regard de la transgression entendue dans son sens opposé d’infraction coupable. Cette coexistence de sens opposés n’est pas sans retombées théoriques et méthodologiques sur les clivages et discordances dans la communauté analytique; elle fait de la pensée sur la transgression un pivot de la question de savoir comment la découverte de l’inconscient peut survivre à toutes les réductions auxquelles elle peut donner lieu.
Interlignes
L’histoire du mouvement psychanalytique français est jalonnée par des scissions :
Depuis la création, en 1926, de la SPP, le mouvement psychanalytique français a connu trois scissions en seize ans donnant naissance à quatre sociétés analytiques. 1953 : création de la Société française de psychanalyse, la SPF – 1963 : de L’Ecole freudienne de Paris, l’EFP, et de l’Association psychanalytique de France, l’APF – 1969 : du Quatrième Groupe, auxquelles s’ajoute, en 2004, celle de la Société de formation et de recherche psychanalytiques, la SFRP. Après la dissolution de l’EFP par Lacan, la création de nombreuses sociétés aussi dont je connais mal l’historique (références : Sylvie Sesé-Léger, Mémoire d’une passion. Un parcours Psychanalytique, Campagne Première, 2012, et, Document sur la dissolution de l’EFP in Les Lettres de la SPF, La Société de psychanalyse freudienne, n° 33, 2015). Tout mouvement de rupture amène donc à la constitution d’une autre unité analytique..... suite (lien actif)
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