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Georges GAILLARD
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Avec les catastrophes génocidaires et leur projet de négation de l’appartenance humaine, dont la Shoah constitue la figure paradigmatique, le XXe siècle aura marqué une rupture au cœur même de l’idée de culture. C’est en se confrontant à cette violence que Nathalie Zaltman initie, à partir de sa pratique clinique, un véritable renouvellement de la psychanalyse. Revenant sur la théorie freudienne des pulsions de mort pour l’enrichir du concept de « pulsion anarchiste » (1979), elle dessine une approche novatrice de la négativité, au-delà de l’autodestructivité narcissique de type mélancolique ou de la haine narcissique de la culture suscitée par l’exigence collective de sacrifices pulsionnels. Dans cette perspective, la culture apparaît irrémédiablement traversée par une lutte entre la transformation (partielle) de la des- tructivité et la régression destructrice qui fait fondre dans la notion de « masse » l’individuel et le collectif.
En revisitant le travail de la cure, les processus de la culture, les figures de l’exclusion et du mal, les différentes contributions réunies dans ce volume témoignent de l’importance et de l’actualité de son œuvre, internationalement reconnue.
Nathalie Zaltzman (1933-2009), psychanalyste, est née à Paris de parents juifs exilés. Après des études de psychologie, elle se forme à la Société française de psychanalyse puis à l’École freudienne de Paris. En 1970, elle rejoint le Quatrième Groupe, issu d’une rupture avec Jacques Lacan en 1969. Outre de très nombreux articles, son œuvre se compose de trois ouvrages : De la guérison psychanalytique (1998), La Résistance de l’humain (1999) et L’Esprit du mal (2007).
304 pages.
Paul Fustier (1937-2016), professeur de psychologie à l’université de Lyon 2, est une figure emblématique de la clinique des équipes et des institutions, dans le champ du travail social et du soin psychique. Ses analyses de la vie quotidienne des établissements ont été décisives pour penser les pratiques éducatives et soignantes à un triple niveau : institutionnel (la tâche primaire, la crise et le changement), professionnel (le faire équipe), relationnel (le lien d’accompagnement). On lui doit notamment d’avoir mis l’accent sur l’importance des espaces intersticiels et des pratiques en ricochet, à travers lesquels les enfants, les résidents, les patients et autres usagers des institutions trouvent l’occasion de faire autre chose que d’être seulement et strictement aidés, soignés ou éduqués. L’entretien mené avec Paul Fustier, complété par des textes significatifs, donne la mesure de l’émergence et de l’originalité de sa pensée, tout en la contextualisant dans sa trajectoire biographique.
224 pages.
Les institutions sont actuellement aux prises avec un mouvement de délégitimation, dans le même temps où elles sont appelées à incarner la fonction de garant du "bien commun" . C'est en effet à l'échelon de l'institution que s'articulent notamment le "vivre ensemble" , le politique et le psychique. Cet ouvrage se propose d'aborder les grands enjeux du travail psychanalytique en institution, en dépassant les antagonismes entre le primat du social et le primat de l'intrapsychique. Il permet au lecteur : - d'en appréhender les articulations "sociales-historiques" , politiques et psychiques ; - de se saisir d'une modélisation épistémologique et méthodologique ; - de mettre en perspective de nombreuses situations cliniques issues du champ du soin, mais aussi du social et de l'éducatif, dans leurs différentes temporalités et contextes. Dans le prolongement des travaux de l'école française de psychanalyse de groupe, cet ouvrage fournit les grands repères théoriques, méthodologiques et techniques de l'intervention psychanalytique en institution. "Les auteurs de cet ouvrage ont choisi de subordonner leur manuel de cliniques institutionnelles à un exposé à plusieurs voix sur ce qu'est le travail psychanalytique en institution : sur son histoire qui en retrace les conceptions et les pratiques [... ]. C'est pourquoi je veux saluer leur travail comme l'une des meilleures approches psychanalytiques de l'institution [... ]". René Kaës Public : Professionnels des institutions, psychologues, psychiatres, psychanalystes, responsables et cadres d'établissements et de services, infirmiers, travailleurs sociaux, étudiants en psychologie, en psychiatrie, en soins infirmiers et en travail social.
328 pages.
Dans un contexte de crises se condensant dans les institutions, cet ouvrage pense l’évolution de la violence au regard des transformations des organisateurs institutionnels. Plusieurs années après un ouvrage fondant une approche analytique des sources des dysfonctionnements institutionnels (L’institution et les institutions, études psychanalytiques), les auteurs contribuent à une réélaboration des enjeux et "espaces" de souffrance institutionnelle en prenant en compte les changements paradigmatiques se déroulant au niveau des méta-cadres organisationnels.
Sommaire : R. Kaes, Préface. D. Drieu et J.-P. Pinel, Introduction. D. Drieu, Les mutations dans les institutions, des sources du mal être. J.-P. Pinel, Agirs violents, pathologies des limites et attaques hypermodernes des cadres institués. S. Blondeau, Clinique et violence : l’effondrement d’un organisateur méta-institutionnel ? P. Roman, Figures paradoxales de l'institution : accueil et transformation de la violence dans les institutions. A.-L., Diet Violence procédurale et désubjectivation. J.-P. Vidal, “Ces scènes qui se passent de mots”. E. Diet, L’analyse de pratique en contexte anomique : tenir bon, interprèter, contenir. G. Gaillard
248 pages.
« La clinique psychanalytique contemporaine est en partie tributaire des mutations profondes survenues dans le cadre social et culturel des sociétés hypermodernes. Nous vivons des crises complexes dont nous ne connaissons pas ou peu l’envergure, les enjeux et les voies de dépassement. Nous sommes dépositaires d’héritages collectifs impensés, de souffrances psychiques innommables dont une des sources se trouve dans les grandes mutations des cultures, des techniques, de l’économie et des sociétés, dans les violences meurtrières perpétrées au cours des guerres et des génocides du siècle dernier. Les socles de la vie psychique en sont ébranlés, tout comme les liens sans lesquels nous ne pouvons pas constituer notre subjectivité. Dans ces crises multipolaires, nous nous découvrons à la fois sujets de la culture et sujets de l’inconscient. Face aux formes du malêtre psychique dans les sociétés hypermodernes, le travail psychanalytique de groupe, et plus généralement les dispositifs qui réunissent dans une même situation plusieurs sujets (un couple, une famille, une équipe soignante) ouvrent de nouvelles perspectives à l’analyse et au traitement de ce que Freud nommait les « souffrances psychiques d’origine sociale ». Ils donnent accès à l’impensé de ces souffrances, ils en soutiennent l’élaboration. Ils permettent de penser autrement la construction de la subjectivité et les ressources créatives que libèrent les crises de cette ampleur. »
192 pages.
Pratiques psychologiques, pratiques citoyennes
Engagement, aliénation et lien social
Sous la direction de :
Georges Gaillard, Jean-Marc Talpin, Bruno Cuvillier, Patricia Mercader
Résumé : Les pratiques psychologiques sont des pratiques citoyennes et politiques. Ces pratiques s’inscrivent dans une société, répondent pour partie à une commande sociale, peuvent résister, voire s’opposer à des mouvements dominants de la société, participent à la reconfiguration du « vivre ensemble ».
Cet ouvrage questionne ces dimensions des pratiques psychologiques : engagées et engageantes, impliquées et impliquantes. Place du politique dans l’élaboration du trauma, position clinique et pression sociale, pratiques psychologiques et travail de culture, la vie privée comme arène politique… sont quelques-uns des thèmes de ce livre.
Les auteurs, venus de la psychologie, de la psychanalyse, de la sociologie ou de la philosophie, explorent ensemble ces dimensions citoyennes et politiques. Un ouvrage novateur et un questionnement au cœur de l’actualité.
Il est possible de commander cet ouvrage aux éditions InPress
200 pages.
Allant à contre-courant des positions habituellement admises, ce livre pose la question de la place du sujet dans la recherche en sciences humaines. Le « sujet » dont il est question ici est double, à la fois « observant » et « observé » : de ce fait, le chercheur ne peut être que partial.
« On voit aussi bien de biais que de face » : les différents chapitres de cet ouvrage démontrent en quoi la partialité constitue en réalité un atout. Le chercheur doit la considérer comme l’unique moyen d’accéder au débat critique : questionner et remettre en cause permet d’évoluer. Il faut se départir du désir de « saisir le réel » et accepter que la recherche gagne en profondeur lorsqu’elle assume d’être impliquée, engagée.
Ainsi, la partialité assumée sans peur de s’éloigner des critères habituels de « scientifi cité » devient ressource, renouveau, transformation théorique. Un ouvrage de réflexion, à rebours des idées reçues.
Auteurs : Albert Ciccone, Emmanuel Diet, Georges Gaillard, Marion Gaspard, Florence Giust-Desprairies, Alain-Noël Henri, François Jourdan, Patricia Mercader, René Roussillon, Jean-Marc Talpin.
pages.
Articles
Le « travail de culture » (Freud, Zaltzman) ne se limite pas au dispositif divan-fauteuil et à la mise en œuvre de « l’or pur de la psychanalyse ». Nous interrogeons ce qu’il en est de l’extension de la psychanalyse et des dispositifs institutionnels qui attractent la vie psychique, et constituent des scènes pour le déploiement transférentiel. Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) procède de la catégorie de l’intermédiaire, œuvrant à l’incessant « remaillage du corps social » (Henri), et à la constitution du « bien commun ». Le travail de transformation de la destructivité qui s’y développe permet de penser le Kulturarbeit, dans la pluralité des dimensions individuelles, groupales, institutionnelles et collectives.
Premières lignes :
Fragilité intrinsèque du sujet et contrat narcissique
Pour nous centrer sur la propension du sujet à soumettre l’autre et à se soumettre à l’influence de l’autre, commençons par rappeler une évidence pour la psychanalyse contemporaine, celle de la fragilité intrinsèque de tout sujet, et de sa nécessité de nouer son angoisse dans le lien (S. Ferenczi, 1929, D.W. Winnicott, P. Aulagnier, etc.). Dès son arrivée au monde le nouveau-né prend place dans le « contrat social » (Rousseau, 1762) ; il est attendu par le groupe familial dans une place, et se
Barbarie et « travail de Culture »
« Sans qu’elle ait à le poser comme but, la démarche analytique va rencontrer les figures intimes de la barbarie : l’appétit cannibalique, le désir de meurtre, l’inceste, les appétences sadiques et masochistes, l’ambivalence inscrite au creux des sentiments dits les plus nobles ; et encore, les identifications au père de la horde, à la mère omnipotente. Au dedans et au dehors circulent les figures d’emprise et des mouvements pulsionnels de même nature. Et ce sont ces positions subjectives
Il n'est de passion que dans une recherche de comblement, d'une concordance sans écart, entre un sujet et son/ses "objets" ; que là où se constitue une visée de complétude. Considérer l'institution à la lumière des figures de la passion convoque dès lors la double dynamique dans laquelle sont pris le sujet et le groupe professionnel, celle de l'attraction totalisante du "Un" et du mouvement de différenciation pluralisante qui en constitue le pôle dialogique. Après avoir rappelé les enjeux psychiques de ce que représente le "travail" pour le sujet, nous nous intéresserons à la figure de l'institution considérée dans sa dimension subjective. Au titre de la diversité des configurations qui sont à même d'attracter une visée d'emprise totalisante sur la scène de l'institution, nous interrogerons les dynamiques qui se jouent dans le lien soignant, et celles qui se jouent relativement à l'institution comme objet psychique.
Après avoir revisité quelques mouvements psychiques et quelques enjeux inhérents à l’hypermodernité, nous mettrons l’accent sur les nouages constitutifs des dynamiques de transmission et leurs aléas. Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à quelques spécificités de ces mouvements de transmission au sein des institutions du soin, du travail social, etc., en tant que les mouvements qui les traversent condensent nombre d’enjeux qui se jouent ailleurs à bas bruit. Quelques évocations de processus groupaux et institutionnels nous permettront de souligner le travail d’historisation identifiant ce tissage où se conjuguent appui dans la filiation et travail de transformation et de créativité qui incombe à chaque génération.
Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) est massivement impacté par les mutations, et par le mouvement de désinstitutionnalisation, en cours. Il est aux prises avec deux sources principales de déliaison mortifère : celle que présentifient les usagers, d’une part, et celle qui découle des incidences des mutations sociales, des incessantes restructurations et des menaces qu’elles font peser sur les organisations institutionnelles, d’autre part. Celles-ci s’en trouvent grandement fragilisées et le travail de nouage en devient d’autant plus exigeant, car il requiert toujours plus d’énergie, face aux différents niveaux par où les liens sont déstabilisés, malmenés, détruits. Dans ce contexte, l’analyse de la pratique peut être pensée comme paradigmatique des pratiques de régulations, en tant qu’elle peuvent contribuer à faire tenir ensemble ce qui tend à se morceler au sein de la vie institutionnelle ; à préserver de la créativité et de l’investissement dans un univers où les marges de libertés (professionnelles) n’ont de cesse de se restreindre. Ces pratiques peuvent se donner pour visée de soutenir, voire de faire advenir, du groupe comme une instance suffisamment unifiante, participant en cela à la reconstruction des collectifs de travail et du « bien commun ».
Sous ce titre, il va être question de revisiter les incidences des transformations induites par l’hypermodernité sur la vie des institutions de la mésinscription (soin, travail social, carcéral, etc.), ceci à partir de ce que nous repérons des mouvements de découragement et de désespoir, dans leurs corrélations avec l’effacement, voire avec l’effondrement des systèmes de croyance inhérents à tout projet institutionnel et à toute groupalité. Il s’agira, dans le travail groupal, d’accepter de co-éprouver la désespérance, et de la penser comme point de bascule qui permet de passer d’une « fixation » mélancolique à une « position mélancolique » par le biais d’une élaboration de ce qui se présentifie des mouvements mortifères. Dans un deuxième temps, nous aborderons une situation de clinique groupale institutionnelle qui nous permettra de nous rendre attentifs à la nécessité dans laquelle se retrouvent les professionnels : celle de réinstaurer des espaces d’humanisation, qui sont autant d’agirs de subversion ayant valeur transitionnelle. Ces aménagements conduisent en effet à transgresser les normes et les procédures, et à recréer des espaces de jeu, face à la menace de stérilisation, qui pèse sur le vivant, au quotidien de la vie des institutions.
L’accent va être porté sur les temps premiers de la rencontre entre l’infans et l’autre maternel, et sur le nouage entre les forces d’Éros et celles de Thanatos. Ce nouage a en effet un impact essentiel sur la manière dont un sujet sera/ne sera pas en mesure de s’approprier son existence. Ce travail d’appropriation subjective est en effet corrélé à ce que le sujet peut éprouver dans l’ordre du don, ou de ce qui se présente à lui sous le mode de l’emprise et/ou du « rejet-refus » et de l’abandon. Quelques brèves évocations cliniques permettront de donner de la chair à ces dynamiques fondatrices.
La notion de féminin révèle certains de ses aspects à partir des termes avec lesquels on la conjugue. Plusieurs oppositions - complémentarités pouvant être construites, ce travail se centre sur la « paire contrastée » que constituent les termes de féminin et de phallique. Nous proposons de concevoir le féminin dans son rapport à la vie en tant qu'elle "est", qu'elle se transmet dans la génération, qu'elle s'inscrit à partir des avatars de l'intersubjectivité, et simultanément comme la dynamique qui, pour tout sujet, sous-tend l'ouverture à l'altérité dans une inlassable conquête. Un recours au mythe freudien du fondement du lien social, "Totem et tabou", permet de voir que le féminin s’y indique en creux et qu’il participe de l’émergence des figures de l’altérité Il a trait au déplacement exogame où se vectorise la tension désirante, et où se dessine une issue à la violence fratricide et à la prédation. Le féminin apparaît alors comme promesse d'une jouissance et d'un apaisement à venir. En ce sens il sous-tend l’idée du futur et ouvre la temporalité. Le "féminin d'accueil" potentialise le "féminin de liaison" ; ils s'opposent au maternel archaïque, et à son versant incestueux et meurtrier. Penser le travail du féminin, conduit à penser le nouage entre les polarités psychiques, en tant que ce nouage construit une place pour le vivant.
La théorie des groupes s’est révélée d’un intérêt capital pour nous permettre de penser les dynamiques psychiques qui ont cours dans les groupes institués (les équipes), notamment, celles qui exercent dans le champ du soin et du travail social, en mettant à jour le primat de la pulsion de mort dans les institutions (Kaës, Enriquez, 1987). Nous allons nous pencher sur la constitution de ces équipes de professionnels, en soulignant le partage d’un indispensable sentiment de créativité. Nous tenterons de dégager quelques conditions de l’être en groupe dans ces institutions, soit ce que les liens d’équipes supposent de conflictualité vivifiante, en tant qu’elle fait barrage à la destructivité de chacun. Nous reviendrons, dans un deuxième temps, sur quelques aspects de la transformation du contexte social actuel, en soulignant les ruptures de filiations en cours, la levée d’une limitation de la jouissance narcissique, et les incidences de ces changements sociaux sur les sujets et les équipes. Nous nous rendrons attentifs aux mouvements de prédation, en donnant quelques illustrations paradigmatiques de ces agirs, dans lesquels la disqualification est au premier plan.
Contributions : J. Altounian, G. Barbieri, G. Brisac, J.-F. Chiantaretto, A. Cohen de Lara, E. Corin, B. De Rosa, N. Durr, C. Ferrié, G. Gaillard, J.-M. Hirt, M.-F. Laval Hygonenq, I. Lasvergnas, A. Lecoq, G. Levy, C. Matha, R. Minjard, M. Moreau-Ricaud, J.-P. Pinel, E. Tysebaert, M. Vacquin, F. Villa.