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Monique MIONI
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La transmission au Quatrième Groupe s'effectue selon un processus individuel singulier et même solitaire. Récusant le cursus classique ipéiste et son pendant lacanien, il cherche à permettre à chaque analyste s'y engageant, de se former en échappant aux phénomènes de "suivisme". Cet équilibre est parfois difficile à tenir sur le plan institutionnel, mais très riche et stimulant, quoique ardu, sur le plan personnel et analytique.
Freud ouvre des perspectives à partir de la question de l’homosexualité, sur les concepts métapsychologiques de bisexualité psychique, les stades du développement libidinal, en particulier le narcissisme, la prescience du statut de l’adolescence, enfin, des questions techniques que ses études nous révèlent au plus près de la réalité des séances. Au-delà du « cas », les bouleversements de la vie de la jeune homosexuelle témoignent intensément des changements paradigmatiques du XXe siècle, dont la psychanalyse n’est pas un des moindres.
Interlignes
Si Freud a pu au lendemain de la guerre de 14-18 nommer la pulsion de mort qu'il théorise comme une fiction, repérer la déliaison et en limiter les effets grâce à ce qui fonctionne comme pensée de survie, qu'en sera-t-il pour nous aujourd'hui ? Serions-nous condamnés à régresser par absence de mouvement de pensée permettant la lutte contre les pulsions mortifères qui animent l'humanité avec les génocides et écocides des 20ème et 21ème siècles ?
Ne s'agirait-il pas de donner sens à cette quatrième blessure narcissique : le moi non seulement n'est plus maître en sa maison mais l'homme occidental est désormais déporté de la place centrale, prédatrice et dominatrice, qu'il a cru pouvoir occuper au sein de la nature. L'ère géologique de l'anthropocène fait suite au quaternaire, conséquence du fait que l'homme a façonné la terre d'une manière irréversible - ce qui est unique dans l'évolution de notre monde.
La psychanalyse seule est-elle suffisante et adéquate pour reconnaître et appréhender, en les nommant, de tels désastres ? Nous donner des moyens de lutte grâce à la compréhension de nos résistances inconscientes constitue-t-il une éthique acceptable face à nos responsabilités ....? Pouvons-nous, pour penser la psyché individuelle contemporaine et aider nos patients dans l'intimité de nos cabinets pourtant infiltrés à nos corps défendants par le réel traumatique, nous priver d'un regard sur le monde qui passe par les autres sciences humaines, l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie, la philosophie ou encore par l'art, mais aussi par les avancées des sciences dites dures, en partie responsables du monde actuel par les "progrès" techniques qu'elles ont permis ?
Ce sont ces paradoxes contemporains que j'ai tenté d'explorer dans ma présentation " L'Amazonie rêvée de Sebastiao Salgado : Réflexions sur la guerre et la fin du (ou d'un) monde. Guerre et territoire " à la séance du 15 Mars 2022 du Séminaire de Ghyslain Lévy " Penser avec le mal ". La guerre en Ukraine et le rapport du GIEC sur le climat sont venus nous en rappeler brutalement l'actualité brûlante, et l'absolue nécessité de tenter de trouver "quelques idées pour retarder la fin du monde" comme le formule avec humour et résilience le penseur brésilien Ailton Krenak. Télécharger le texte " Amazonie rêvée, guerre et territoire " en pdf