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En considérant que l'idéal commun qui a déterminé le projet des fondateurs du Quatrième Groupe est la désaliénation, l'auteur de l'article interroge la dynamique instituant-institué conceptualisée par Cornelius Castoriadis qui se retrouve dans le rapport Je identifiant-Je identifié chez Piera Aulagnier. Or, le dépassement de la conflictualité due à l'écart entre identifiant-identifié comme instituant-institué rend possible une certaine stabilité et une unité qui ne donne pas lieu pour autant à une identitée figée ; tel serait le pari constituant du Quatrième Groupe comme organisation instituante. Cependant, s'il est vrai qu'on ne peut pas penser la psyché et le sujet humain sans référence au monde socialement institué, il est aussi vrai que toute subjectivité dont le Je constitue l'avènement doit se confronter à un "en deçà d'elle-même". Ce qui incite à penser le Je ainsi que l'originaire pictographique dans leur rapport à l'autoréflexivité et nous conduit à une conception de la cure qui prend en compte l'imagination radicale du sujet et permet au-delà du répétable la prise en compte du créé : à savoir des nouvelles formes de rencontre pouvant surgir entre deux psychés-coprs dans l'espace du transfert-contre-transfert et du transféré, comme co-création.
Ce jour, 17 mars 2019, marque l'anniversaire de la naissance du Quatrième Groupe, il y a cinquante ans. Réinterrogeant les archives récentes (d'Alain de Mijolla et de Jean-Paul Valabrega), je me propose de reconstruire le cheminement de chacun des trois fondateurs : Piera Aulagnier, François Perrier et Jean-Paul Valabrega, dans l'histoire complexe de la psychanalyse en France, traversée de nombreuses scissions. Il apparait que la fondation d'un quatrième groupe a été pour eux (et pour ceux qui les rejoindront en 1969) une nécessité éthique. Après avoir connu plusieurs Sociétés (trois pour F. Perrier et J.P. Valabrega, deux pour Piera Aulagnier) et y avoir lutté pour une formation analytique exigeante, ils se doivent de quitter Lacan, avec lequel ils ont cheminé depuis la SPP, sans pour autant retourner à l'Association Psychanalytique Internationale : ils créent alors une "organisation", une association psychanalytique autre.
Le Cahier bleu est l'ensemble des textes qui explicite la pensée de l'OPLF, dit Quatrième Groupe quant à la formation psychanalytique. On y trouve les principes et fondamentaux de l'institution psychanalytique ainsi que la théorie de la transmission de la psychanalyse à l'OPLF. C'est un texte fondateur qu'il convient de s'approprier comme une exégèse. L'étudier permet d'en saisir l'évolution et les transformations ; mais l'étudier invite à en penser son origine, à la resituer dans l'histoire du mouvement psychanalytique, dans l'histoire de ceux qui l'ont constituée. Il accompagne le processus réinstituant du Quatrième groupe ainsi que le processus de formation de chaque analyste dans son parcours de formation et dans son engagement institutionnel. C'est un texte vivant qui ouvre à une interrogation sur une métapsychologie de la formation psychanalytique. C'est un texte exigeant, rigoureux et porteur d'idéaux, idéaux qu'il est nécessaire de s'approprier tout en les soumettant à une désidéalisation tout aussi nécessaire.
Le for intérieur - A travers une multiplicité d'angles possibles pour évoquer ce sujet, c'est la transmission par la psychanalyse qui serait à souligner à mes yeux : ce qu'elle incarne, ce dont elle est le porte-parole, laquelle s'effectue par un psychanalyste. Si les axes de notre société contemporaine et les exigences de la psychanalyse sont profondément antagonistes, la demande auprès d'un psychanalyste demeure et nous avons à repenser certaines modalités de notre exercice sans affecter pour autant nos fondamentaux au plus près du sexuel infantile et de la nécessité de la défense de la vie intérieure/de l'intime.
La matière transférentielle des voies de la transmission de la psychanalyse ne peut être abordée hors la référence à un au-delà, constitutif, des transferts. La pensée de Nathalie Zaltzman est à cet égard fondamentale, tant sur le plan métapsychologique qu'au regard de sa place dans le Quatrième Groupe.
Très tôt et très activement engagé dans l'histoire et le développement du mouvement analytique en France, François Perrier a d'abord publié de nombreux écrits cliniques, notamment sur l'hystérie, l'érotomanie, la paranoïa, la perversion ou encore la thérapie du psychotique. Dans les séminaires tenus dans les années qui suivent la création du Quatrième Groupe il se consacre plus particulièrement à explorer et élaborer la nature du travail analytique et la spécificité du statut de la psychanalyse en tant que discipline thérico-clinique, se réclamant résolument de l'héritage freudien pour éclairer la position de l'analyste dans le champ transférentiel qui constitue la cure analytique et l'éthique de l'analyste qui en est le support.
Nous témoignons dans ce texte de notre rapport à la transmission, celle-ci étant étroitement liée à la question de la formation dans les sociétés analytiques.
La psychanalyse ne saurait échapper, sauf à se renier elle-même, à un travail de mise en cause et en crise de ce qui la fonde, la délimite, l'encadre et, potentiellement, menace de l'objectiver. il lui revient donc de penser sans cesse avec et sur ses propres bords, ses angles morts et ses zones d'ombre. Comment, dès lors, penser sa transmission, voire son institutionnalisation ?
Dans les années soixante-dix, les courants de pensée utopiste fleurissaient. La psychanalyse était florissante dans un bouillon de culture. La proposition de ce texte est de repérer l'analogie entre l'utopie comme projet politique jamais abouti, la cure analytique comme mouvement et les sociétés de psychanalyse qui pratiquent l'autonomie. Ce travail de culture non dénué de risque est vital, pour un sujet et pour un groupe. Si c'est un garant nécessaire, est-il toujours suffisant contre la sclérose et le repli identitaire-narcissique. Autrement dit, la mort. L'issue est incertaine écrivit Freud.
Cet article met au centre de la transmission de la psychanalyse au Quatrième Groupe le concept d'interprétation. Toujours, et au-delà de son analyse personnelle, il s'agira, pour le sujet, le candidat, de poursuivre sans relâche son travail d'interprétation théorico-clinique. Les divers modules de travail au Quatrième Groupe, analyse quatrième, sessions interanalytiques, groupes de travail, sont à la disposition de chacun pour son élaboration personnelle.
J'avais envie de profiter de cet anniversaire pour évoquer les prémices du Quatrième Groupe en 1967 à partir de la proposition de François Perrier qui fait passer la limite entre formation des analystes et ce qui, de la transmission de l'expérience analytique, s'appuie au versant de la parole et de l'éthique du désir. Si le savoir se transmet, la vertu fait partie de ce reste intransmissible, de cet impossible à transmettre qui excède tout savoir et qui s'éprouve dans l'exercice de la psychanalyse. La vertu, au sens du courage, rejoint l'amour de la vérité et la liberté de décider. De cette préhistoire de notre Quatrième Groupe écrite en 1967, nous avons hérité du sens du conflit comme lien de division entre nous. C'est précisément ce qui, en resituant au centre de la transmission la politique du conflit, fait l'inestimable objet de la transmission au Quatrième Groupe, ce que nous retrouvons dans la pratique régulière de la ré-instituante.
La transmission au Quatrième Groupe s'effectue selon un processus individuel singulier et même solitaire. Récusant le cursus classique ipéiste et son pendant lacanien, il cherche à permettre à chaque analyste s'y engageant, de se former en échappant aux phénomènes de "suivisme". Cet équilibre est parfois difficile à tenir sur le plan institutionnel, mais très riche et stimulant, quoique ardu, sur le plan personnel et analytique.
Transmettre...
Préface Actes 9 - Destin d'un idéal
Le Quatrième Groupe à la veille de l'anniversaire des 50 ans de sa fondation fait un retour sur ses origines ; c'est donc l'occasion, au-delà de l'histoire institutionnelle, de revenir sur la dimension proprement métapsychologique du courant de pensée de ses fondateurs dont l'axe principal s'articule autour du transfert et de son corollaire le contre-transfert, sorte de vertex qui évoque l'écoute spécifique des analystes en séance au sein de laquelle théorie et pratique se côtoient, s'infiltrent et se tissent en permanence. De cette oreille analytique si singulière les fondateurs ont voulu faire bon usage dans la formation de ceux qui les ont rejoints afin d'étendre ce modèle de l'écoute de l'inconscient à celui de la supervision qui devient analyse quatrième en proposant un minimum institutionnel garant selon eux de la liberté nécessaire à un processus de formation dont la temporalité n'est définit que par le devenant analyste... L'intranquillité serait donc l'adjectif qui pourrait caractériser le métier de psychanalyste confronté à l'inconnaissable de l'inconscient et des institutions auxquelles il choisit d'appartenir quel qu'en soit le nom.
Pour tracer la métapsychologie des traumatismes précoces, les grands moments théoriques des années trente chez Ferenczi (1929-1933) sont mis en perspective avec notre clinique d’aujourd’hui : ainsi du jeune Lucas, pris en charge dans le Centre des Buttes-Chaumont. Le trauma des premiers moments entre la mère et l’enfant laisse des cicatrices non conscientes fondées sur un clivage du Moi encore immature : c’est « l’archi-originaire », aujourd’hui dit « mémoire traumatique ». Le trauma de la Loi du silence – des gestes pervers sexualisés d’un adulte sur un enfant assortis d’un « Si tu parles, je te tue ! » – porte la « confusion de langue » à son comble. Notre littérature ne méconnaît pas la présence de la maltraitance banale, lue et relue à la cour du Roi Soleil : ainsi les contes de Charles Perrault. Ni nos contemporains : Jacques Prévert (« à deux pas de chez vous, Messieurs de la magistrature assise, levez-vous… ») et le témoignage poignant de Niki de Saint Phalle dans Mon secret – inceste par viol de son père à 11 ans. Enfin, relevons la fonction du symptôme chez l’enfant, « l’auto-sacrifice de sa pensée pour sauver ses parents ».
Comment transmettre la découverte de l’inconscient ? Freud propose d’abord de suivre son chemin, l’autoanalyse, puis d’ajouter la lecture de ses travaux. Peu à peu, sa méthode psychanalytique se complexifie par l’enrichissement de sa métapsychologie, avec les concepts de transfert du patient et de contre-transfert du psychanalyste. Ferenczi fait de l’analyse de l’analyse la deuxième règle de la psychanalyse et pense les trois temps de la formation du psychanalyste (cure, contrôle, théorie) comme un apprentissage. Ce terme, loin d’être péjoratif, renvoie à l’apprentissage du « métier » et de ses valeurs, tel que les corporations artisanales l’avaient conçu, en s’appuyant sur la Tradition. L’obligation éthique pour le futur artisan était de passer par les stades d’apprenti, compagnon et maître. Son élève Vilma Kovács développera la méthode double du contrôle analytique : « contrôle de l’analyse » (la technique employée par le débutant) et « analyse de contrôle » (éclairage du contre-transfert).
Ferenczi re-commence la psychanalyse avec et contre Freud. Sa théorie originale du trauma l’amène à édifier une métapsychologie du penser de l’analyste en séance. Mais le re-commencement ferenczien procède de l’impossibilité pour Freud et Ferenczi d’être ensemble analyste et analysant, alors même que le second est le seul interlocuteur du premier à pouvoir s’investir et être investi comme un interlocuteur interne, dans la création de la psychanalyse.
À partir de ce drame – originel, originaire – il revient ainsi à chaque analyste d’autoriser le dialogue Freud-Ferenczi à dépasser son empêchement et à déployer sa puissance créatrice, plutôt que sa puissance destructrice. Cela suppose de renoncer à se faire l’analyste de l’un comme de l’autre, et à consentir à faire œuvre d’une vacance au cœur de ses propres transferts : à laisser libre la place de l’analyste de l’analyste.
Si la question du moment opportun de l’interprétation s’est imposée à Freud, lequel, pour y répondre, s’en tiendra à la notion de « tact » sans cependant lui donner de contenu spécifique, c’est l’intrépide Ferenczi qui, dans ses recherches innovantes, relancera cette question, rassemblant les éléments métapsychologiques nécessaires à l’élaboration du tact comme concept pertinent propre au champ analytique.