Livre
KUPERMANN D., Pourquoi Ferenczi ? Préface J.-F. Chiantaretto - Le style empathique dans la clinique psychanalytique, Paris, Les Belles Lettres, Ithaque, 2022
Connu pour sa volonté d’accueillir les cas dits «difficiles», Sandór Ferenczi a développé une théorie originale de la traumatogenèse, fondée sur la notion de déni (Verleugnung) de la douleur indicible du sujet traumatisé par l’autre, et vers lequel il se tourne en quête de témoignage, de reconnaissance et de réparation. Ce faisant, Ferenczi a étendu la conception freudienne du traumatisme sexuel aux traumatismes relationnels et sociaux.
Sa compréhension subtile du fait que le traumatisme psychique entraîne chez le sujet une identification à l’agresseur suivie d’un clivage narcissique indiquait la nécessité de repenser la clinique d’après une éthique psychanalytique du soin guidée par le principe de l’hospitalité à l’égard de l’enfant qui habite chaque analysant, et qui s’exprime par le langage de l’empathie comme phénomène modulateur du champ d’affectation entre analyste et analysant ; elle posait, en outre, la santé de l’analyste comme condition de la disponibilité sensible requise par la rencontre clinique. Autorisant ainsi l’affectivité dans le champ transférentiel, le style clinique empathique permet, à travers l’expérience de la régression thalassique et du jeu partagé, la récupération de la puissance introjective capable de libérer le sujet de la tyrannie des objets traumatiquement incorporés.
En un mot, le style empathique développé par Ferenczi a été la principale inspiration pour les changements ultimes dans la conception clinique de Freud – notamment pour sa formulation des constructions dans l’analyse –, mais il a aussi compté pour des auteurs comme Winnicott et Lacan, pour qui le travail psychique de l’analyste ouvre vers la perlaboration en analyse.
L'auteur
Daniel Kupermann est psychanalyste, professeur à l’Institut de psychologie de l’université de São Paulo (USP), où il dirige des recherches sur l’histoire de la psychanalyse, les cliniques psychanalytiques contemporaines et la sublimation, la créativité et les processus culturels.
Il a été professeur invité à l’École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie (Paris VII) et professeur à la chaire Lévi-Strauss du département de Psychologie clinique de l’USP. Il est actuellement membre du conseil d’administration du International Sándor Ferenczi Network et président du Groupe de recherches brésilien Sándor Ferenczi.
Auteur de plusieurs articles et ouvrages, dont Estilos do cuidado: a psicanálise e o traumático (Zagodoni, 2013), il travaille sur la spécificité de la clinique psychanalytique dans le traitement des patients traumatisés et des cas limites.
Préface. J.-F. Chiantaretto
«Le problème – clinique, théorique et métapsychologique – des aménagements techniques liés à la psychopathologie des limites est au centre de cette lecture de Ferenczi, d’un Ferenczi cherchant à se trouver/créer dans la confrontation à Freud et à ses contradictions. Elle excelle à montrer un Ferenczi à la recherche d’une théorie du contre-transfert et de son élaboration, à travers l’idée que la “perlaboration sensible” de l’analyste permettrait d’associer et de justement doser le versant qualitatif de l’interprétation et le versant quantitatif de la répétition, per via di porre et per via di levare. La “logique paradoxale” de l’oscillation viendrait ainsi transformer le duel en dualité créatrice. Et si l’empathie guide l’oscillation, l’identification empathique ne vise pas l’analysant en personne, ni même l’ensemble de son fonctionnement psychique, mais l’enfant traumatisé encrypté dans l’adulte clivé, pris dans le piège de l’identification à l’agresseur et à sa culpabilité inconsciente : isolé et donc incapable d’être seul.»
196 pages.