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Si tous les auteurs s’accordent à reconnaître que la problématique alcoolique est quantité négligeable dans l’œuvre du savant viennois, une investigation de la nature du lien que l’homme Freud a pu entretenir avec le vin met en évidence, à notre grande surprise, que l’usage et le recours à ce dernier ont rendu possibles les découvertes intimes qui président aux fondements de la science nouvelle. Dès lors, sous l’effet du refoulement, l’appétence du gourmet fera place à l’intolérance, conformément à ce « renversement d’affect » dont il fut le découvreur.
Cet article retrace la longue carrière analytique de Betty Joseph, psychanalyste britannique proche de Melanie Klein et de Hanna Segal, de la fin des années 1940 à son décès, en avril 2013. Il évoque également les différentes filiations analytiques de Betty Joseph, la notion de changement psychique qui fut le fil rouge de son travail et le Betty Joseph Workshop, groupe de travail qu’elle initia dans les années 1960 et qui perdure encore de nos jours.
Si Freud est prédisposé à l’observation, c’est par un renoncement à la fascination qu’elle exerce qu’il pourra construire sa méthode afin que, armé alors de ses outils théorico-cliniques et de son appareillage conceptuel, il puisse y faire retour et voir alors ce qui toujours se dérobe au regard : la sexualité infantile. C’est le cheminement freudien menant à cette découverte qui se voit restitué ici.
L’arrogance s’accompagne d’une permanente démonstration de supériorité à l’égard de l’autre, destinée à le maintenir au niveau inférieur. On peut l’envisager sur un plan individuel mais aussi d’un point de vue sociétal et politique lorsque sont concernés l’esprit de caste, l’impérialisme, le racisme. Dans cet article, l’auteur montre à partir de l’analyse des textes des théoriciens du racisme (Boulainvilliers, Gobineau, Rosenberg) en quoi l’apodicticité de leurs arguments constitue en soi une violence arrogante.
Premières lignes... On se souvient de la façon dont Freud commenta à son ami Stefan Zweig, le 2 juin 1932, la mésaventure survenue au bon docteur Breuer en juin 1882, alors qu’il se livrait depuis deux ans au délicat exercice plein d’imprévus de la future méthode cathartique avec sa patiente – la jeune Bertha Pappenheim, âgée de 23 ans. Celle-ci, pour expliquer les crampes abdominales dont elle était victime, lui fit...
Lou Andreas-Salomé rencontre Freud et la psychanalyse en 1911. Leur correspondance qui s’étend de 1912 à 1936 nous restitue l’intensité d’une relation déjouant le naufrage auquel leurs profondes divergences dans la façon d’appréhender la réalité psychique auraient pu conduire. Par la grâce d’un lien transférentiel « inconditionnel » du côté de Lou, d’un respect et d’une bienveillante tolérance pour ses positions « hérétiques » du côté de Freud, leur dialogue échappe à la pente polémique et trouve, chez l’un comme chez l’autre, les aménagements nécessaires pour faire de cet échange entre une femme et un homme le lieu d’une confrontation complice et, pour nous, d’un débat sur le féminin qui garde toute son actualité.
Freud ouvre des perspectives à partir de la question de l’homosexualité, sur les concepts métapsychologiques de bisexualité psychique, les stades du développement libidinal, en particulier le narcissisme, la prescience du statut de l’adolescence, enfin, des questions techniques que ses études nous révèlent au plus près de la réalité des séances. Au-delà du « cas », les bouleversements de la vie de la jeune homosexuelle témoignent intensément des changements paradigmatiques du XXe siècle, dont la psychanalyse n’est pas un des moindres.
Le rêve « mère chérie et personnages à becs d’oiseaux » qui vient clore L’interprétation des rêves est le seul rêve d’enfance qui soit rapporté par Freud. Dernier mot personnel, ce rêve convoque par association un bas-relief funéraire égyptien emprunté à la Bible de Philippson, qui a été reproduit par Grinstein et par Anzieu. Cette image vient spécifiquement illustrer la prévalence de représentations féminines tripartites dans l’œuvre de Freud. Ce travail a pour projet d’interroger la prégnance de ces triades féminines en lien avec certaines données de l’histoire familiale et personnelle de Freud, ainsi que d’articuler cette prévalence avec la non-prise en considération par Freud d’un élément décisif de la tragédie œdipienne : il ne tient pas compte, en effet, du fait que le héros thébain soit pourchassé par les Érinyes de Jocaste après que sa mère/épouse se soit suicidée. Du fait de l’éviction patente des pulsions destructrices entre mère et enfant, comme de l’impossible représentation de la sexualité maternelle, c’est de la mère préœdipienne qu’il n’aura pas été donné – par son itinéraire autoanalytique et théorique – au père de la psychanalyse d’approcher.
Trois contes de tradition orale rapportant le passage des jeunes filles au mariage et à la maternité sont successivement présentés : « L’enfant de Marie », « La fille aux mains coupées » et « La fille innocente qui accouche d’un monstre ». Chacun d’eux s’attache à une entrave psychique concernant, pour le premier, la relation fusionnelle entre mère et fille, qui permet à cette dernière le mariage mais non la maternité ; le second, qui détaille les étapes de ce passage où la mutilation physique de la jeune fille l’amène au mariage et où la restauration du corps permet la maternité ; le troisième où la procréation orale magique élimine la personne du père et permet une relation fusionnelle entre le fils et la mère. Ces récits fournissent des images et des mises en scène qui traduisent remarquablement bien les phantasmes conscients parfois, mais surtout inconscients, des bouleversements subis par les filles au moment d’accéder au mariage.
Cet article, par l’exemple de Shéhérazade, développe une réflexion sur une féminité séductrice qui déjoue la pulsion de cruauté. Si les femmes narcissiques exercent un pouvoir sur les hommes, à l’image des fauves et des grands criminels, on voit comment la position de Shéhérazade dans la relation au roi va déjouer la pulsion au crime, dans un renversement de la situation initiale. La conteuse va produire un mouvement de métaphorisation chez le roi qui écoute les contes dans leur sens symbolique.
L’adolescence prolongée de l’homme Freud, passée à distance du beau sexe, loin de se réduire à un investissement studieux de la scolarité, se caractérise par un intense travail psychique qui, s’il vise à élaborer son investissement œdipien, se manifeste par l’objectivation d’une conception de la femme qui lui servira de modèle, présidant alors à son choix d’objet, et dont on retrouvera les traces dans les élaborations théoriques du jeune homme devenu savant, ainsi que cet article entend le montrer.
“Entretien avec Guite Guérin“, publié dans Le Bulletin de la Société Médicale Balint, juillet 2016.
PROMÉTHÉE SE DÉCHAÎNE. ENTRE SAVOIR TECHNOLOGIQUE ET POUVOIR DE MORT
Freud avait distingué en 1911, dans ses réflexions sur les principes du cours des évènements psychiques, un principe de plaisir-déplaisir et un principe de réalité. Ne faudrait-il pas aujourd’hui s’interroger sur le primat d’un principe d’indifférence, dont l’hypothèse semble s’imposer au regard de l’importance d’une clinique de l’emprise, qui s’origine, comme Freud le soulignait déjà, dans une forme d’indifférence envers l’objet et, plus globalement, envers le monde extérieur ? En outre, au-delà de la vie psychique singulière, ce principe ne s’étend-il pas aujourd’hui à l’ensemble social, quand l’indifférence envers l’autre rejoint la simple annulation de son existence ? Comment en effet cette pression d’un savoir technologique influence-t-elle les représentations intimes et générales du monde du clinicien, et donc sa manière d’appréhender le « sujet » en clinique ? Nous verrons aussi comment cette condition d’emprise peut se traduire jusqu’en un pouvoir de mort, à savoir par l’annulation de l’existence propre du sujet. Plus précisément, il s’agira d’analyser quelle emprise a sur nous le savoir technologique, qui s’exprime notamment dans l’omniprésence d’une certaine forme de communication. Dans cet article, Ghyslain Lévy propose l’articulation de l’emprise actuelle du savoir technologique et de son pouvoir de mort. Il y est question de la place et du rôle à accorder à une pulsion cruelle qui, comme poussée d’emprise, vise la saisie de l’autre, son consentement passif, jusque dans ses formes fanatiques les plus régressives.
L’APPAREIL D’EMPRISE DANS LES RELATIONS DE TRANSFERT
Pour faire suite, au précédent article, M. Ghyslain Lévy poursuit sa réflexion à partir de l’hypothèse du primat du principe d’indifférence quant à la question du transfert lorsque celui-ci se déploie dans une clinique de l’emprise et de l’auto-emprise.
PRINCIPE D’INDIFFÉRENCE ET AUTOSACRIFICE
Dans un troisième temps, il s’agira pour M. Ghyslain Lévy de questionner le primat d’indifférence dans le contexte socioculturel comme condition de l’autosacrifice qui semble s’inscrire au coeur des nouvelles formes du sacré contemporain.
Erwin-Aharon, adolescent, est recueilli par une organisation juive quelque part en Europe, avec d’autres rescapés, qui comme lui en « déserrance » sont regroupés dans un camp de transit avant d’être dirigés vers la Palestine, sous mandat britannique. Il commence son récit de cette errance plongé alors dans un sommeil continu de survie, dont il ne peut ni ne veut sortir. De cet espace à l’interface du sujet et de l’objet, il nous conduit à partager son asile intérieur en passant de son expérience de sommeil lourd et continuel, qui se transforme au cours de sa nouvelle vie en rêves, puis en un dialogue rêvé ininterrompu avec ses parents et ses proches. Ce processus du rêve, producteur de rêves, se met en place par une stratégie de son Moi animé d’une pulsion de vie. Il parvient ainsi, par ce jeu, à convoquer à son gré ses objets d’amour, « des objeux », perdus mais fictivement présents, et à engager avec eux un dialogue vivant. Le travail du deuil est paradoxe : le jeu annule la perte réelle des objets et maintient la relation à eux. La fonction traumatolytique du rêve (décrite par Ferenczi) va favoriser une évacuation de ses traumatismes. Toute pensée est pensée du rêve. Ce livre est pure activité de pensée (cf. Bion). « Le théâtre de la création de sens » exprimée dans les rêves va se déployer, donner sens et relation articulable vers le dehors.
Cet article propose de parcourir le chemin qu’il a fallu à Freud pour que l’examen du phénomène télépathique puisse devenir partie intégrante de l’expérience psychanalytique sous la forme d’un « transfert de pensée ». Son rapport avec le rêve n’a pas échappé à l’ouverture freudienne en introduisant une dimension transférentielle très particulière de la cure.
L’interaction entre métapsychologie et anthropologie permet de saisir la puissance de l’image onirique et son statut particulier. D’un point de vue clinique, il s’agit, à travers l’écoute analytique, d’être affecté esthétiquement par son évocation.
Freud disait de lui-même qu’il était un Juif infidèle, la psychanalyse qu’il a inventée est elle-même à la fois laïque et résolument subversive. Il existe un courant dans le judéo-christianisme qui préconise un effacement de la figure divine et des rites religieux à la faveur d’une éthique de la responsabilité d’autrui. Ce texte reprend rapidement les grandes lignes de ce courant, et tente de démontrer ce qu’il a de familier avec la psychanalyse : de la Bible à Nathalie Zaltzman, le sujet aux prises avec une histoire individuelle et collective angoissante et mortifère doit s’affranchir de ses repères et de ses certitudes à voir le mal comme extérieur à lui-même. C’est le travail du doute qui permet, dans un remaniement incessant, de prendre une place responsable dans sa vie et celle de la collectivité. C’est là le fondement de la psychanalyse, et une voie de réponse au retour des fondamentalismes religieux qui s’appuient sur la peur de l’autre et de l’engagement.
Le rêve dense et riche d’une patiente présentant une pathologie lourde et peu encline à la dimension du travail psychique vient illustrer ce moment particulier de la découverte et de la prise de conscience, par les patients, du ressort transférentiel spécifique de notre approche analytique. Ce travail d’orfèvre du psychanalyste autour du rêve et de la découverte qu’il dévoile au sujet, le respect de son rythme et de ses défenses, permettront ou non à celui-ci de se saisir de l’offre analytique et infléchiront la tonalité de la relation ainsi engagée.
L’auteur file la métaphore de Vieux Hibou, le vieux sage, qui installé dans le séquoïa centenaire, assiste aux tribulations avoisinantes de son espèce à plumes, et aux changements conçus par l’esprit radical des Hommes vivant « dans un siècle civilisé et scientifique ».
Il s’agit de s’interroger sur la notion des récits de rêves et de ses implications dans la cure, pour le patient comme pour l’analyste. Le récit de rêve est une construction « consciente » et parcellaire du « rêve rêvé », d’émotions et d’images rêvées ; elle est relatée avec des mots dont la fonction commune de transmission ne peut donner la vivance des impressions profondes d’une chair émotionnelle qui tente de se dire avec ses turbulences. Il est donc prudent de la part de l’analyste, et respectueux pour l’intimité profonde du rêveur et de celui qui en fait le récit, d’en suivre bien les détails, afin d’accompagner au mieux le passage, la transformation de vécus perceptivo-émotionnels à une pensée créative et associative. Un bref exemple en souligne l’importance. Les concepts de « pensée onirique de l’état de veille » et de fonction alpha sont alors des outils précieux, comme en témoignent les recherches de Bion, Ogden, Ferro et Civitarese.
Après Freud, divers auteurs ont tenté de reconsidérer la théorie psychanalytique du rêve. Contrairement au fondateur de la psychanalyse, la plupart de ces auteurs s’accordent sur l’idée que le travail du rêve réalise un apport nouveau au psychisme. Le rêver peut être envisagé comme une fonction métabolique des traumatismes, voire comme une activité créatrice, tant sur le plan individuel que collectif et groupal. Les principaux théoriciens mentionnés ici sont : Freud, Ferenczi, Bion, Meltzer, Garma, Dayan, Kaës et Ferro.
Freud écoutait-il ses patients ? S'il est aujourd'hui convenu que la parole dans la cure est d'abord celle du patient à laquelle l'analyste prête sa troisième oreille, il en fut tout autrement en ces temps pionniers d'élaboration de la méthode, qui voient un Freud fort disert, tout occupé à suggérer, interroger et investiguer, avant de convaincre, éduquer puis transmettre ce savoir neuf dont l'efficacité et l'acquisition sont indissociables de la position transférentielle indétrônable de père fondateur qu'il occupe.
Premières lignes...
Le dossier présenté dans ce numéro Rêver est la suite très naturelle de celui publié dans le numéro Frondaisons et arborescences des rêves. Nous avons en effet rassemblé des contributions proposant et synthétisant des explorations psychanalytiques actuelles parmi les plus influentes autour des questions du rêver, à partir, et après Freud. En effet, malgré l’apport par ses successeurs d’indéniables avancées...
S’il est bien un personnage essentiel et incontournable dans l’avènement et l’épanouissement de la psychanalyse – cependant parfaitement négligé, voire ignoré –, c’est indubitablement celui de la bonne, omniprésent tant dans le corps social que dans la psyché du célèbre docteur et de ses patientes. Un personnage préhistorique particulièrement fécond, comme on le montre ici, sous la poussée duquel le chercheur effectuera ses découvertes majeures avant de s’apercevoir qu’il n’est autre que celui pour lequel il a témoigné de la plus grande réserve : la Mère.
Qu’en est-il aujourd’hui de notre rapport à une attente qui a quitté le registre de la croyance et de son préalable, un désir de sens et une demande d’interprétation ? En quittant son fond de croyance, l’attente n’a-t-elle pas perdu aujourd’hui ce qui la rendait attente anxieuse, attente confiante, condition nécessaire pour débuter tout « traitement psychique » ? N’est-ce pas désormais une adhésion immédiate qui vient se substituer à l’attente croyante ? Plus d’attente mais l’instantanéité d’un Sens (sacré ?) qui s’impose ?
Du souvenir au rêve via le rêve éveillé, ou les degrés hybrides de l’hallucination : métapsychologie in-préméditée du conte
Dans le cadre de cette table ronde, je souhaitais témoigner de l’influence de ce brillant élève de Freud, Ferenczi, et de ses élèves (Vilma Kovács, Balint en particulier) sur mes recherches, et également dans ma pratique quotidienne de psychanalyste dans les cures et la formation des analystes, ainsi que dans la formation des médecins en libéral et à l’hôpital par le groupe Balint.
Ce témoignage mérite d’être porté à l’attention des psychanalystes pour contribuer à poursuivre et à éclairer leur réflexion sur des questions majeures situées à plusieurs niveaux, à savoir les questions concernant : les incroyables forces « protomentales des groupes », agissantes en l’individu ; les impacts groupaux et individuels des traumatismes organisés par une société ; la pensée idéologique – disons-le...
Premières lignes...
L'inceste et le meurtre. Deux interdits les frappent. " Que peuvent dire les psychanalystes de la transgression de ce double interdit ", se demandent, ou nous demandent, les organisateurs de cette journée de travail. Comme sans interdit il n'y a pas de transgression, voyons avant tout ces interdits. Freud pensait que les hommes - l'espèce Homo sapiens - avaient construit la culture et la civilisation en se privant de satisfaire des puissants désirs et c'est ainsi qu'avec les interdits qui instaurent ces renoncements s'inaugurent « le détachement d'avec l'état originaire d'animalité ». Ces souhaits qui concernent « tout le monde », et qui « renaissent avec chaque enfant », « sont ceux de l'inceste, du cannibalisme, et du plaisir–désir de meurtre ». Le psychisme humain a évolué au fur et à mesure que des millénaires se sont écoulés et ce qui était une contrainte externe est devenu, en s'intériorisant, un commandement « d'une instance animiste particulière, le sur-moi de l'homme ». Sur ce cheminement seul le cannibalisme aurait été vraiment intégré, constituant un processus d'identification/incorporation orale de l'objet. Voyons, alors, les deux autres interdictions…
Premières lignes...
Je vais tenter, dans ce travail que je vous présente aujourd'hui, d'éclairer principalement à travers le prisme d'une pensée psychanalytique pluri-référentielle, mais également avec le recours à des données historiques et sociologiques, les actes meurtriers perpétrés par Anders Behring Breivik le 22 juillet 2011 à Oslo et Utoya, causant la mort de 77 personnes et des blessures à plus de 200 personnes. Cet homme de 32 ans devient, par la réalisation de ces actes, le tueur de masse le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale en Norvège, objectif qu'il s'était fixé depuis de nombreuses années. Ces actes s'originent à l'évidence dans une histoire individuelle, mais doivent toutefois leur coloration contemporaine, au contexte historique et sociétal de ce début du XXIe siècle, dans lequel ils se réalisent...
Premières lignes....
Roland Barthes écrivait que le fait divers désigne une information inclassable, qui relève du registre hétérogène des « nouvelles informes », meurtres, agressions, désastres aussi bien que d'informations banales, insignifiantes… Son irrésistible force d'attraction, disait-il, réside en ce qu'il met en scène nos fantasmes, nos pulsions, le désir d'enfreindre normes et interdits. Mais parfois, c'est effroi et épouvante qu'il provoque lorsqu'il revêt un aspect inexplicable, irrationnel, ou impensable par sa dimension d'étrangeté ou de monstruosité qui, alors, « renvoie l'homme à son histoire, à son aliénation, à ses fantasmes, à ses angoisses… ou à son aveuglement lié au surgissement de figures mythiques évoquant les interdits fondamentaux du meurtre et de l'inceste »…
Cet article rassemble la présentation du film - L’important, c’est de rester vivant - et le témoignage de la cinéaste Roshane Saidnattar, rescapée avec des membres de sa famille de camps de travail et d’extermination, durant la dictature khmère rouge. Elle a pu en effet, en 2004, filmer son interview de l’ex-président du Cambodge, Khieu Samphan, et revenir ensuite dans le village où, en tant qu’ex-citadins traités en parias, de catégorie inférieure au vrai peuple paysan de base, ils avaient été prisonniers pour exécuter des travaux agricoles et de construction de barrages.
Premières lignes...
Notre clinique quotidienne nous amène souvent à constater combien l'inceste et le meurtre, tels qu'ils occupent les fantasmes de désir inconscients, exercent une force d'emprise sur toute la vie psychique, comme ils étendent leurs effets d'attraction et de domination sur les autres espaces psychiques avec lesquels ils sont en contact. C'est précisément cet aspect de la relation d'emprise que je voudrais aujourd'hui privilégier, à l'aune de son expression transféro-contre-transférentielle. Ceci dit l'arrière-plan de cette question ne doit pas être ignoré ni même minimisé. Car la poussée du pulsionnel de la Bemächtigungdstrieb, de cette pulsion d'emprise, n'est pas étrangère à ces passages à l'acte incestueux et/ou meurtriers qui surgissent comme hors-sujet, dans l'épaisseur énigmatique d'un sens inaccessible. L'emprise est donc au croisement des interrogations que posent inceste et meurtre, pour rester dans la ligne de nos propos. C'est au cœur de l'expérience transférentielle de la cure que j'ai choisi de la replacer aujourd'hui…
Premières lignes...
J'aurais pu intituler ce texte : Le mal : un défi à la psychanalyse. Défi lancé à la psychanalyse, à sa théorisation de l'appareil psychique, et à sa pratique, au travers de plusieurs questions : Quel peut être l'apport de la psychanalyse à une question qui relève du champ de la morale ou de l'éthique, alors que le champ de la philosophie des valeurs est extérieur au champ analytique, et que l'usage de sa méthode repose sur l'abstention de tout jugement de valeur ? La psychanalyse apporte-t-elle quelque nouveauté dans le domaine des valeurs humaines et de leur fondement psychique, ou bien s'arrête-t-elle au seuil de la question éthique ? La prise en compte, dans la pratique et la théorie, des forces de haine et de destruction permet-elle de penser l'expression d'un mal radical au-delà de la faute et de la culpabilité ? Peut-on penser une éthique, et un rapport à l'autre, en dehors d'une culpabilité aliénante envers une figure transcendante, fût-elle laïcisée ? …
Premières lignes...
Nées dans les années 1990 et initialement confinées à quartier, limitées à quelques villes, les Maras sont des organisations criminelles des plus violentes qui étaient à l'origine très peu organisées. Mais, en 20 ans, les Maras se sont structurées, elles ont tissé des réseaux tentaculaires inscrits dans les flux globalisés des migrations, des trafics de drogue et d'armes, nouant des liens avec les cartels de la drogue, semant la terreur sur l'ensemble du continent américain et s'implantant même depuis peu en Europe…
Premières lignes …
Chaque aura reconnu Lewis Carroll, cher à Piera Aulagnier. Comment éviter les guerres ? Propos bien naïf. Quand je parle des guerres, c'est de celles qui tuent en réalité quelle que soit leur forme. Nous ne devons pas mélanger ce qui est symbolique et ce qui ne l'est pas. Le glissement de l'acte vers le symbole nous est proposé par la Bible à propos d'Abraham et son désir de meurtre sur cette crête entre obéissance et désobéissance comme le dit Ghislain Lévy dans "Le don de l'ombre"…
L’accent va être porté sur les temps premiers de la rencontre entre l’infans et l’autre maternel, et sur le nouage entre les forces d’Éros et celles de Thanatos. Ce nouage a en effet un impact essentiel sur la manière dont un sujet sera/ne sera pas en mesure de s’approprier son existence. Ce travail d’appropriation subjective est en effet corrélé à ce que le sujet peut éprouver dans l’ordre du don, ou de ce qui se présente à lui sous le mode de l’emprise et/ou du « rejet-refus » et de l’abandon. Quelques brèves évocations cliniques permettront de donner de la chair à ces dynamiques fondatrices.
Premières lignes …
Les fantasmes d'inceste et de meurtre font le quotidien des psychanalystes. Et il est fréquent qu'ils aient aussi à entendre des analysants qui auront été victimes d'inceste, de tentatives de meurtres ou du moins de sévices en tous genres. En revanche, les psychanalystes n'ont le plus souvent qu'une connaissance approchée de ce qu'il se passe dans la psyché de l'auteur de l'inceste et du meurtre. C'est dans ce sens que je voudrais orienter notre réflexion, en commençant par livrer dans le désordre quelques notations cliniques susceptibles de nous orienter …
Charlie Hebdo : on est prié de ne pas fermer les yeux
Notre cheminement de perlaboration consécutif aux attentats de janvier 2015 nous a conduits à constater dans un premier temps la dialogie qui s’établit entre barbarie et culture, dans la mesure où la barbarie elle-même fait partie intrinsèque du travail de culture. Les actes de barbarie émergent du fonds archaïque constitutif du sujet tant individuel que collectif et ils sont des traductions des potentialités fondamentales, tant mélancolique que paranoïaque. La notion de caricature permet d’approcher à la fois les caricatures du prophète Mahomet par les dessinateurs de Charlie Hebdo que celles du djihad par les auteurs des attentats. La représentation n’est cependant pas la même dans la mesure où le crayon n’est pas de même portée réelle que la kalachnikov. Nous avons été alors conduits à engager le débat sur l’interdit de représentation et ses conséquences en resituant le problème dans le contexte des religions monothéistes et des problématiques de l’image entre idole et icône. La prise en compte de la réalité sociale actuelle nous a enfin amenés à nous intéresser plus spécifiquement au débat actuel introduit par l’islam. Ce travail ouvre deux perspectives qui demeurent en chantier chacune dans son domaine spécifique mais aussi du fait de leur interaction, à savoir la laïcité et la spiritualité.
Premières lignes…
Freud, dans l'article ajouté en 1928 au « Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient », notait que « l'humour ne se résigne pas, il défie, il implique non seulement le triomphe du Moi mais encore celui du principe de plaisir ». Avec l'assassinat des auteurs de Harakiri/Charlie Hebdo, qui avaient accompagné et exprimé l'esprit de Mai 68, c'est aussi toute une génération qui prend brutalement conscience du fossé qui s'est creusé entre elle et ces jeunes qui demandent aujourd'hui à croire et non pas à contester. Les slogans du temps passé, clamés contre toute vraisemblance et contre la réalité politique elle-même, ont pourtant eu un écho sinon un impact sociétal important…
Si l’intérêt précoce de Freud pour le nom et la nomination lui a permis d’élaborer ce savoir sur le nom dont nous lui sommes désormais redevables, c’est parce qu’il s’est soutenu d’une interrogation pour le moins discrète sur le sien propre, à l’égard duquel il a pu témoigner de mouvements ambigus, si ce n’est ambivalents, qu’il lui a fallu élaborer pour se l’approprier et le revendiquer. Aussi est-ce ce cheminement qui se voit restitué ici.