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Ne peut-on voir dans le fameux écrit de Maupassant - le Horla - la mise en scène d’un séquentiel clinique entrant en résonance avec les théories de l’angoisse que Freud va proposer quelques années plus tard ? En quoi celle-ci produit la formation d’un « être invisible en soi » qui pousse hors de soi, et témoigne de la porosité des limites à partir d’une constitution incertaine du moi.
Avec le concept de Kulturarbeit, Freud lance un pont entre psychologie individuelle et la psychologie collective, les deux pans de son œuvre. Ce concept qui rend compte de la structure du phénomène de la transmission fut remis à l’honneur par N. Zaltzman. Je tenterai ici de montrer son analogie, voire sa similitude avec le concept d’autonomie, central dans l’œuvre de C. Castoriadis. Deux exemples extraits de la pensée de G. Bataille et d’une œuvre d’E.Ionesco illustreront cette méditation.
Quand la parole est impossible ou qu’elle est interdite, une douleur secrète reste chantable, dans la dissonance de la voix, inaccessible à soi-même, insupportable à l’autre soumis en même temps à l’écoute douloureuse de cette distorsion monstrueuse de l’image sonore. À partir du film Marguerite de Xavier Giannoli (2015) je partirai à la recherche de cette lettre volée qui est en même temps exposée à tous, une déchirure mise au secret à l’insu du sujet, mais qui s’exhibe à l’écoute de tous.
Les mots mettent en lumière certes, mais la visibilité qui ne se voit pas est la possibilité essentielle du visible: « la vitre transparente, qui rend les choses visibles, n’est pas elle-même visible » écrit J. Derrida. Entre la visibilité sensible et l’intelligence du logos, nous pouvons postuler un dispositif intérieur, l’équivalent intra-psychique de la vitre transparente capable de rendre visible la chose perdue ou, en tout état de cause, de s’en convaincre. Ce travail, avec un appui clinique, est une réflexion sur la pensée complexe associant affects, sensori-motricité et image de mots.
Le rêve " voie royale vers l'inconscient " a aussi une fonction de mise en scène des images et des sensations visuelles, imposées par la mémoire perdue " d'avant les mots ". De la disparition des lucioles selon Pasolini à leur survivance. Selon G. Didi-Huberman ; il s'agit d'essayer de rendre compte de la présence dans la création artistique ainsi que dans la cure d'images sensibles primitives en-deçà de celles qui animent l'origine de la pensée de l'enfant ; un phrasé de sensations énigmatiques, langue originaire et origine de la langue et du transfert.
Éprouvés rejetés hors du Moi, qui pourtant peuvent le hanter lorsque la réalité extérieure vient leur faire écho.
Introduction au livre de P.Aulagnier, "Naissance d’un corps, origine d’une histoire", traduit par P.Aloupis, G.Stathopoulos, postface C.Silvestre, ed.AGRA, collection Rous, Athènes 2017
À travers l’étude du drame Lorenzaccio, comparé à celui de George Sand Une conspiration en 1537 dont s’est fortement inspiré Musset, nous étudions la spécificité du mobile du crime chez ce dernier auteur. À la différence du personnage de Sand, qui tue par désir de vengeance et de faire valoir son bon droit, celui de Musset tue pour maintenir une dernière fois ce qui lui reste encore d’identité, sans aucun espoir pour la suite. Nous avançons que la destinée de ce personnage, double du narrateur de la Confession d’un enfant du siècle, est sous le poids d’un fantasme de matricide.
Premières lignes....
Tout d'abord je souhaite la bienvenue à chacun de nous, particulièrement aux collègues appartenant à d'autres sociétés analytiques ou disciplines qui nous ont fait le plaisir d'accepter l'invitation des secrétaires scientifiques à partager avec nous leurs travaux et réflexions théorico-cliniques.
"L'homme dans la nuit s'allume pour lui-même une lumière, mort et vivant pourtant. Dormant, il touche au mort". Je cite ici une référence d'Héraclite, eu égard à cette notion de voyance mise en avant dans l'argument de ces Journées qui fait écho à ce dénuement dont parle Freud : là, point d'artifices, ni de juge, le sujet se dévêt, enlève ses différentes enveloppes, face à lui-même, comme au seuil d'un originaire...
Premières lignes...
Lorsque Freud publie en 1899-1900 "L'Interprétation du rêve" le seul rêve d'enfance qu'il consigne et sur lequel se clôt le livre des rêves - le livre égyptien des rêves, aimait-il à l'appeler - est "mère chérie et personnages à becs d'oiseaux". Ce rêve, qui associe on ne peut plus clairement le désir incestueux et la représentation de la mort de sa mère, le conduit à écrire : "Je me rappelle que je me calmai subitement en apercevant ma mère, comme si j'avais eu besoin d'être rassuré". Il reconnait une réaction affective équivalente à la célèbre scène du "coffre", lorsqu'enfant, il se calme au moment où...
Reprenant les travaux sur le rêve de S. Ferenczi, l'auteur montre comment Ferenczi garde à l'analyse sa fonction essentiellement thérapeutique, tout en accordant à l'organisme une capacité à l'autoguérison, par la fonction traumatolytique du rêve, tant pour les cicatrices des traumas primitifs que les commotions des traumas récents.
Il sera question, à partir de cette allusion au film surréaliste de Hans Richter, de la fonction idéologique d'un certain type de "fantaisie totalitaire", en ce qu'elle s'oppose irréductiblement, de par l'écran-bêta, à la fonction alpha qu'exerce sur la pensée la barrière du rêve (Bion).
Toute ressemblance avec des événements récents ne pourrait être que non-fortuite...
Même si l'attention des poètes a toujours été requise par l'accès qu'offre le rêve à un obscur qu'ils pressentent soit transcendant soit intime, ils ont toujours veillé à bien les distinguer des poèmes dans leur nature et dans leurs enjeux. L'étude de deux "poèmes du rêve" permettra de montrer qu'ils en attendent de développer un vacillement des frontières entre le monde de l'énonciation et celui de l'énoncé ; et qu'ils sont en fin de compte moins guidés par le contenu du rêve que par la façon dont les jeux et le travail du langage permettent au contraire de se déprendre de la fascination de l'image.
S'interrogeant sur l'articulation entre l'image et le texte, le propos ici est d'en chercher les diverses origines dans les formations oniriques comme dans la création artistique. Ce faisant nous croiserons des auteurs et des exemples cliniques qui illustrent en quoi le processus mélancolique s'oppose à la perte nécessaire de l'objet, qui signe pourtant une avancée dans la cure du côté d'une possible symbolisation, et qui donne aux artistes le souffle créatif qu'est le Kulturarbeit.
Premières lignes...
En psychanalyse, la synthèse n'est pas recommandée. W. Granoff recommandait aux analystes d'être des agents de déliaison plutôt que de liaison. Un peu avant de conclure ces journées scientifiques, je vais contrevenir à ces deux avertissements pour vous livrer les réflexions qui me sont venues au cours de ces journées...
Si l'homme n'avait pas déjà rêvé, la psychanalyse n'aurait pas été possible. La cure reprend, en les amplifiant, les fonctions essentielles accomplies naturellement par l'activité onirique et portées par ce que Freud appelle le processus primaire : elle remodèle les images mentales et le discours intérieur du dormeur par le biais des "restes diurnes" qu'elle décompose et relie aux formations inconscientes, installant un nouvel équilibre entre forces de l'investissement et du contre-investissement ; une censure freine bien sûr cette action. Elle réorganise l'espace psychique qu'elle creuse, met en perspective, modifiant, par son action hallucinatoire, les frontières démarquant l'intérieur et l'extérieur de Psyché. Selon une hypothèse forte et mal connue de Pierre Fédida, méritant un ré-examen sérieux, la force de remémoration du rêve met le dormeur en contact avec ses morts et avec les ancêtres hérités de la phylogenèse. Et enfin par le jeu de ce premier désendeuillement, le rêve travaille par plusieurs côtés au renoncement de restes oeidipiens, renoncement auquel la cure doit l'essentiel de sa portée psychothérapeutique.
Premières lignes...
Ces Journées Scientifiques sur le rêve, ont ouvert un travail de réflexion sur cet en-deçà de la langue de mots que constituent les images qui habitent les rêves ; si les rêves sont la voie royale vers l'inconscient, cette voie est parsemée comme le chemin du Petit Poucet par ces signes énigmatiques que forme la "matière d'images"...
Comme son titre l'indique, cette relecture du Délire et les rêves dans la Gradiva de Jensen se place sous le signe d'un paradoxe qui unit et oppose rêves et délire dans leur plasticité et l'ancrage archéologique de ce texte de fiction. A partir d'une réflexion sur l'écart que Freud pratique avec la psychanalyse dite appliquée, il s'agit, à travers l'étude minutieuse des procédés rhétoriques employés, de tenter de dégager, en marge de la volonté pédagogique d'une exposition argumentée du concept de refoulement, d'en montrer les liens avec l'Interprétation des rêves mais aussi d'y entrevoir quelques autres points théoriques développés plus tard comme l'inquiétante étrangeté et la pulsion de mort.
Le fantasme d'une dette de naissance, au-delà des mythes, trouve dans les rêves et dans la clinique, à se conjuguer selon des formes diverses que je voudrais ici déplier. Je suivrai les traces de cette dette généalogique dans deux rêves princeps de Freud, "Le comte Thun" et "Je chevauche un cheval gris". Mère en deuil, père en faillite, seront les figures abimées à réparer que vise le retournement de la filiation dans la dette généalogique. C'est en suivant l'analyse de C. Malamoud que j'articulerai le sens de la dette de naissance circulant entre les vivants et les morts, selon la mythologie brahmanique. On verra combien la place de la mort y est centrale ainsi que le registre incestueux. Entre dette de sens et sens de la dette, c'est ici toute la question de la transmission qui est en jeu.
A partir de l'expérience du rêve, comment définir un "penser en image" et le régime spécifique de l'expression du sensible dans la cure analytique ? Peut-on concevoir une pensée esthétique au-delà de la représentation et de la pensée logico-discursive ? Peut-on envisager une pensée qui n'opposerait pas le sensible à l'intelligible ? Avec l'image, sommes-nous au bord de la pensée ou au coeur de ce que l'on peut appeler "la matrice visuelle de la pensée" à partir de l'inscription des traces de perception ? Penser en image s'applique aux modes d'expression qui se manifestent dans la cure sous la forme hétérogène à l'ordre du discours, les rapports entre ces formes d'expression mobilisant aussi bien la dimension hallucinatoire du transfert que le champ de la parole et de l'énonciation. Le dispositif analytique ouvre sur une autre scène, au carrefour du langage verbal et du langage plastique, au carrefour de la pensée visuelle et de la pensée verbale. Nous suivrons quelques-uns des détours de la pensée freudienne dessinant, explicitement ou secrètement, une esthétique comme puissance et potentialité de la forme, puissance de présentation au-delà de la représentation.
Si tous les auteurs s’accordent à reconnaître que la problématique alcoolique est quantité négligeable dans l’œuvre du savant viennois, une investigation de la nature du lien que l’homme Freud a pu entretenir avec le vin met en évidence, à notre grande surprise, que l’usage et le recours à ce dernier ont rendu possibles les découvertes intimes qui président aux fondements de la science nouvelle. Dès lors, sous l’effet du refoulement, l’appétence du gourmet fera place à l’intolérance, conformément à ce « renversement d’affect » dont il fut le découvreur.
Cet article retrace la longue carrière analytique de Betty Joseph, psychanalyste britannique proche de Melanie Klein et de Hanna Segal, de la fin des années 1940 à son décès, en avril 2013. Il évoque également les différentes filiations analytiques de Betty Joseph, la notion de changement psychique qui fut le fil rouge de son travail et le Betty Joseph Workshop, groupe de travail qu’elle initia dans les années 1960 et qui perdure encore de nos jours.
Si Freud est prédisposé à l’observation, c’est par un renoncement à la fascination qu’elle exerce qu’il pourra construire sa méthode afin que, armé alors de ses outils théorico-cliniques et de son appareillage conceptuel, il puisse y faire retour et voir alors ce qui toujours se dérobe au regard : la sexualité infantile. C’est le cheminement freudien menant à cette découverte qui se voit restitué ici.
L’arrogance s’accompagne d’une permanente démonstration de supériorité à l’égard de l’autre, destinée à le maintenir au niveau inférieur. On peut l’envisager sur un plan individuel mais aussi d’un point de vue sociétal et politique lorsque sont concernés l’esprit de caste, l’impérialisme, le racisme. Dans cet article, l’auteur montre à partir de l’analyse des textes des théoriciens du racisme (Boulainvilliers, Gobineau, Rosenberg) en quoi l’apodicticité de leurs arguments constitue en soi une violence arrogante.
Premières lignes... On se souvient de la façon dont Freud commenta à son ami Stefan Zweig, le 2 juin 1932, la mésaventure survenue au bon docteur Breuer en juin 1882, alors qu’il se livrait depuis deux ans au délicat exercice plein d’imprévus de la future méthode cathartique avec sa patiente – la jeune Bertha Pappenheim, âgée de 23 ans. Celle-ci, pour expliquer les crampes abdominales dont elle était victime, lui fit...
Lou Andreas-Salomé rencontre Freud et la psychanalyse en 1911. Leur correspondance qui s’étend de 1912 à 1936 nous restitue l’intensité d’une relation déjouant le naufrage auquel leurs profondes divergences dans la façon d’appréhender la réalité psychique auraient pu conduire. Par la grâce d’un lien transférentiel « inconditionnel » du côté de Lou, d’un respect et d’une bienveillante tolérance pour ses positions « hérétiques » du côté de Freud, leur dialogue échappe à la pente polémique et trouve, chez l’un comme chez l’autre, les aménagements nécessaires pour faire de cet échange entre une femme et un homme le lieu d’une confrontation complice et, pour nous, d’un débat sur le féminin qui garde toute son actualité.
Freud ouvre des perspectives à partir de la question de l’homosexualité, sur les concepts métapsychologiques de bisexualité psychique, les stades du développement libidinal, en particulier le narcissisme, la prescience du statut de l’adolescence, enfin, des questions techniques que ses études nous révèlent au plus près de la réalité des séances. Au-delà du « cas », les bouleversements de la vie de la jeune homosexuelle témoignent intensément des changements paradigmatiques du XXe siècle, dont la psychanalyse n’est pas un des moindres.
Le rêve « mère chérie et personnages à becs d’oiseaux » qui vient clore L’interprétation des rêves est le seul rêve d’enfance qui soit rapporté par Freud. Dernier mot personnel, ce rêve convoque par association un bas-relief funéraire égyptien emprunté à la Bible de Philippson, qui a été reproduit par Grinstein et par Anzieu. Cette image vient spécifiquement illustrer la prévalence de représentations féminines tripartites dans l’œuvre de Freud. Ce travail a pour projet d’interroger la prégnance de ces triades féminines en lien avec certaines données de l’histoire familiale et personnelle de Freud, ainsi que d’articuler cette prévalence avec la non-prise en considération par Freud d’un élément décisif de la tragédie œdipienne : il ne tient pas compte, en effet, du fait que le héros thébain soit pourchassé par les Érinyes de Jocaste après que sa mère/épouse se soit suicidée. Du fait de l’éviction patente des pulsions destructrices entre mère et enfant, comme de l’impossible représentation de la sexualité maternelle, c’est de la mère préœdipienne qu’il n’aura pas été donné – par son itinéraire autoanalytique et théorique – au père de la psychanalyse d’approcher.
Trois contes de tradition orale rapportant le passage des jeunes filles au mariage et à la maternité sont successivement présentés : « L’enfant de Marie », « La fille aux mains coupées » et « La fille innocente qui accouche d’un monstre ». Chacun d’eux s’attache à une entrave psychique concernant, pour le premier, la relation fusionnelle entre mère et fille, qui permet à cette dernière le mariage mais non la maternité ; le second, qui détaille les étapes de ce passage où la mutilation physique de la jeune fille l’amène au mariage et où la restauration du corps permet la maternité ; le troisième où la procréation orale magique élimine la personne du père et permet une relation fusionnelle entre le fils et la mère. Ces récits fournissent des images et des mises en scène qui traduisent remarquablement bien les phantasmes conscients parfois, mais surtout inconscients, des bouleversements subis par les filles au moment d’accéder au mariage.
Cet article, par l’exemple de Shéhérazade, développe une réflexion sur une féminité séductrice qui déjoue la pulsion de cruauté. Si les femmes narcissiques exercent un pouvoir sur les hommes, à l’image des fauves et des grands criminels, on voit comment la position de Shéhérazade dans la relation au roi va déjouer la pulsion au crime, dans un renversement de la situation initiale. La conteuse va produire un mouvement de métaphorisation chez le roi qui écoute les contes dans leur sens symbolique.
L’adolescence prolongée de l’homme Freud, passée à distance du beau sexe, loin de se réduire à un investissement studieux de la scolarité, se caractérise par un intense travail psychique qui, s’il vise à élaborer son investissement œdipien, se manifeste par l’objectivation d’une conception de la femme qui lui servira de modèle, présidant alors à son choix d’objet, et dont on retrouvera les traces dans les élaborations théoriques du jeune homme devenu savant, ainsi que cet article entend le montrer.
“Entretien avec Guite Guérin“, publié dans Le Bulletin de la Société Médicale Balint, juillet 2016.
PROMÉTHÉE SE DÉCHAÎNE. ENTRE SAVOIR TECHNOLOGIQUE ET POUVOIR DE MORT
Freud avait distingué en 1911, dans ses réflexions sur les principes du cours des évènements psychiques, un principe de plaisir-déplaisir et un principe de réalité. Ne faudrait-il pas aujourd’hui s’interroger sur le primat d’un principe d’indifférence, dont l’hypothèse semble s’imposer au regard de l’importance d’une clinique de l’emprise, qui s’origine, comme Freud le soulignait déjà, dans une forme d’indifférence envers l’objet et, plus globalement, envers le monde extérieur ? En outre, au-delà de la vie psychique singulière, ce principe ne s’étend-il pas aujourd’hui à l’ensemble social, quand l’indifférence envers l’autre rejoint la simple annulation de son existence ? Comment en effet cette pression d’un savoir technologique influence-t-elle les représentations intimes et générales du monde du clinicien, et donc sa manière d’appréhender le « sujet » en clinique ? Nous verrons aussi comment cette condition d’emprise peut se traduire jusqu’en un pouvoir de mort, à savoir par l’annulation de l’existence propre du sujet. Plus précisément, il s’agira d’analyser quelle emprise a sur nous le savoir technologique, qui s’exprime notamment dans l’omniprésence d’une certaine forme de communication. Dans cet article, Ghyslain Lévy propose l’articulation de l’emprise actuelle du savoir technologique et de son pouvoir de mort. Il y est question de la place et du rôle à accorder à une pulsion cruelle qui, comme poussée d’emprise, vise la saisie de l’autre, son consentement passif, jusque dans ses formes fanatiques les plus régressives.
L’APPAREIL D’EMPRISE DANS LES RELATIONS DE TRANSFERT
Pour faire suite, au précédent article, M. Ghyslain Lévy poursuit sa réflexion à partir de l’hypothèse du primat du principe d’indifférence quant à la question du transfert lorsque celui-ci se déploie dans une clinique de l’emprise et de l’auto-emprise.
PRINCIPE D’INDIFFÉRENCE ET AUTOSACRIFICE
Dans un troisième temps, il s’agira pour M. Ghyslain Lévy de questionner le primat d’indifférence dans le contexte socioculturel comme condition de l’autosacrifice qui semble s’inscrire au coeur des nouvelles formes du sacré contemporain.
Erwin-Aharon, adolescent, est recueilli par une organisation juive quelque part en Europe, avec d’autres rescapés, qui comme lui en « déserrance » sont regroupés dans un camp de transit avant d’être dirigés vers la Palestine, sous mandat britannique. Il commence son récit de cette errance plongé alors dans un sommeil continu de survie, dont il ne peut ni ne veut sortir. De cet espace à l’interface du sujet et de l’objet, il nous conduit à partager son asile intérieur en passant de son expérience de sommeil lourd et continuel, qui se transforme au cours de sa nouvelle vie en rêves, puis en un dialogue rêvé ininterrompu avec ses parents et ses proches. Ce processus du rêve, producteur de rêves, se met en place par une stratégie de son Moi animé d’une pulsion de vie. Il parvient ainsi, par ce jeu, à convoquer à son gré ses objets d’amour, « des objeux », perdus mais fictivement présents, et à engager avec eux un dialogue vivant. Le travail du deuil est paradoxe : le jeu annule la perte réelle des objets et maintient la relation à eux. La fonction traumatolytique du rêve (décrite par Ferenczi) va favoriser une évacuation de ses traumatismes. Toute pensée est pensée du rêve. Ce livre est pure activité de pensée (cf. Bion). « Le théâtre de la création de sens » exprimée dans les rêves va se déployer, donner sens et relation articulable vers le dehors.
Cet article propose de parcourir le chemin qu’il a fallu à Freud pour que l’examen du phénomène télépathique puisse devenir partie intégrante de l’expérience psychanalytique sous la forme d’un « transfert de pensée ». Son rapport avec le rêve n’a pas échappé à l’ouverture freudienne en introduisant une dimension transférentielle très particulière de la cure.
L’interaction entre métapsychologie et anthropologie permet de saisir la puissance de l’image onirique et son statut particulier. D’un point de vue clinique, il s’agit, à travers l’écoute analytique, d’être affecté esthétiquement par son évocation.
Freud disait de lui-même qu’il était un Juif infidèle, la psychanalyse qu’il a inventée est elle-même à la fois laïque et résolument subversive. Il existe un courant dans le judéo-christianisme qui préconise un effacement de la figure divine et des rites religieux à la faveur d’une éthique de la responsabilité d’autrui. Ce texte reprend rapidement les grandes lignes de ce courant, et tente de démontrer ce qu’il a de familier avec la psychanalyse : de la Bible à Nathalie Zaltzman, le sujet aux prises avec une histoire individuelle et collective angoissante et mortifère doit s’affranchir de ses repères et de ses certitudes à voir le mal comme extérieur à lui-même. C’est le travail du doute qui permet, dans un remaniement incessant, de prendre une place responsable dans sa vie et celle de la collectivité. C’est là le fondement de la psychanalyse, et une voie de réponse au retour des fondamentalismes religieux qui s’appuient sur la peur de l’autre et de l’engagement.
Le rêve dense et riche d’une patiente présentant une pathologie lourde et peu encline à la dimension du travail psychique vient illustrer ce moment particulier de la découverte et de la prise de conscience, par les patients, du ressort transférentiel spécifique de notre approche analytique. Ce travail d’orfèvre du psychanalyste autour du rêve et de la découverte qu’il dévoile au sujet, le respect de son rythme et de ses défenses, permettront ou non à celui-ci de se saisir de l’offre analytique et infléchiront la tonalité de la relation ainsi engagée.
L’auteur file la métaphore de Vieux Hibou, le vieux sage, qui installé dans le séquoïa centenaire, assiste aux tribulations avoisinantes de son espèce à plumes, et aux changements conçus par l’esprit radical des Hommes vivant « dans un siècle civilisé et scientifique ».
Il s’agit de s’interroger sur la notion des récits de rêves et de ses implications dans la cure, pour le patient comme pour l’analyste. Le récit de rêve est une construction « consciente » et parcellaire du « rêve rêvé », d’émotions et d’images rêvées ; elle est relatée avec des mots dont la fonction commune de transmission ne peut donner la vivance des impressions profondes d’une chair émotionnelle qui tente de se dire avec ses turbulences. Il est donc prudent de la part de l’analyste, et respectueux pour l’intimité profonde du rêveur et de celui qui en fait le récit, d’en suivre bien les détails, afin d’accompagner au mieux le passage, la transformation de vécus perceptivo-émotionnels à une pensée créative et associative. Un bref exemple en souligne l’importance. Les concepts de « pensée onirique de l’état de veille » et de fonction alpha sont alors des outils précieux, comme en témoignent les recherches de Bion, Ogden, Ferro et Civitarese.
Après Freud, divers auteurs ont tenté de reconsidérer la théorie psychanalytique du rêve. Contrairement au fondateur de la psychanalyse, la plupart de ces auteurs s’accordent sur l’idée que le travail du rêve réalise un apport nouveau au psychisme. Le rêver peut être envisagé comme une fonction métabolique des traumatismes, voire comme une activité créatrice, tant sur le plan individuel que collectif et groupal. Les principaux théoriciens mentionnés ici sont : Freud, Ferenczi, Bion, Meltzer, Garma, Dayan, Kaës et Ferro.
Freud écoutait-il ses patients ? S'il est aujourd'hui convenu que la parole dans la cure est d'abord celle du patient à laquelle l'analyste prête sa troisième oreille, il en fut tout autrement en ces temps pionniers d'élaboration de la méthode, qui voient un Freud fort disert, tout occupé à suggérer, interroger et investiguer, avant de convaincre, éduquer puis transmettre ce savoir neuf dont l'efficacité et l'acquisition sont indissociables de la position transférentielle indétrônable de père fondateur qu'il occupe.
Premières lignes...
Le dossier présenté dans ce numéro Rêver est la suite très naturelle de celui publié dans le numéro Frondaisons et arborescences des rêves. Nous avons en effet rassemblé des contributions proposant et synthétisant des explorations psychanalytiques actuelles parmi les plus influentes autour des questions du rêver, à partir, et après Freud. En effet, malgré l’apport par ses successeurs d’indéniables avancées...