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La "quête de sens" est ce mouvement indispensable à la construction psychique qui, comme l'huître perlière secrète sa nébuleuse de représentations autour des grains de sable émanant du trauma infantile. Elle est soutenue par le travail de l'interprète, concernant l'analyste comme l'analysant, qui flirtent avec le "discours intérieur" (J-C. Rolland) et "le langage pictural" (P. Aulagnier)
Sous ce titre, il va être question de revisiter les incidences des transformations induites par l’hypermodernité sur la vie des institutions de la mésinscription (soin, travail social, carcéral, etc.), ceci à partir de ce que nous repérons des mouvements de découragement et de désespoir, dans leurs corrélations avec l’effacement, voire avec l’effondrement des systèmes de croyance inhérents à tout projet institutionnel et à toute groupalité. Il s’agira, dans le travail groupal, d’accepter de co-éprouver la désespérance, et de la penser comme point de bascule qui permet de passer d’une « fixation » mélancolique à une « position mélancolique » par le biais d’une élaboration de ce qui se présentifie des mouvements mortifères. Dans un deuxième temps, nous aborderons une situation de clinique groupale institutionnelle qui nous permettra de nous rendre attentifs à la nécessité dans laquelle se retrouvent les professionnels : celle de réinstaurer des espaces d’humanisation, qui sont autant d’agirs de subversion ayant valeur transitionnelle. Ces aménagements conduisent en effet à transgresser les normes et les procédures, et à recréer des espaces de jeu, face à la menace de stérilisation, qui pèse sur le vivant, au quotidien de la vie des institutions.
De son expérience singulière d'enfants pris dans l'horreur de la Shoah, Aharon Appelfeld, écrivain israélien, a tissé une œuvre dont l'obsession est de relier par la mémoire sensorielle fichée dans son corps les fils qui le relient à l'Europe de son enfance, à ses parents, à la parole sacrée oubliée par les générations qui l'ont précédé. Inventeur d'une langue de l'intime créée par le silence et la méditation, il développe aussi un imaginaire d'artiste sous l'ombre familière et tutélaire de Kafka, par un jeu de miroirs où le réel se joue à la fois du document comme trace et du fantastique comme genre. Aharon Appelfeld a été lauréat du prix Médicis en 2004.
Il ne s'agit ici non pas tant de discuter le dernier livre de Ghyslain Lévy, Le don de l'ombre, que de venir témoigner des résonances éprouvées à la lecture. Résonances d'autant plus précieuses qu'elles viennent me parler de ce que nous partageons depuis plus de vingt ans, au sein du groupe de recherches "Littérature personnelle et psychanalyse", dont ....
A partir du roman fantastique de Jacques Spitz, paru en 1945, "L'oeil du purgatoire", l'auteur interroge la notion de temporalité analytique et ouvre sur des questions liées à la singularité du fonctionnement de la vie psychique, mais aussi à l'actuel des algorithmes prédictifs et à l'intérêt de la science-fiction dans le devenir du futur de l'humain.
Les textes réunis dans le dossier de ce numéro sont issus des communications prononcées lors des deux dernières journées d'étude d'Annecy. Nous avons voulu faire de ces journées un lieu propice à l'échange, à la réflexion et à la rêverie, autour de la rencontre du psychanalyste et de l'écrivain – son écrivain. Ainsi souhaitions-nous faire entendre quelque chose du lieu où s'engage la subjectivité de chacun pour écouter, pour écrire, pour lire et pour penser l'autre ...
Les textes réunis dans le dossier de ce numéro sont issus des communications prononcées lors des deux dernières journées d'étude d'Annecy. Nous avons voulu faire de ces journées un lieu propice à l'échange, à la réflexion et à la rêverie, autour de la rencontre du psychanalyste et de l'écrivain – son écrivain. Ainsi souhaitions-nous faire entendre quelque chose du lieu où s'engage la subjectivité de chacun pour écouter, pour écrire, pour lire et pour penser l'autre ...
Entre mélancolie et paranoïa, le texte de Philip K. Dick donne à voir les traces sensibles de l'originaire, qui sont à la base de ces deux façons d'être au monde et à soi-même. L'urgence d'écrire répond pour lui à une nécessité d'inscrire dans les mots cet affolement des images et des temporalités, marquant le désarroi du narcissisme primaire et la nécessité d'inventer le symptôme. Le futur ne serait-il que la confiance dans une mémoire espérante ? Au risque d'une désintrication des pulsions de vie et de mort.
Le rêve et les choses. Exemple de rêve en forme de château de cartes. Le narrateur (puis le dormeur, puis le rêveur, puis l'emprunteur, le voleur, l'imposteur, puis l'enfant) de retour à la vie vigile recrée-retrouve l'objet perdu
Selon les récentes découvertes de 2017, dans l'histoire de l'Homo sapiens, le plus extrême lointain avent-hier de l'humanité daterait pour James Brink probablement de presque 500 000 ans, et en tout cas sûrement de plus de 315 000 ans ; ces quelque 315 000 années ont hébergé, avec leurs variantes, tous nos autres putatifs ascendants encore beaucoup plus lointains ...
Dans cet article, J.Peuch-Lestrade évoque les différents types de lien que la psychanalyse a tissés avec la science au cours de son histoire : d’abord illusion scientiste d’un ancrage biologique avec Freud qui était un darwinien convaincu, puis illusion d’une a-scientificité avec Lacan et d’une place à part pour la psychanalyse entre science et philosophie, mais en écart irréductible et définitif avec la biologie, enfin désillusion actuelle liée à la perte rapide et accélérée de son statut de science au contraire des approches cognitivo-comportementales dont la dimension scientifique n’est pas mise en question. Il interroge enfin la possible transformation de la psychanalyse à deux niveaux : au sein de sa métapsychologie et de sa pratique en écho aux changements contemporains du régime de l’autonomie dans la société, ainsi que dans son possible dégagement par rapport au réductionnisme d’une psyché conçue comme organe d’un corps uniquement fonctionnel.
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Premières lignes
Nous avons appris avec tristesse le décès, le 16 décembre 2016, à Albany (États-Unis), de John Balint, fils unique de Michael Balint (ex-Mihály Bergsmann) et d’Alice Székely Kovács. Il était né à Budapest le 11 février 1925, peu après le retour de ses parents partis à Berlin en 1921, sous le régime de l’amiral Horthy. À Berlin, son père travaillait dans un laboratoire de l’ig Farben et préparait un...
Si la belle amitié liant Sigmund Freud et Yvette Guilbert est bien connue, son éclosion et sa nature le sont beaucoup moins, faisant l’objet d’un formidable malentendu : celui d’une légende inaugurée par Jones, colportée jusqu’à ce jour, laquelle vient totalement en dénaturer l’essence. Loin d’être fondé sur la séduction d’un soir par le monde interlope de la nuit parisienne, l’attachement de l’analyste à la chanteuse se construit tardivement, autour de valeurs et de souffrances partagées, face auxquelles Yvette déploie de remarquables capacités sublimatoires propres à émouvoir le savant. Aussi est-ce la naissance et l’épanouissement de cette amitié qui se voient restitués ici.
Ce texte est le résumé d’un débat très étoffé organisé autour du livre L’envie de Cléopâtre Athanassiou-Popesco, par lequel elle propose après Freud, Melanie Klein et différents psychanalystes postkleiniens, sa théorisation et son étude clinique de l’envie. Selon elle, l’envie est « la réaction narcissique primaire d’un moi blessé par la confrontation mal gérée avec l’épreuve de la réalité », résultant d’une intolérance de l’existence adaptée du moi-réalité, par le moi-narcissique, qu’elle situe comme « centre de gravité de la vie psychique ». Le systématisme des défenses mises en place dans l’envie contre cette blessure archaïque exige beaucoup de tact et de patience de la part du psychanalyste. Une analyse – entre autres – du personnage shakespearien de Iago illustre la terrible destructivité résultant du vécu insupporté de l’existence blessante d’un autre.
L’auteur reprend et complète des hypothèses développées dans son livre La mort donnée (Paris, PUF, 2011) au sujet de la mort donnée comme acte individuel et comme acte collectif. Elle rappelle trois motivations principales soit : tuer pour une identité, tuer pour survivre, tuer par ivresse de la toute-puissance.
Derrière l’enfant réel gît une exigence démesurée : revivre avec un enfant issu de soi la relation idéale que l’on n’a pas connue – mais dont paradoxalement on garde la nostalgie – avec une mère elle-même idéale. Aussi le conflit ne manquera de surgir lorsque l’évolution de l’enfant le confrontera au fait qu’il n’est en réalité plus le même que le personnage auquel il était assigné à vie. L’incapacité à supporter la réalité et les limites de l’enfant conduit en retour à considérer la maternité comme une expérience qui requiert une réélaboration pulsionnelle. Celle-ci ne se limite pas à un refoulement des pulsions sexuelles et agressives mais implique leur sublimation.
Freud fut inévitablement confronté dès ses débuts de thérapeute, et avec le plus grand déplaisir, à la matière brute de la grivoiserie — la représentation sexuelle suggérée par la parole —, manifestant un déni massif de ses effets embarrassants incontrôlables. Aussi ne lui fallut-il pas moins d’une décennie — autoanalyse aidant — pour être en mesure d’en concevoir les enjeux pulsionnels et d’appréhender aussi la nature singulière des mots du sexe, au pouvoir imageant irrépressible qui leur confère toute leur troublante efficacité, laissant toutefois à l’un de ses fils spirituels, Sándor Ferenczi, le soin d’en faire la théorie.
La loi dite du « mariage pour tous » a fait couler beaucoup d’encre et il serait hasardeux de penser qu’elle a levé définitivement l’énigme de l’homosexualité. Qu’en pensent les psychanalystes ? C’est l’objet de cet article qui nous invite, après Freud, à revisiter les notions de bisexualité, de choix d’objet sexuel, d’amour génital et de symbolisation.
Ce travail ne se veut pas un exercice de psychanalyse appliquée, il cherche juste à mettre en perspective ce que le processus de création d'un grand artiste contemporain inspire à notre pratique d'analystes. C'est à l'ouvrage de P.Claudel que nous devons ce beau titre : "L'œil écoute" ; évocation pour les analystes d'une écoute bien spécifique à notre discipline conduisant "per levare" du refoulement, à la représentation... Comme surgissement de l'image dans la cure.
A.Kiefer en tant que créateur accompagne à sa façon des axes de recherche qui sont les nôtres, à savoir le refoulement, l'articulation entre les images internes, la métaphore, et le langage pour n'en citer que quelques uns, participant ainsi au travail de Kultur théorisé par N.Zaltzman tout au long de son travail métapsychologique.
Ne peut-on voir dans le fameux écrit de Maupassant - le Horla - la mise en scène d’un séquentiel clinique entrant en résonance avec les théories de l’angoisse que Freud va proposer quelques années plus tard ? En quoi celle-ci produit la formation d’un « être invisible en soi » qui pousse hors de soi, et témoigne de la porosité des limites à partir d’une constitution incertaine du moi.
Avec le concept de Kulturarbeit, Freud lance un pont entre psychologie individuelle et la psychologie collective, les deux pans de son œuvre. Ce concept qui rend compte de la structure du phénomène de la transmission fut remis à l’honneur par N. Zaltzman. Je tenterai ici de montrer son analogie, voire sa similitude avec le concept d’autonomie, central dans l’œuvre de C. Castoriadis. Deux exemples extraits de la pensée de G. Bataille et d’une œuvre d’E.Ionesco illustreront cette méditation.
Quand la parole est impossible ou qu’elle est interdite, une douleur secrète reste chantable, dans la dissonance de la voix, inaccessible à soi-même, insupportable à l’autre soumis en même temps à l’écoute douloureuse de cette distorsion monstrueuse de l’image sonore. À partir du film Marguerite de Xavier Giannoli (2015) je partirai à la recherche de cette lettre volée qui est en même temps exposée à tous, une déchirure mise au secret à l’insu du sujet, mais qui s’exhibe à l’écoute de tous.
Les mots mettent en lumière certes, mais la visibilité qui ne se voit pas est la possibilité essentielle du visible: « la vitre transparente, qui rend les choses visibles, n’est pas elle-même visible » écrit J. Derrida. Entre la visibilité sensible et l’intelligence du logos, nous pouvons postuler un dispositif intérieur, l’équivalent intra-psychique de la vitre transparente capable de rendre visible la chose perdue ou, en tout état de cause, de s’en convaincre. Ce travail, avec un appui clinique, est une réflexion sur la pensée complexe associant affects, sensori-motricité et image de mots.
Le rêve " voie royale vers l'inconscient " a aussi une fonction de mise en scène des images et des sensations visuelles, imposées par la mémoire perdue " d'avant les mots ". De la disparition des lucioles selon Pasolini à leur survivance. Selon G. Didi-Huberman ; il s'agit d'essayer de rendre compte de la présence dans la création artistique ainsi que dans la cure d'images sensibles primitives en-deçà de celles qui animent l'origine de la pensée de l'enfant ; un phrasé de sensations énigmatiques, langue originaire et origine de la langue et du transfert.
Éprouvés rejetés hors du Moi, qui pourtant peuvent le hanter lorsque la réalité extérieure vient leur faire écho.
Introduction au livre de P.Aulagnier, "Naissance d’un corps, origine d’une histoire", traduit par P.Aloupis, G.Stathopoulos, postface C.Silvestre, ed.AGRA, collection Rous, Athènes 2017
À travers l’étude du drame Lorenzaccio, comparé à celui de George Sand Une conspiration en 1537 dont s’est fortement inspiré Musset, nous étudions la spécificité du mobile du crime chez ce dernier auteur. À la différence du personnage de Sand, qui tue par désir de vengeance et de faire valoir son bon droit, celui de Musset tue pour maintenir une dernière fois ce qui lui reste encore d’identité, sans aucun espoir pour la suite. Nous avançons que la destinée de ce personnage, double du narrateur de la Confession d’un enfant du siècle, est sous le poids d’un fantasme de matricide.
Premières lignes....
Tout d'abord je souhaite la bienvenue à chacun de nous, particulièrement aux collègues appartenant à d'autres sociétés analytiques ou disciplines qui nous ont fait le plaisir d'accepter l'invitation des secrétaires scientifiques à partager avec nous leurs travaux et réflexions théorico-cliniques.
"L'homme dans la nuit s'allume pour lui-même une lumière, mort et vivant pourtant. Dormant, il touche au mort". Je cite ici une référence d'Héraclite, eu égard à cette notion de voyance mise en avant dans l'argument de ces Journées qui fait écho à ce dénuement dont parle Freud : là, point d'artifices, ni de juge, le sujet se dévêt, enlève ses différentes enveloppes, face à lui-même, comme au seuil d'un originaire...
Premières lignes...
Lorsque Freud publie en 1899-1900 "L'Interprétation du rêve" le seul rêve d'enfance qu'il consigne et sur lequel se clôt le livre des rêves - le livre égyptien des rêves, aimait-il à l'appeler - est "mère chérie et personnages à becs d'oiseaux". Ce rêve, qui associe on ne peut plus clairement le désir incestueux et la représentation de la mort de sa mère, le conduit à écrire : "Je me rappelle que je me calmai subitement en apercevant ma mère, comme si j'avais eu besoin d'être rassuré". Il reconnait une réaction affective équivalente à la célèbre scène du "coffre", lorsqu'enfant, il se calme au moment où...
Reprenant les travaux sur le rêve de S. Ferenczi, l'auteur montre comment Ferenczi garde à l'analyse sa fonction essentiellement thérapeutique, tout en accordant à l'organisme une capacité à l'autoguérison, par la fonction traumatolytique du rêve, tant pour les cicatrices des traumas primitifs que les commotions des traumas récents.
Il sera question, à partir de cette allusion au film surréaliste de Hans Richter, de la fonction idéologique d'un certain type de "fantaisie totalitaire", en ce qu'elle s'oppose irréductiblement, de par l'écran-bêta, à la fonction alpha qu'exerce sur la pensée la barrière du rêve (Bion).
Toute ressemblance avec des événements récents ne pourrait être que non-fortuite...
Même si l'attention des poètes a toujours été requise par l'accès qu'offre le rêve à un obscur qu'ils pressentent soit transcendant soit intime, ils ont toujours veillé à bien les distinguer des poèmes dans leur nature et dans leurs enjeux. L'étude de deux "poèmes du rêve" permettra de montrer qu'ils en attendent de développer un vacillement des frontières entre le monde de l'énonciation et celui de l'énoncé ; et qu'ils sont en fin de compte moins guidés par le contenu du rêve que par la façon dont les jeux et le travail du langage permettent au contraire de se déprendre de la fascination de l'image.
S'interrogeant sur l'articulation entre l'image et le texte, le propos ici est d'en chercher les diverses origines dans les formations oniriques comme dans la création artistique. Ce faisant nous croiserons des auteurs et des exemples cliniques qui illustrent en quoi le processus mélancolique s'oppose à la perte nécessaire de l'objet, qui signe pourtant une avancée dans la cure du côté d'une possible symbolisation, et qui donne aux artistes le souffle créatif qu'est le Kulturarbeit.
Premières lignes...
En psychanalyse, la synthèse n'est pas recommandée. W. Granoff recommandait aux analystes d'être des agents de déliaison plutôt que de liaison. Un peu avant de conclure ces journées scientifiques, je vais contrevenir à ces deux avertissements pour vous livrer les réflexions qui me sont venues au cours de ces journées...
Si l'homme n'avait pas déjà rêvé, la psychanalyse n'aurait pas été possible. La cure reprend, en les amplifiant, les fonctions essentielles accomplies naturellement par l'activité onirique et portées par ce que Freud appelle le processus primaire : elle remodèle les images mentales et le discours intérieur du dormeur par le biais des "restes diurnes" qu'elle décompose et relie aux formations inconscientes, installant un nouvel équilibre entre forces de l'investissement et du contre-investissement ; une censure freine bien sûr cette action. Elle réorganise l'espace psychique qu'elle creuse, met en perspective, modifiant, par son action hallucinatoire, les frontières démarquant l'intérieur et l'extérieur de Psyché. Selon une hypothèse forte et mal connue de Pierre Fédida, méritant un ré-examen sérieux, la force de remémoration du rêve met le dormeur en contact avec ses morts et avec les ancêtres hérités de la phylogenèse. Et enfin par le jeu de ce premier désendeuillement, le rêve travaille par plusieurs côtés au renoncement de restes oeidipiens, renoncement auquel la cure doit l'essentiel de sa portée psychothérapeutique.
Premières lignes...
Ces Journées Scientifiques sur le rêve, ont ouvert un travail de réflexion sur cet en-deçà de la langue de mots que constituent les images qui habitent les rêves ; si les rêves sont la voie royale vers l'inconscient, cette voie est parsemée comme le chemin du Petit Poucet par ces signes énigmatiques que forme la "matière d'images"...
Comme son titre l'indique, cette relecture du Délire et les rêves dans la Gradiva de Jensen se place sous le signe d'un paradoxe qui unit et oppose rêves et délire dans leur plasticité et l'ancrage archéologique de ce texte de fiction. A partir d'une réflexion sur l'écart que Freud pratique avec la psychanalyse dite appliquée, il s'agit, à travers l'étude minutieuse des procédés rhétoriques employés, de tenter de dégager, en marge de la volonté pédagogique d'une exposition argumentée du concept de refoulement, d'en montrer les liens avec l'Interprétation des rêves mais aussi d'y entrevoir quelques autres points théoriques développés plus tard comme l'inquiétante étrangeté et la pulsion de mort.
Le fantasme d'une dette de naissance, au-delà des mythes, trouve dans les rêves et dans la clinique, à se conjuguer selon des formes diverses que je voudrais ici déplier. Je suivrai les traces de cette dette généalogique dans deux rêves princeps de Freud, "Le comte Thun" et "Je chevauche un cheval gris". Mère en deuil, père en faillite, seront les figures abimées à réparer que vise le retournement de la filiation dans la dette généalogique. C'est en suivant l'analyse de C. Malamoud que j'articulerai le sens de la dette de naissance circulant entre les vivants et les morts, selon la mythologie brahmanique. On verra combien la place de la mort y est centrale ainsi que le registre incestueux. Entre dette de sens et sens de la dette, c'est ici toute la question de la transmission qui est en jeu.
A partir de l'expérience du rêve, comment définir un "penser en image" et le régime spécifique de l'expression du sensible dans la cure analytique ? Peut-on concevoir une pensée esthétique au-delà de la représentation et de la pensée logico-discursive ? Peut-on envisager une pensée qui n'opposerait pas le sensible à l'intelligible ? Avec l'image, sommes-nous au bord de la pensée ou au coeur de ce que l'on peut appeler "la matrice visuelle de la pensée" à partir de l'inscription des traces de perception ? Penser en image s'applique aux modes d'expression qui se manifestent dans la cure sous la forme hétérogène à l'ordre du discours, les rapports entre ces formes d'expression mobilisant aussi bien la dimension hallucinatoire du transfert que le champ de la parole et de l'énonciation. Le dispositif analytique ouvre sur une autre scène, au carrefour du langage verbal et du langage plastique, au carrefour de la pensée visuelle et de la pensée verbale. Nous suivrons quelques-uns des détours de la pensée freudienne dessinant, explicitement ou secrètement, une esthétique comme puissance et potentialité de la forme, puissance de présentation au-delà de la représentation.
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