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Il n'y a pas de passionnel de la passion auquel ne participerait pas une volonté de pouvoir et d'emprise visant l'abolition de l'objet comme autre, une violence anéantissant son objet. Dans le transfert analytique, le passionnel peut prendre la place d'un irréductible à toute mise en sens ou interprétation. Son rapport étroit avec une réaction thérapeutique négative doit toujours être pris en compte, et ce même à minima. Le noyau passionnel, son roc irréductible, réédite dans la cure la force pulsionnelle de traces infantiles refoulées. La situation passionnelle d'amour de transfert ne relèverait-elle pas de ce qui se passe dans la force "réalisante" que l'analyste serait tenté de donner à l'exigence passionnelle de son analysante, en prenant celle-ci à la lettre de la réalité, de "sa" réalité ? Le roc irréductible du transfert passionnel ne correspondrait-il pas chez l'analyste à une suspension de l'hallucination négative de la pensée, surface blanche permettant jusque-là qu'ait lieu le jeu des transferts dans la cure ?
Il n'est de passion que dans une recherche de comblement, d'une concordance sans écart, entre un sujet et son/ses "objets" ; que là où se constitue une visée de complétude. Considérer l'institution à la lumière des figures de la passion convoque dès lors la double dynamique dans laquelle sont pris le sujet et le groupe professionnel, celle de l'attraction totalisante du "Un" et du mouvement de différenciation pluralisante qui en constitue le pôle dialogique. Après avoir rappelé les enjeux psychiques de ce que représente le "travail" pour le sujet, nous nous intéresserons à la figure de l'institution considérée dans sa dimension subjective. Au titre de la diversité des configurations qui sont à même d'attracter une visée d'emprise totalisante sur la scène de l'institution, nous interrogerons les dynamiques qui se jouent dans le lien soignant, et celles qui se jouent relativement à l'institution comme objet psychique.
C’est à Nabile Farès poète psychanalyste que je voudrais rendre hommage ce soir, à celui que j’ai rencontré pour la première fois en 1992, lors du colloque du Collège de psychanalystes, sur le thème des violences et de la subjectivation. Je me souviens d’un déjeuner partagé aussi avec Benjamin Stora, de la générosité avec laquelle Nabile m’avait offert d’emblée son amitié dans un échange plein de chaleur et d’humour. Je relisais récemment sa communication sur « les névroses de guerre » et j’ai retrouvé toute la densité de ses propos d’alors, des propos qui m’avaient tant troublé, tellement ils dévoilaient la folie de la langue souveraine, la langue devenue folle quand elle se prétend le lieu de la vérité pour énoncer le détournement pervers de la réalité : le temps de guerre était devenu ce qu’on a appelé « l’œuvre de pacification », dans un renversement ironique, destructeur, de la réalité. Pour Nabile, cette duplicité de la langue coloniale a créé une fissure, une béance pour toute une génération naissant au langage, inscrivant la duperie au coeur des mémoires les plus singulières, et de la mémoire collective, inscrivant un trou, une faille devenue trace paradoxale d’une guerre innommée, ou par ailleurs ‘trop’ nommée…
L'enfant est-il un petit sauvage pulsionnel, mais qui échappe aux passions proprement dites, car elles nécessiteraient un Moi construit et un Idéal-du-Moi intériorisé ? Telle est la question posée au départ de ce travail. Pour y répondre, deux exemples de lien passionnel à l'objet maternel sont exposés, qui présentent entre eux une différence notable. La symptomatologie anxieuse du premier illustre une passion amoureuse oedipienne. Dans la seconde présentation, la passion qui prévaut est l'envie, c'est-à-dire la haine pour l'objet lui-même. Dans ce cas-là, est apparu un retournement de l'investissement pulsionnel tendre de l'objet (la marmotte dans le jeu) en haine envieuse et destructrice. L'objet idéalisé est devenu persécuteur et l'enfant a tenté d'en conjurer la menace par la fragmentation de la marmotte maternelle du transfert en une foule de nuisibles à exterminer dans des chambres à gaz.
Dans l'envie, comme dans la passion amoureuse, l'objet idéalisé s'empare de toute la libido. Le sujet le tient donc pour responsable de sa frustration. C'est une véritable passion amoureuse retournée. L'objet de la passion envieuse, qui est le maître et le possesseur du monde, est attaqué haineusement, alors que dans une passion amoureuse, c'est le sujet qui se fait subvertir par l'objet idéalisé et se soumet.
Au cours du processus de civilisation, les passions sont terribles et nécessaires. Leur évocation, dès les contes de l'enfance, constitue l'essentiel des oeuvres de culture. Grâces à elles, le travail de culture n'est pas qu'un travail de deuil. Il ne vise pas uniquement à intérioriser les objets perdus, mais à prolonger autrement cette souffrance d'amour et de mort, à garder autrement la blessure ouverte. Et le travail de culture devient ainsi lui-même passion.
Le surmoi matérialise l’intrication du psychisme individuel et de la culture, dans la perspective freudienne de l’articulation de l’auto-destructivité individuelle et de l’auto-destructivité collective. Dans cette articulation, la psychopathologie des limites, tant sur le versant mélancolique que sur le versant incestuel, oblige à mettre l’accent sur les convergences du travail de la cure et du travail de la culture.
Le titre de cette première journée du Colloque rend hommage à Cornelius Castoriadis auteur de « L’état du sujet aujourd’hui », ce qui n’est pas sans me rappeler sa conférence avec le même titre au Quatrième Groupe le 15 Mai 1986. Je garde un très vif souvenir de cette soirée à la salle des conférences de FIAP, rue de la Santé, qui accueillait à l’époque des activités scientifiques du Quatrième Groupe et précisément la série qu’on appelait des « Confrontations critiques ». Le discours de Castoriadis déconcertait comme d’habitude l’auditoire par sa force et sa nouveauté ; cette conférence faisant un retour après sa séparation avec Piera Aulagnier et son éloignement du Quatrième Groupe où il avait travaillé plusieurs années sans pour autant demander son habilitation comme analyste-membre.
Quoi qu’il en soit, ce retour est resté sans suite ; force est de constater que ses idées qu’il soit de l’imagination radicale ou de la socialisation de la psyché n’ont pas trouvé, sauf quelques exceptions, l’écho qu’elles méritent ni au Quatrième Groupe ni dans les autres milieux psychanalytiques français. Cependant André Green, comme il me disait dans une discussion informelle, lui avait proposé de joindre la Société psychanalytique de Paris, puisque Castoriadis avait fait une deuxième analyse avec Michel Renard de la SPP après sa première analyse avec Irène Roublef analyste de l’Ecole Freudienne et analysante de Lacan.
Ni « orthodoxe » ni lacanien, Castoriadis garde son indépendance institutionnelle et d’esprit... (suite)
Les modalités de vécus de changements catastrophiques développés par Bion au sujet de patients psychotiques sont tout autant utiles pour approcher cliniquement les changements catastrophiques découlant de transformations psychiques survenant dans le déroulement habituel de cures d’enfant, d’adolescent, d’adulte, sans pathologie notoirement psychotique, mais aussi lors de circonstances extérieures particulières imposant des arrêts de traitement et/ou changements de thérapeute. Cet article présente l’exemple d’un départ à la retraite d’un psychanalyste exerçant en CMPP, soumis donc lui-même à plusieurs principes de réalité (son obligation de retrait d’activité, conjointe à sa propre impuissance à organiser au mieux sur le plan thérapeutique son remplacement auprès des patients suivis). Sont ainsi exposées certaines réactions d’angoisse à ces changements – côté patients et côté analyste -, et analysé la notion d’angoisse de changement catastrophique comme réactivation d’une irreprésentable angoisse inaugurale. L’évocation de différentes sortes d’arrêt de cures vient souligner la nécessité pour le thérapeute d’être attentif autant à ces événements extérieurs de contraintes qu’aux turbulences psychiques internes qui en découlent. L’article évoque aussi le problème épineux et non résolu des modalités de financement des institutions soignantes, ajoutant une contrainte « réalistique » supplémentaire inapte à moduler de façon adaptée sur le plan clinique, de ces situations difficiles de rupture de traitement.
L’objectif de ce numéro est d’évoquer – sans visée exhaustive – les apports conséquents et transmissions vivaces pour l’ensemble du corpus clinique et théorique de la psychanalyse de plusieurs éminents psychanalystes britanniques, comme Melanie Klein, Wilfred Bion, Donald W. Winnicott, Michaël Balint. En effet, malgré une diffusion sélective et plus tardive en France qu’en d’autres pays européens et d’Amérique du Sud, ces apports nourrissent désormais la pratique, et témoignent de la richesse de leurs avancées et perspectives, permettant une approche de plus en plus subtile de l’évolution intra et intersubjective de nos psychismes. L’histoire de la psychanalyse britannique est passionnante à plusieurs titres. En effet, l’Angleterre fut une des premières terres d’accueil de nombreux psychanalystes européens dès 1930, et surtout en 1933 et 1938, lors de l’irréparable flambée des exactions nazies. Cette affluence migratoire a intensifié alors, pour diverses raisons, les positions théoriques identitaires des émigrés freudiens dits les « Viennois » orthodoxes et leurs prosélytes anglais, en les opposant aux nouveaux développements kleiniens devenus plutôt assez consensuels en Grande-Bretagne. Dès 1933...
À partir de certains textes de Winnicott, et de façon non exhaustive, nous essayons de montrer combien sa pensée se situe dans la continuité de celle de Melanie Klein (dont il se considère être l’« élève »), mais aussi comment elle s’en différencie, notamment, quant au rôle attribué par Klein à la pulsion de mort dans les phénomènes de destructivité, phénomènes que Winnicott étudie sous un autre angle. Mais aussi, quant à la genèse du faux self, l’un des apports essentiels de Winnicott à la clinique psychanalytique.
Ce texte vise à clarifier la notion de cadre psychanalytique, et, partant, à mieux situer la question du cadre au regard de la pratique psychanalytique. Dans un premier temps, l’auteur essaie de mettre le cadre, la « question-du-cadre », en bonne position théorique, afin de tenter de démêler ce qui, dans cette question, relèverait de symptômes théoriques, de ce qui afférerait à de véritables et cruciaux enjeux pour la psychanalyse. L’auteur tente de situer, au regard notamment de sa conception des visées de la psychanalyse, la position métapsychologique du cadre. Enfin, il tente de penser le cadre en lien avec certains enjeux théorico-cliniques, touchant notamment à la question de l’acte, qui semblent fondamentaux pour la psychanalyse d’aujourd’hui et de demain. Pour ce faire, il se soutient de la pensée de Bion, mais également de celles de Ferro, Ogden, Bollas, Grotstein.
Après avoir revisité quelques mouvements psychiques et quelques enjeux inhérents à l’hypermodernité, nous mettrons l’accent sur les nouages constitutifs des dynamiques de transmission et leurs aléas. Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à quelques spécificités de ces mouvements de transmission au sein des institutions du soin, du travail social, etc., en tant que les mouvements qui les traversent condensent nombre d’enjeux qui se jouent ailleurs à bas bruit. Quelques évocations de processus groupaux et institutionnels nous permettront de souligner le travail d’historisation identifiant ce tissage où se conjuguent appui dans la filiation et travail de transformation et de créativité qui incombe à chaque génération.
En reprenant ici avec un texte de Winnicott le dispositif mis en œuvre avec « L’enfant mal accueilli et sa pulsion de mort » de Ferenczi?ont été réunis autour de ce texte des analystes de divers styles et obédiences, avec pour seule contrainte le risque de témoigner le plus librement possible de son actualité dans leur pratique clinique et théorique. Ces analystes étant par ailleurs tous enseignants-chercheurs, sans doute s’agit-il aussi de témoigner en acte de la possibilité à l’Université d’œuvrer au questionnement psychanalytique de la psychanalyse – une possibilité intrinsèquement liée au projet même de la formation de psychologues cliniciens avec la psychanalyse, qui ne peut légitimement être porté que par des analystes, et des analystes assumant de déployer pour une part leur créativité à partir de l’étrangèreté?de leur présence à l’Université.... (suite sur la revue)
Michael Balint a perpétué l’école de Budapest en Angleterre, avec la création des « Groupes de recherche formation » qui deviendront les « groupes Balint ». Il est l’un des instigateurs du Middle Group, dont le principal porte-parole sera Donald W. Winnicott. Il inventera et développera les notions d’investissement mutuel, de fonction apostolique, de défaut fondamental, de régression et de confusion des langues.
Michael Balint a perpétué l’école de Budapest en Angleterre, avec la création des « Groupes de recherche formation » qui deviendront les « groupes Balint ». Il est l’un des instigateurs du Middle Group, dont le principal porte-parole sera Donald W. Winnicott. Il inventera et développera les notions d’investissement mutuel, de fonction apostolique, de défaut fondamental, de régression et de confusion des langues.
Cet ouvrage, fruit de recherches dans les archives de Melanie Klein, présente des conférences et des séminaires sur la technique psychanalytique donnés dans les années 1930 et 1950 par Melanie Klein à des analystes en formation ou récemment habilités. Elle y aborde les fondamentaux de la psychanalyse (le transfert, la connaissance de l’inconscient...) mais répond aussi aux questions de ses auditeurs. Les thèmes abordés restent toujours d’actualité. On découvre là non seulement Melanie Klein au travail avec les adultes, mais aussi une femme chaleureuse, ouverte et extrêmement respectueuse de l’autre. Les commentaires de John Steiner resituent les thèmes évoqués dans une perspective contemporaine.
Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) est massivement impacté par les mutations, et par le mouvement de désinstitutionnalisation, en cours. Il est aux prises avec deux sources principales de déliaison mortifère : celle que présentifient les usagers, d’une part, et celle qui découle des incidences des mutations sociales, des incessantes restructurations et des menaces qu’elles font peser sur les organisations institutionnelles, d’autre part. Celles-ci s’en trouvent grandement fragilisées et le travail de nouage en devient d’autant plus exigeant, car il requiert toujours plus d’énergie, face aux différents niveaux par où les liens sont déstabilisés, malmenés, détruits. Dans ce contexte, l’analyse de la pratique peut être pensée comme paradigmatique des pratiques de régulations, en tant qu’elle peuvent contribuer à faire tenir ensemble ce qui tend à se morceler au sein de la vie institutionnelle ; à préserver de la créativité et de l’investissement dans un univers où les marges de libertés (professionnelles) n’ont de cesse de se restreindre. Ces pratiques peuvent se donner pour visée de soutenir, voire de faire advenir, du groupe comme une instance suffisamment unifiante, participant en cela à la reconstruction des collectifs de travail et du « bien commun ».
Avec le parcours de vie de James Gammill, sont évoqués ici les souvenirs de l’auteure, Mireille Fognini, sur ses derniers échanges avec lui, et son ancien travail de supervision où est décrite sa méthode personnelle de transmission, dont elle retrouve la spécificité dans les deux publications essentielles qui rassemblent ses expériences de travail clinique et théorique avec Melanie Klein et ses successeurs, prolongées et enrichies de ses propres constructifs apports de transmission.
Cet article évoque le parcours de John Steiner, kleinien britannique d’aujourd’hui, les personnalités, les théories et les élaborations psychanalytiques qui ont nourri la construction de sa pensée singulière. L’article se centre tout particulièrement sur la notion de retrait psychique qu’il a développée, notion précieuse dans le travail clinique, qui soulève par ailleurs de nombreux questionnements, notamment sur le plan de la technique analytique.
La psychanalyse s'est toujours nourrie de ses rencontres, avec les sciences, la littérature, la philosophie, l'histoire, et aussi avec les arts. Avec ces disciplines, elle partage le goût de l'énigme. Les artistes montrent, mettent en scène, racontent ce que l'homme peine à dire, ce qui s'est formé en lui avant les mots ; et ils le révèlent à leur public. Nous verrons dans ce texte que cela ne va pas de soi, pour les artistes qui doivent aller au-delà du doute, poursuivre la route vers l'inquiétante étrangeté en renonçant à comprendre. Il en serait de même pour les analystes, c'est la proposition de ce texte.
La situation psychanalytique et son procès ne peuvent donner lieu à ce que l’on appelle stricto sensu une description mais seulement à une écriture. J’entendrai cette écriture comme la conjugaison d’une écriture créative de l’analysant qui n’est pas le plus souvent transcrite et de l’écriture de l’analyste qui tente de théoriser l’interprétation des obstacles qui s’opposent à la créativité de l’analysant. Cet article étudie cette dialectique dans son rapport avec l’écriture dite poétique. La sublimation en est le maître-mot.
Si le besoin de croire fonde nos capacités d’être en parlant, il n’a de cesse de tarauder le sujet qui se trouve contraint de lui trouver des issues. Ces issues dont diverses et certaines dangereuses pour le sujet et pour le monde. Quel devenir du besoin de croire pour le sujet contemporain, notamment dans ses effectivités destructrices tel l’intégrisme radical islamique ? D’un point de vue psychanalytique, que peut-on comprendre, analyser voire proposer face au déchainement pulsionnel de mort qu’engendre le mythe fondamentaliste ?
Dans cette première contribution sur l’acte de paiement dans la cure, c’est la position de l’analyste qui sera d’abord interrogée, ses idéaux, son contre-transfert. Autour de la scène où « on rembourse un patient », il s’agira de questionner le registre de la transmission de la dette et du fantasme de son retournement, mais également le statut psychique de la réalité extérieure, les rapports de l’argent et de la parole, sur fond d’absence et de mort.
La notion de post-mémoire interpelle la psychanalyse en ce qu'elle interroge à nouveaux frais la transmission et l'inscription d'événements traumatiques historiques dans la psyché du sujet alors qu'il n'en a pas été le témoin direct mais qu'il en est, d'une manière ou d'une autre, l’héritier affecté. Il s'agira ici de montrer par quels processus sublimatoires le sujet peut activement parvenir à se dégager de l’emprise de la pulsion de mort si, du moins, ses capacités de pensée et de créativité n'ont pas subi un dommage irréversible.
La réflexion et l’activité psychique de l’analyste s’organisent autour de différents pôles, à partir de l’intimité de la situation analytique jusqu’à son implication dans une société analytique. Il me semble important de s’attarder sur ce contraste entre l’intime et le pluriel, et de s’interroger sur des jeux d’échos entre ces différents espaces de pensée qui s’entremêlent et nourrissent son cheminement. Trois scènes se distinguent : lire, analyser, écrire. L’écriture en serait le prolongement, lieu de jonction entre intimité et institution en ce qu’elle représente potentiellement un lieu social de déploiement de l’expérience analytique.
Freud a légué aux psychanalystes un mode de connaissance et un mode d’approche spécifiques des processus psychiques qui confèrent à l’analyse un pouvoir de transformation sur les processus psychiques. Le travail psychanalytique, qui se veut travail de remémoration langagière et création de pensées nouvelles, vise ainsi à de possibles métamorphoses comme fruit de l’échange conscient et inconscient entre l’analyste et son patient.
Dans le champ de la santé, l’exigence de « continuité du soin » est aujourd’hui très présente, tout en étant mise à mal par une vision gestionnaire de la vie psychique. À partir de sa pratique en pédopsychiatrie, l’auteur de cet article propose une réflexion sur cette notion, en s’intéressant particulièrement à ses articulations possibles avec celle de cadre soignant, et aux conséquences d’une continuité des soins pensée à partir de la clinique du transfert.
Livre collectif (sous la direction de Patrick Guyomard)
La psychanalyse a su préserver la liberté d'une rencontre entre patients et psychanalystes, seule condition au surgissement de l'inconscient dans la cure. Toutefois, comme toute pratique sociale, la pratique de la psychanalyse est soumise aux aléas des mutations du monde contemporain. Mais par-delà ces mutations, en psychanalyse, à quoi tient-on ? Avec les contributions de C. Barazer, B. Chervet, M. David-Ménard, P. Hassoun, N. Isnard-Davezac, F. Leguil, A. Tardits, J.-J. Tyszler.
Méditation sur un compagnonnage de douze ans avec quatre chiens et un chat. À travers les âges de leurs vies s’égrène la communication entre mammifères « debout et non debout ». La question de la Voix animale, du chant et du langage s’y articule avec celles du chaînon manquant et de la servitude partagée. Questionnement qui éclaire en clair-obscur le passage douloureux de la Voix refoulée à la parole au cours du processus analytique.
Cet article interroge la « neutralité bienveillante » du psychanalyste face aux formes actuelles de psychopathologie. Ce dernier n’a-t-il pas à s’engager dans un double registre de praticien et de citoyen ? L’auteure s’appuie sur sa clinique auprès de précaires, qui semblent n’avoir d’autres demandes que celles qui touchent à la survie. Au-delà des modes de défenses mis en place, une approche analytique reste à inventer. Une situation clinique est proposée comme paradigmatique de ce débat.
À l’instar des autres disciplines des sciences humaines, la psychanalyse subit de plein fouet les mutations anthropologiques des sociétés postmodernes. Comme les autres disciplines, elle est appelée à se redéfinir. En d’autres termes, elle doit quitter sa « splendide isolation » et le repli sur soi et s’ouvrir à la société et aux autres disciplines : la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, mais aussi aux pratiques thérapeutiques concurrentes. Ces dernières, souffrant de mêmes problèmes que la psychanalyse, ne sauraient faire l’économie de leur remise en question et de leur ouverture au monde et aux autres disciplines.
Si le savant Freud est devenu le champion du travail psychique, n’est-ce pas aussi parce que l’homme Freud s’engagea corps et âme dans l’austère épreuve du mariage, seul lien autorisant l’accès aux relations sexuelles ? Une lecture de la correspondance et des textes qui lui sont consacrés met en effet en évidence un souci conjugal majeur et constant du couple Freud – la quête d’une méthode contraceptive inoffensive – contraignant le chercheur à user de l’abstinence : une conduite qui, si elle est génératrice de troubles nerveux ainsi qu’il le démontre très tôt dans ses travaux clinico-théoriques, ouvre également la voie à l’élaboration, celle de l’excitation pulsionnelle, qu’il emprunte douloureusement et dont il découvre la complexité.
Lou Andrea-Salomé : cette intrigante figure féminine du mouvement analytique agréée comme membre de la Société psychanalytique viennoise en 1922, et dont l’œuvre psychanalytique n’a été publiée en France qu’autour des années 80. Ses écrits, ainsi que l’intense correspondance qu’elle aura avec Freud jusqu’à son décès, en 1937, permettent d’éclairer l’originalité et la hardiesse de sa pensée sur son approche du féminin comme de la création, et ses divergences avec Freud sur ces questions peuvent permettre de la considérer comme un précurseur de débats plus contemporains, notamment sur le féminin et la sexualité féminine. N’adhérant pas à la conception phallocentriste de Freud qui veut que la sexualité féminine s’élabore constamment en fonction de repères phalliques, conception postulant ainsi une structuration identique de l’inconscient du garçon et de la fille, elle soutiendra et revendiquera d’emblée une conception du spécifique de la psyché féminine, anticipant à sa manière les travaux de Jones et de l’école anglaise qui opposent, comme on sait, au modèle freudien le modèle d’une sexualité féminine en termes de concentricité pour soutenir que « la fille nait fille », et affirmer, par là, l’idée de l’impact de l’anatomie du sexe propre de la fille sur l’inconscient de la fille....
... suite sur la revue n°44 - Nunc - revue publiée par le Collège des Bernardins
Si l’animal traverse l’œuvre entière du savant, ce n’est qu’à l’automne de sa vie que l’homme Freud s’intéressera concrètement à l’un de ses spécimens — le chien —, se prenant d’affection pour ce dernier jusqu’à le faire « participer » aux séances analytiques. Comment comprendre cette mise en acte inattendue ? L’approche de cette pratique singulière montre à l’évidence que, loin de constituer la transgression d’un cadre encore à construire, il s’agit bien d’un « inanalysé » du spécialiste de la psyché dont les effets persistent encore aujourd’hui.
L’homme et savant Freud fut inévitablement confronté à l’hostilité générée par l’identité juive, et son appartenance au peuple maudit le prédisposa à l’élaboration de ces mouvements ambigus, voire ambivalents, si ce n’est hostiles ou haineux, notamment ceux traversant et ciblant les Juifs. Ce faisant, en s’interrogeant sur les fondements d’une telle hostilité millénaire, c’est à la nature de son identité et à ses origines qu’il est conduit, sans cependant être en mesure d’en fournir une interprétation autre que mythique.
Accès au texte intégral (en anglais)
La lecture de l'œuvre de Piera Aulagnier a conduit au constat que ses foisonnantes constructions théoriques obéissent, dans leur nomination, à une exigence de figurabilité. Dans cette lignée j'émet l'hypothèse de l'intérêt de compléter par le concept de désir de non besoin celui de désir de non désir. Un bref questionnement du concept de violence de l'interprétation permet de rappeler l'importance que Piera Aulagnier accorde à la notion d'anticipation ainsi qu'au désir.
Ce texte propose une discussion à propos de la façon dont le pictogramme peut être utilisé dans des cliniques dites de l'extrême. L'auteur propose de penser la clinique de l'éveil de coma comme un éveil à la sensorialité convoquant l'écoutant dans un espace de rêverie partagée mettant et ou remettant en jeu la notion de pictogramme au travers de télescopages de vécus perceptifs actuels est de fueros. Ces télescopages convoquent alors ce qu'il nomme "pictogramme de secours".
La topique de l'originaire de Piera Aulagnier, avec sa dynamique et son économie permet à l'analyste de penser en images de choses corporelles et résonne fortement avec la genèse du moi-corporel que G. Hagg a longuement développée au cours de ses travaux théorico-cliniques. La première rencontre de la psyché serait celle qu'elle fait avec son corps, un corps chimérique, fait d'objet-zones complémentaires, tout mêlé à l'espace corporo-psychique du premier autre. Ces approches théorico-cliniques ouvrent une voie possible à l'abord des figurations gestuelles, corporelles et comportementales des enfants autistes et, à leur interprétation dans le transfert, qui, en nommant leur vécu intime, les attire dans le monde du fantasme et du langage. Quelques séquences cliniques viendront rendre compte des perspectives ouvertes par ces concepts et de l'indissociabilité de la pratique analytique avec sa théorie.
Dans cet article, l'auteur propose de repenser la dimension de l'originaire dans la métapsychologie de Piera Aulagnier à partir de sa pratique clinique avec des enfants autistes en hôpital de jour. Il propose de penser que l'originaire est caractérisé par un non-transfert à la base de toutes les logiques identitaires. Ancrées dans des logiques de corps en présence plutôt que de représentation de l'absence, elles n'entrent pas dans une histoire au contraire du processus identificatoire dont il postule le commencement avec le primaire. Enfin, en s'appuyant sur la pensée d'Adolf Portmann, il propose de différencier les bio-logiques fonctionnelles, les morpho-logiques d'apparition/disparition des corps en présence et enfin les psycho-logiques ancrées dans la représentation de l'absence.
Parmi les différents destins psychopathologiques possibles, on a coutume, avec Freud, d'opposer la névrose, la psychose et la perversion. En proposant la notion d'aliénation, ou du moins en la reprenant dans un sens nouveau, Piera Aulagnier se situe au-delà des catégories psychiatriques rigides, dans une différenciation proprement psychanalytique entre deux types fondamentaux de conflits, soit le fait que dans la névrose le conflit porte entre le Je et ses idéaux, tandis que dans la psychose il se situe au sein même du Je lui-même, entre sa part identifiante et sa part identifiée, ce qui est vrai dans une certaine mesure aussi pour les perversions. C'est donc une troisième voie qui s'ouvre avec l'aliénation et que l'on peut résumer dans la tentative pour abolir le conflit lui-même.
Sortir de la répétition qu'imposent les passions et les peines infantiles ainsi que la jouissance attachée au fantasme qu'a organisée la sexualité infantile, suppose une relance chez l'analysant de "sa capacité d'historien". La mise en regard de deux récits cliniques tente d'illustrer deux modalités de travail analytique pour atténuer l'emprise de la répétition d'un fantasme de fusion soutenu par un voeu de mort maternel.
En élargissant la scène psychique freudienne, la métapsychologie de P. Aulagnier permet l'accès à un espace somato-psychique originaire d'activité représentative pictographique. À partir donc de l'action du pictogramme cet article pose la question de l'existence d'une force présentante et imageante interne, envisagée au regard de l'émergence de la représentation et de l'auto-constitution de la psyché, à savoir dans son rapport au corps sensoriel, à la figurabilité, à la réflexivité et à l'indétermination créatrice.
Le passage du pictogramme, comme image de la chose corporelle, aux processus de primaire et secondaire est abordé à travers certaines situations cliniques qui nécessitent l'apport figuratif de l'analyste. Ce qui permet l'hypothèse d'une circularité possible de l'in-formation sensorielle-érogène-affective entre des espaces psychiques hétérogènes et une appropriation potentielle du message, selon les postulats qui régissent le fonctionnement de chaque espace. Les constructions figuratives et interprétantes de l'analyste s'intègrent à ce travail auto-créateur du sujet, qui signe la poïesis de soi-même et du monde.
Nunc est une revue publiée par le Collège des Bernardins