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Perspectives sur l’actualité Santé publique - La troisième vague du Covid-19 sera-t-elle psychiatrique ? Alors que les remontées cliniques sont déjà alarmantes pour l'année 2020, les outils de la psychanalyse permettent de donner un cadre pour penser ces nouveaux échos, où peur collective et angoisse individuelle se confondent dans un temps de l'embrasement.
Le sujet handicapé mental entretient un lien de forte dépendance à son entourage qui, souvent impuissant à lui reconnaître une potentialité psychique, s’identifie à l’être corporel déficitaire. Nous explorons, à partir de séquences extraites d’entretiens cliniques avec Piotr, résidant d’un foyer d’hébergement où nous exerçons comme psychologue, la qualité du lien incestuel que l’homme entretient avec le premier objet. Nous évoquons les impasses désubjectivantes du lien mais aussi ses visées en termes de conservation du contact sensuel ainsi qu’une part du travail d’appropriation subjective mené par cet homme.
Savoir de la mort impossible, affirme Freud. « Chose » qui nous regarde, dit Lacan. La première expérience-limite (Zaltzman) est la naissance. L’emi sous coma en réactive le chaos originaire (Aulagnier), mettant l’inconscient temporairement « à ciel ouvert » (Soler). On suppose qu’il s’agit de la relance des fonctions psychiques, une fois le risque létal évité. Si la naissance s’origine dans l’arrêt de la vie fœtale, on déduira que la relance du psychisme se réinstaure à partir de cet originaire, associant le trauma pré/natal à la restauration du sujet. Cette intrication à la fois anxiogène et extatique serait projetée sur la mort dans le fantasme « emi ».
Les expériences de mort imminente désignent un vécu subjectif évoqué par certains patients dans des contextes réels ou supposés de mise en danger de leur vie, en particulier lors d’éveils de coma ou à la suite d’arrêts cardiaques. Ces expériences aux frontières de la subjectivité interrogent nos modèles théoriques et cliniques. Dans cette perspective, nous proposons dans ce travail une réflexion à partir de la rencontre de deux cliniques confrontées à ces expériences. La première concerne la pratique de psychologue clinicien en service de réanimation menant à la rencontre et au récit de patients « sur le vif » en milieu hospitalier. La seconde provient de l’expérience d’un service de consultation spécialisé dans les expériences exceptionnelles recueillant des récits d’expériences de mort imminente dans l’après-coup. Un constat émerge à la rencontre de ces deux cliniques, à savoir que ces vécus ne sont pas décrits de la même manière au sein de ces deux espaces. Les auteurs tentent de rendre intelligible cette observation dans le but de mieux comprendre la nature de ces expériences en fonction de leur contexte d’émergence. Quelques recommandations sont proposées en conclusion concernant l’accueil de ces récits et la manière de les considérer aussi bien en milieu hospitalier que dans le cadre de consultations cliniques dans d’autres cadres.
Nous oublions souvent dans quel contexte historique Freud a conceptualisé la méthode psychanalytique. Aussi donnons-nous un petit aperçu historique de cette époque autour de l’empereur Franz Joseph Ier. Par ailleurs, la langue allemande diffère de la langue française, et nous tâchons de montrer comment Freud a utilisé les ressources existantes courantes de la langue en se servant de la possibilité de fabriquer des mots composés qui unissent plusieurs termes existants mais qui forment des mots inhabituels. La vraie difficulté est de comprendre quelle relation ces mots peuvent avoir entre eux. Il s’est également appuyé sur un vocabulaire issu d’autres langues en complément du vocabulaire purement germanique pour inventer son appareil conceptuel et terminologique. Freud utilise une terminologie très rigoureuse et un vocabulaire clair et simple, ce qui ne veut pas dire que le contenu de ses textes soit facile à comprendre. Autrement dit, si on n’a pas compris la pensée freudienne, on ne peut pas vraiment comprendre ces nouveaux mots, ni les traduire correctement.
L’excitation en groupe d’enfants a souvent été considérée si excessive qu’elle ne pouvait pas permettre la symbolisation ; ce qui a poussé les psychanalystes soit à se détourner des groupes soit à en scander le temps (accueil, jeux, retour introspectif sur le jeu). Depuis plusieurs dizaines d’années, nous proposons des groupes d’enfants où l’expression (verbale, ludique, gestuelle) est laissée libre tout au long de la séance, et nous nous sommes particulièrement interrogé(e)s sur ces moments d’excitation intense et sur la « raison » de leur existence. Devons-nous les interdire, les modérer, les laisser se développer, voire les favoriser ? Jusqu’où et comment ? Que nous disent-ils du travail psychique en groupe ? Pouvons-nous leur inférer des mouvements transférentiels particuliers, leur reconnaître une place spécifique dans le développement des processus psychiques groupaux et individuels ? Ces questions sont abordées à partir de séances venant de la clinique des groupes de psychothérapie psychanalytique d’enfants lors de moments particuliers tels que ceux de la constitution de la matière psychique groupale, ceux de l’illusion groupale.
Ce récit de la cure d’une enfant de 6 ans, ayant subi un traumatisme précoce, met au travail deux notions fondamentales de Ferenczi : l’introjection et la commotion psychique. Cette cure se déroule essentiellement dans des jeux pris dans la relation transférentielle. Par le jeu et le transfert, la jeune analysante pourra exprimer ses fantasmes, les transformer et dépassera la répétition du trauma dans un processus d’introjection et de symbolisation.
Réflexions sur la pratique de l’analyse quatrième (ou supervision ou contrôle) : que s’agit-il de décrire du travail avec le patient. Comment est-ce possible ? Quelles en sont les difficultés et paradoxes ? Illustration à travers l’œuvre de Jacques Rouxel, les Shadoks.
La situation psychanalytique et son procès ne peuvent donner lieu à ce que l’on appelle stricto sensu une description, mais seulement à une écriture. J’entendrai cette écriture comme la conjugaison d’une écriture créative de l’analysant qui n’est pas le plus souvent transcrite et de l’écriture de l’analyste qui tente de théoriser l’interprétation des obstacles s’opposant à la créativité de l’analysant. Cet article étudie cette dialogique dans son rapport avec l’écriture dite « poétique ». La sublimation en est le maître mot.
Des séquences cliniques où le transfert s’exprime par des manifestations corporelles (perte de la reconnaissance de son propre visage, douleur aiguë du sein, gestualité de l’enfant autiste, atteinte somatique) poussent à interroger le lien qui pourrait se tisser de « la base organique hystérique de l’analyse », selon Ferenczi, au concept de la topique originaire de P. Aulagnier et aux identifications corporelles de G. Haag. Selon l’auteure, les processus psychiques de l’autoclivage narcissique et du mirage de l’autre en soi peuvent être rattachés au fonctionnement psychique spéculaire, spécifique à la topique originaire, forgeant les identifications intracorporelles décrites par G. Haag. Ils sont alors à reconnaître au fonctionnement du fondement de tout psyché avec les modalités de transformation propres aux processus primaires et secondaires.
Si la prématuration native du petit humain nécessite la présence d’un Nebenmensch, gage de survie, le sujet déficient mental aussi réclame la présence d’un autre. Le corps de Mala porte l’empreinte du désir de mort de ses premiers objets. Sa carence mentale, ses poussées pulsionnelles confrontent les accompagnants aux effets délétères du handicap. Suite au travail groupal d’élaboration clinique, la construction d’un dispositif d’écoute a contribué à tempérer la déliaison mortifère contaminante.
Le journal reconstitué de Ferenczi (d’août 1930 à fin décembre 1932) révèle un dispositif pour questionner, à partir des critiques de ses patients, sa conduite des cures et ses contre-résistances, une fois suspendu le dialogue avec son ex-analyste mais toujours « contrôleur », Freud. Son écriture polyglotte déjà symbolise ce qui deviendra concept : la langue des adultes et celle de l’enfant.
Friedrich Nietzsche, né en 1844, meurt en 1900, année de parution de L’interprétation des rêves, ce livre où, comme le dit O. Mannoni, « s’est ouvert l’inconscient ». Dix années de silence consécutives à l’effondrement vécu, en 1889 à Turin, lorsqu’il est témoin de la maltraitance d’un cheval par son charretier, ont précédé sa mort ; il ne pouvait connaître l’œuvre de Freud. Et Freud qui, lui, connaissait l’œuvre de Nietzsche n’aura cessé de s’en défendre. Il s’en expliquera dans Sigmund Freud présenté par lui-même, son autobiographie écrite en 1925-1926 : « J’ai soigneusement évité de m’approcher de la philosophie proprement dite… Les larges concordances de la psychanalyse avec Schopenhauer… ne peuvent se déduire de ma familiarité avec Schopenhauer. J’ai lu Schopenhauer très tard dans ma vie. Quant à Nietzsche, l’autre philosophe dont les pressentiments et les aperçus coïncident souvent de la manière la plus étonnante avec les résultats laborieux de la psychanalyse, je l’ai longtemps évité précisément pour cette raison : la priorité de la découverte m’importait moins que de rester sans prévention ». Si Freud peut reconnaître en Nietzsche une égale passion pour déchiffrer, éclairer toutes les dimensions de la vie psychique et, dès 1908, rendre hommage à son « degré d’introspection qui n’a jamais été atteint par personne avant lui et ne le sera sans doute jamais », il ne saurait, pour autant, céder sur le privilège qu’il accorde pour assurer la légitimité des connaissances sur la psyché aux « résultats laborieux » acquis par l’observation scientifique sur la pensée spéculative…
Le clivage « situation typique lorsque l’archaïque infiltre l’être psychique » ne s’encadre pas « naturellement » dans la métapsychologie, ni comme construction théorique ni comme invitation thérapeutique. Cela invite à une approche « indépendante » du cas Emma. On propose une « clinique du mime » comme soin animé par le triplet de Bion L, H, K, où la relation à l’objet-analyste produit un transfert à L (Amour), à H (Haine), et à K (Savoir). Les éléments béta résiduels aux traumas (le clivé) peuvent rencontrer, avec le mime, l’activité alphaïsante de l’analyste, ce qui par retour du clivé ouvre à la faculté de psychisation.
L’auteur présente un éclairage complémentaire à sa présentation de Qui a peur du (contre-) transfert ? par León Grinberg, avec des éléments qui illustrent l’histoire de la théorie du contre-transfert et celle de la contre-identification projective (cf. schémas chronologiques). Plusieurs auteurs après Freud ont été précurseurs dans l’apparition d’une conception dite « moderne » du contre-transfert, tels Sándor Ferenczi, Helene Deutsch, Theodor Reik, Melanie Klein, Donald W. Winnicott. L’approche moderne a été inaugurée par Paula Heimann et Heinrich Racker, puis poursuivie par Grinberg avec son concept de contre-identification projective. Elle sera prolongée par divers successeurs. Son évolution avec la cip aura suivi un parcours analogue à celui de la théorie du transfert, car l’obstacle gênant s’est transformé en outil pour le psychanalyste.
Comment expliquer le décalage entre, d’une part, la profusion des discours et des actions militantes favorables à l’environnement et, d’autre part, la dégradation continue de ce dernier ? Pourquoi la psychanalyse a jusqu’ici produit peu de réflexion sur la crise environnementale ? Un regard pluridisciplinaire sur les sociétés occidentales et sur les sciences sociales peut éclairer certaines caractéristiques qui leur sont communes et expliquent le décalage entre le discours et les actes au sujet de l’environnement, mais aussi les difficultés de la psychanalyse de questionner la crise environnementale.
Dans un cadre de psychothérapie institutionnelle pour enfants psychotiques et autistes, la constellation transférentielle se manifeste essentiellement sous la forme d’une associativité sensori-motrice et s’organise en chaîne de transferts par son déploiement au sein des différentes zones géographiques de l’institution. Les manifestations mimo-gesto-posturales des enfants, souvent interprétées comme des signes de destructivité majeure, produisent une trouée transférentielle dans la chaîne des transferts. Au cours de moments limites de la régulation, le vécu contre-transférentiel du clinicien va lui permettre de transformer ces faits divers en faits cliniques, et d’accompagner un jeu d’emboîtements de boucles réflexives et réfléchissantes dans l’organisation de la chaîne associative groupale. L’analyse de ces processus transféro-contre-transférentiels dans le cadre de réunions institutionnelles permettrait aux îlots moïques de ces enfants en attente de rassemblement, de se lier entre eux, en appui sur le déploiement pluri-focal de la chaîne contre-transférentielle des soignants. Le transfert du transfert s’avère ainsi le point nodal du soin institutionnel à partir de mise en scènes sensori-motrices.
Le sujet porteur d’un handicap mental présente un aspect déficitaire qui convoque l’environnement premier et les professionnels de l’accompagnement éducatif, au plus près du corps du sujet, pris pour le sujet lui-même. Des soins lui sont prodigués sur le mode des premiers soins que la mère administre à l’infans. Ce rapport intime au corps du handicap place la rencontre sous le signe de l’incestuel. Plutôt que d’un « en-moins », le Je en devenir est davantage porteur d’un « en-plus » se manifestant dans l’exigence d’une activité pulsionnelle débordante au détriment d’une organisation érogène de la pulsion. Nous examinerons une situation institutionnelle en foyer d’hébergement où l’expression pulsionnelle infiltre les liens sujet-professionnel à travers la dynamique incestuelle. Elle nous est apportée par une équipe d’éducateurs lors d’un temps où nous intervenons comme psychologue, dans un co-travail d’élaboration clinique. Le sujet est confronté aux effets mortifères du pulsionnel que l’acte éducatif, dans l’insu, réactualise.
La proposition "ne pas céder sur nos principes" ne relève pas d'une position dogmatique, mais d'une intention méthodique qui vise à soutenir la fonction critique des principes du Quatrième Groupe concernant la formation psychanalytique. Cette fonction critique se soutient du maintien de la tension conflictuelle et de la comparaison constructive avec les autres modèles de formation, ceux de l'Association Psychanalytique Internationale (API) d'une part, ceux du mouvement lacanien d'autre part. La relation inter-analytique, qui est l'axe organisateur de la théorie de la formation analytique au Quatrième Groupe, est comme un au-delà des principes qui en permet l'application.
Sont brossées l’analyse et la nécessité de dépasser : d’une part, la difficulté dont a témoigné la communauté psychanalytique pour intégrer dans ses recherches le travail pionnier de Searles sur les liens entre processus inconscients et péril environnemental ; d’autre part, les excès doctrinaires de certaines groupalités œuvrant au nom des travaux de l’écologie scientifique sur la biodiversité de l’écosystème.
Le clivage « situation typique lorsque l’archaïque infiltre l’être psychique » ne s’encadre pas « naturellement » dans la métapsychologie, ni comme construction théorique ni comme invitation thérapeutique. Cela invite à une approche « indépendante » du cas Emma. On propose une « clinique du mime » comme soin animé par le triplet de Bion L, H, K, où la relation à l’objet-analyste produit un transfert à L (Amour), à H (Haine), et à K (Savoir). Les éléments béta résiduels aux traumas (le clivé) peuvent rencontrer, avec le mime, l’activité alphaïsante de l’analyste, ce qui par retour du clivé ouvre à la faculté de psychisation.
Comment expliquer le décalage entre, d’une part, la profusion des discours et des actions militantes favorables à l’environnement et, d’autre part, la dégradation continue de ce dernier ? Pourquoi la psychanalyse a jusqu’ici produit peu de réflexion sur la crise environnementale ? Un regard pluridisciplinaire sur les sociétés occidentales et sur les sciences sociales peut éclairer certaines caractéristiques qui leur sont communes et expliquent le décalage entre le discours et les actes au sujet de l’environnement, mais aussi les difficultés de la psychanalyse de questionner la crise environnementale.
Si Freud a délibérément effacé toute trace de l’identité de son véritable premier amour, attribuant après coup dans une lettre à Martha ce statut à l’ingénue Gisela et contribuant ainsi à la légende du héros, une étude attentive des lettres retrouvées de l’adolescent puis du fiancé Freud, associées aux événements de son histoire, fait de cet « aveu » fallacieux un voile pudique jeté sur ce profond émoi qui l’avait préalablement saisi pour une autre jeune fille au pseudonyme d’Ichtyosaura, lui permettant aussi d’offrir en retour à Martha cette âme innocente qu’il exigeait d’elle.
La question de la jouissance féminine s’est d’abord posée intimement à Marie Bonaparte en termes de lieu anatomique : une conception dont son mentor, Gustave Le Bon, est l’un des représentants, avant que la princesse, avec Freud, ne fasse la découverte de l’existence d’une psychosexualité en mesure de rendre compte des aléas du plaisir par les avatars du développement libidinal. C’est cette histoire personnelle, enchâssée dans l’histoire du savoir sur la sexualité, qui se trouve restituée ici.
Si le handicap rompt la continuité narcissique familiale, il entrave également le lien entre accueilli et professionnels en institution d’hébergement. Derrière la carence mentale, derrière le corps du handicap, c’est pourtant un sujet que nous rencontrons. Cet article se propose de relater la rencontre d’un résident avec cet autre, lors d’entretiens menés en institution par une psychologue clinicienne. Ces temps ont vocation à soutenir le processus d’appropriation subjective. S’ajuster au mieux pour répondre aux besoins du sujet, pour entendre son désir, nécessite de la part du psychiste une grande malléabilité et une créativité constante.
La « faillite » du mot est un thème essentiel de la littérature moderne, et l’attaque dont il sera l’objet ouvre à une forme de création qui vient revivifier les formes usuelles stratifiées du sens. Parallèlement à ce travail sur la langue, seront convoquées des représentations animales réelles ou imaginaires minimalistes, invertébrés, larves, pour exprimer un sentiment de désarroi, de dénuement originaire. Le signifiant « ver », entre animalcule et versification, formel et informel, jouit phonétiquement d’une position privilégiée, répondant au vœu de se dégager de la pétrification identitaire et contribuant dès lors à l’invention de nouvelles figures de la représentation de soi. Mais le ver qui participe au cycle de la vie apparaîtra également par sa métamorphose, celle qui conduit l’asticot à devenir mouche, à illustrer le travail du poète, dont la versification magnifie la mémoire d’un proche disparu dont le corps est soumis à la destruction par les vers.
Si Fließ s’est efforcé de donner un contenu savant à l’idée de bisexualité, lequel impressionna le jeune chercheur qu’était alors son ami Freud, ce dernier ne tardera pas à tenter d’ériger ce vocable au fondement biologique fantaisiste en concept analytique, lui donnant cette dimension psychique féconde, le démarquant radicalement des convictions fliessiennes reprises par un Weininger dont le suicide précoce assurera la notoriété.De fait, Freud, bien malgré lui, se trouvera au cœur d’un imbroglio autour de cette notion alors réduite au seul mot de bisexualité.
Cet article met au centre de la transmission de la psychanalyse au Quatrième Groupe le concept d'interprétation. Toujours, et au-delà de son analyse personnelle, il s'agira, pour le sujet, le candidat, de poursuivre sans relâche son travail d'interprétation théorico-clinique. Les divers modules de travail au Quatrième Groupe, analyse quatrième, sessions interanalytiques, groupes de travail, sont à la disposition de chacun pour son élaboration personnelle.
L'intention des fondateurs du Quatrième Groupe au regard de leurs expériences institutionnelles passées est limpide. Elle est celle de promouvoir un fonctionnement institutionnel justifié théoriquement en y inscrivant le moins d'ingérence possible dans le processus de formation. Jean-Paul Valabrega n'aura cessé d'affirmer les registres antinomiques du psychanalytique et de l'institutionnel. Son combat contre l'institution de l'appartenance et ses effets d'embrigadement, d'aliénation, le conduira à la voie du pluri-référentiel, de l'inter-analytique, et à ouvrir par la théorisation et la pratique, tant à de nouvelles modalités de supervision avec l'analyse quatrième, qu'à l'organisation des sessions inter-analytiques. Erigé sous sa plume comme règle d'or, le principe du minimum institutionnel aura révélé cependant au fil des décennies comment il pouvait contribuer à un effet paradoxal et négatif de désimplication des membres. S'il garde toute sa pertinence de nouvelles modalités de rencontre entre l'analyste en formation et le pluri-référenciel institutionnel permettront de lui redonner une valence positive.
J'avais envie de profiter de cet anniversaire pour évoquer les prémices du Quatrième Groupe en 1967 à partir de la proposition de François Perrier qui fait passer la limite entre formation des analystes et ce qui, de la transmission de l'expérience analytique, s'appuie au versant de la parole et de l'éthique du désir. Si le savoir se transmet, la vertu fait partie de ce reste intransmissible, de cet impossible à transmettre qui excède tout savoir et qui s'éprouve dans l'exercice de la psychanalyse. La vertu, au sens du courage, rejoint l'amour de la vérité et la liberté de décider. De cette préhistoire de notre Quatrième Groupe écrite en 1967, nous avons hérité du sens du conflit comme lien de division entre nous. C'est précisément ce qui, en resituant au centre de la transmission la politique du conflit, fait l'inestimable objet de la transmission au Quatrième Groupe, ce que nous retrouvons dans la pratique régulière de la ré-instituante.
Le Cahier bleu est l'ensemble des textes qui explicite la pensée de l'OPLF, dit Quatrième Groupe quant à la formation psychanalytique. On y trouve les principes et fondamentaux de l'institution psychanalytique ainsi que la théorie de la transmission de la psychanalyse à l'OPLF. C'est un texte fondateur qu'il convient de s'approprier comme une exégèse. L'étudier permet d'en saisir l'évolution et les transformations ; mais l'étudier invite à en penser son origine, à la resituer dans l'histoire du mouvement psychanalytique, dans l'histoire de ceux qui l'ont constituée. Il accompagne le processus réinstituant du Quatrième groupe ainsi que le processus de formation de chaque analyste dans son parcours de formation et dans son engagement institutionnel. C'est un texte vivant qui ouvre à une interrogation sur une métapsychologie de la formation psychanalytique. C'est un texte exigeant, rigoureux et porteur d'idéaux, idéaux qu'il est nécessaire de s'approprier tout en les soumettant à une désidéalisation tout aussi nécessaire.
Dans les années soixante-dix, les courants de pensée utopiste fleurissaient. La psychanalyse était florissante dans un bouillon de culture. La proposition de ce texte est de repérer l'analogie entre l'utopie comme projet politique jamais abouti, la cure analytique comme mouvement et les sociétés de psychanalyse qui pratiquent l'autonomie. Ce travail de culture non dénué de risque est vital, pour un sujet et pour un groupe. Si c'est un garant nécessaire, est-il toujours suffisant contre la sclérose et le repli identitaire-narcissique. Autrement dit, la mort. L'issue est incertaine écrivit Freud.
En considérant que l'idéal commun qui a déterminé le projet des fondateurs du Quatrième Groupe est la désaliénation, l'auteur de l'article interroge la dynamique instituant-institué conceptualisée par Cornelius Castoriadis qui se retrouve dans le rapport Je identifiant-Je identifié chez Piera Aulagnier. Or, le dépassement de la conflictualité due à l'écart entre identifiant-identifié comme instituant-institué rend possible une certaine stabilité et une unité qui ne donne pas lieu pour autant à une identitée figée ; tel serait le pari constituant du Quatrième Groupe comme organisation instituante. Cependant, s'il est vrai qu'on ne peut pas penser la psyché et le sujet humain sans référence au monde socialement institué, il est aussi vrai que toute subjectivité dont le Je constitue l'avènement doit se confronter à un "en deçà d'elle-même". Ce qui incite à penser le Je ainsi que l'originaire pictographique dans leur rapport à l'autoréflexivité et nous conduit à une conception de la cure qui prend en compte l'imagination radicale du sujet et permet au-delà du répétable la prise en compte du créé : à savoir des nouvelles formes de rencontre pouvant surgir entre deux psychés-coprs dans l'espace du transfert-contre-transfert et du transféré, comme co-création.
L'ordre mobile caractérise une structure en mouvement qui n'existe que temporairement et en fonction d'une impulsion qui se renouvelle en permanence. Car, accepter et même investir l'incertitude, constitue un changement radical de perspective consistant à considérer que c'est la quête qui compte et non la possession, formulation dans laquelle se résume le mécanisme de la sublimation. Aussi un "ordre mobile" apparait-il paradoxal, impliquant l'investissement de l'incertitude qui n'est pas la menace du chaos mais l'entrée dans le devenir. Plus que d'un ordre, il s'agit d'un accord, d'une "concorde" laquelle est toujours momentanée. On conçoit que l'exercice n'est pas aisé et ne peut se donner que comme un idéal et non une réalité acquise. Car tout idéal, quand il se rigidifie, peut-il avoir un autre destin que celui de l'étiolement dogmatique s'il ne sait pas adapter ses buts à la réalité ?
Très tôt et très activement engagé dans l'histoire et le développement du mouvement analytique en France, François Perrier a d'abord publié de nombreux écrits cliniques, notamment sur l'hystérie, l'érotomanie, la paranoïa, la perversion ou encore la thérapie du psychotique. Dans les séminaires tenus dans les années qui suivent la création du Quatrième Groupe il se consacre plus particulièrement à explorer et élaborer la nature du travail analytique et la spécificité du statut de la psychanalyse en tant que discipline thérico-clinique, se réclamant résolument de l'héritage freudien pour éclairer la position de l'analyste dans le champ transférentiel qui constitue la cure analytique et l'éthique de l'analyste qui en est le support.
Ce jour, 17 mars 2019, marque l'anniversaire de la naissance du Quatrième Groupe, il y a cinquante ans. Réinterrogeant les archives récentes (d'Alain de Mijolla et de Jean-Paul Valabrega), je me propose de reconstruire le cheminement de chacun des trois fondateurs : Piera Aulagnier, François Perrier et Jean-Paul Valabrega, dans l'histoire complexe de la psychanalyse en France, traversée de nombreuses scissions. Il apparait que la fondation d'un quatrième groupe a été pour eux (et pour ceux qui les rejoindront en 1969) une nécessité éthique. Après avoir connu plusieurs Sociétés (trois pour F. Perrier et J.P. Valabrega, deux pour Piera Aulagnier) et y avoir lutté pour une formation analytique exigeante, ils se doivent de quitter Lacan, avec lequel ils ont cheminé depuis la SPP, sans pour autant retourner à l'Association Psychanalytique Internationale : ils créent alors une "organisation", une association psychanalytique autre.
Le for intérieur - A travers une multiplicité d'angles possibles pour évoquer ce sujet, c'est la transmission par la psychanalyse qui serait à souligner à mes yeux : ce qu'elle incarne, ce dont elle est le porte-parole, laquelle s'effectue par un psychanalyste. Si les axes de notre société contemporaine et les exigences de la psychanalyse sont profondément antagonistes, la demande auprès d'un psychanalyste demeure et nous avons à repenser certaines modalités de notre exercice sans affecter pour autant nos fondamentaux au plus près du sexuel infantile et de la nécessité de la défense de la vie intérieure/de l'intime.
La matière transférentielle des voies de la transmission de la psychanalyse ne peut être abordée hors la référence à un au-delà, constitutif, des transferts. La pensée de Nathalie Zaltzman est à cet égard fondamentale, tant sur le plan métapsychologique qu'au regard de sa place dans le Quatrième Groupe.
La psychanalyse ne saurait échapper, sauf à se renier elle-même, à un travail de mise en cause et en crise de ce qui la fonde, la délimite, l'encadre et, potentiellement, menace de l'objectiver. il lui revient donc de penser sans cesse avec et sur ses propres bords, ses angles morts et ses zones d'ombre. Comment, dès lors, penser sa transmission, voire son institutionnalisation ?
La transmission au Quatrième Groupe s'effectue selon un processus individuel singulier et même solitaire. Récusant le cursus classique ipéiste et son pendant lacanien, il cherche à permettre à chaque analyste s'y engageant, de se former en échappant aux phénomènes de "suivisme". Cet équilibre est parfois difficile à tenir sur le plan institutionnel, mais très riche et stimulant, quoique ardu, sur le plan personnel et analytique.
Nous témoignons dans ce texte de notre rapport à la transmission, celle-ci étant étroitement liée à la question de la formation dans les sociétés analytiques.
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