Article
LAURENT P., Un groupe bien particulier, relaté par A. Freud in La sensorialité dans les groupes, p 85-98, Toulouse, Erès,
Résumé :
Relisant L’enfant dans la psychanalyse d’Anna Freud, son rapport détaillé de la vie du « groupe des enfants de Terezin » est venu pour moi éclairer cette nécessité de constituer une matière psychique commune, groupale, pour qu’un groupe puisse devenir psychothérapique. Je vais tenter de dégager comment cette observation, revue à la lumière de nos concepts de la construction du moi corporel et de l’image du corps, et de ceux retirés de l’expérience psychanalytique des groupes, enrichit notre approche des phénomènes groupaux et de la groupalité psychique.
Il s’agit d’un groupe de six enfants juifs allemands (trois filles et trois garçons) arrivés à Bulldogs Bank, charmante maison « entourée de champs et de bois », le 15 octobre 1945. Ils étaient alors âgés de 3 ans à 3 ans et 10 mois et venaient de vivre entre deux et trois ans dans le camp de concentration de Terezin.
On en sait peu de choses. Après la déportation puis le meurtre de leurs parents, après être passés de refuge en refuge, six enfants, entre 3 mois et 1 an, échouèrent et vécurent au camp de concentration de Terezin. Ils furent admis à la « section des enfants sans mère » où ils furent gardés avec les moyens du bord (peu de nourriture, peu voire pas de jouet, peu d’espace et un personnel lui-même déporté, affaibli et soumis aux déportations successives et incessantes). Ils y restèrent jusqu’à la libération du camp, le 3 mai 1945. Dès ce jour, ces six enfants, avec bon nombre d’autres, furent soignés et nourris durant un mois dans un château tchèque, puis reçus en Angleterre dans le camp de Windermere pour deux mois, avec un convoi de 300 enfants et adolescents, « transportés en bombardiers » nous dit A…