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Préambule
Les systèmes d’Intelligence artificielle prolifèrent à très grande vitesse dans plusieurs domaines. Je m’intéresse particulièrement aux LLMs (grands modèles de langage) qui vont probablement modifier la présentation des concepts des corpus théoriques mis en mémoire sur l’Internet. Parmi ces LLMs, je choisis uniquement ChatGPT4. En ce moment sont aussi accessibles en expérimentation par des personnes qui comme moi ne sont pas spécialistes du numérique Mistral et Claude notamment.
Sans le moindre accès aux algorithmes qui le gouvernent, il serait bien prétentieux (et inutile) de vouloir comprendre le fonctionnement de cet AI. Toutefois je peux y réagir à ma façon, sur quelques points choisis, qui deviendraient pour moi des points d'appui pour persévérer dans mes investigations.
J’ai commencé par quelques petits exercices (Conversations de 1à 4). L’idée était d’approcher ce que devient le Corpus Freudien et ce qu'il va devenir dès lors qu'il est récolté et manipulé en tous sens par des Intelligences Artificielles. De ce Corpus et surtout de son destin, les psychanalystes actuels sont responsables.
Mais avec l’arrivée du mot « halluciner » et l’anthropomorphisme massif qu’il suppose, ma recherche s’est précisée. Cette évolution apparait dans les conversations de 5 à10. Elle est devenue : quelle langue parle mon interlocuteur ? Apparemment il écrit en français, mais est-ce encore vraiment du français ? L’apparition de « Je », puis de « métaphore » et l’extrême difficulté qu’il y a à saisir l’usage fait par l’IA de ces termes oriente ma recherche vers l’idée que nous n’aurions des IA -et quel que soit notre niveau de formation en informatique- qu’une connaissance apophatique. Je suis confortée dans cette idée par la lecture de « Parole de machines » d’Alexeï Grinbaum, dans lequel je relève 70 fois la formule : ce n’est ni (ceci) ni (cela) et qui utilise dès l’année dernière ce terme de la théologie négative. Je vais donc continuer en ce sens en relisant « Phantasme, mythe, corps et sens » de JPV. Et chemin faisant, essayer de comprendre ce que devient la vérité dans les productions IA.
A suivre.
Cette réflexion que Geneviève Lombard a initiée en juin 2023 se poursuit et se développe sur plusieurs chapitres :
Premiers essais avec l'intelligence artificielle
19.06.23 Conversation ChatGPT Débuts
21.06.23 Conversation1 Avenir de la psychanalyse au XXI° siècle?
21.06.23 Conversation2 Invention citations de Freud?
28.06.23 Conversation3 Pouvez-vous analyser un rêve?
12.11.23 Conversation5 ChatGPT4 et le Corpus théorique freudien
12.11.23 Conversation6 Erreur et vérité
06.03.24 Conversation7 Erreur et vérité: l'hallucination
06.03.24 Conversation8 L'hallucination selon ChatGPT4
10.03.24 Conversation8 bis L'hallucination selon Copilot
13.03.24 Conversation10 L'hallucination Conclusion provisoire
26.03.24 Apparition du "Je" : Un "Je" de"hasard"
03.04.24 Métaphore. Métaphore et/ou encapsulation?
10.04.24 Capturer. "L'esprit du capitalisme?"
Dans certaines configurations psychiques et psychopathologiques, le langage verbal n’occupe plus à lui seul la centralité de la scène intersubjective. La clinique du handicap mental invite l’analyste à changer de paradigme s’il veut entendre le sujet dans son lien à l’autre. Plus seulement pris dans le langage, l’imaginaire ou le fantasme, le corps du handicap représente aussi une voix d’expression du registre pulsionnel. Corps réel agi, mobilisant autant la réalité somatique que psychique et imaginaire, il se révèle porteur de sens. Sollicité sur sa capacité à témoigner auprès du sujet du trauma vécu, l’analyste soutient l’émergence du processus d’appropriation subjective en offrant au sujet un lieu d’inscription identitaire et sublimatoire pour une histoire en quête d’une forme. L’engagement du sujet dans cette co-construction signifiante révèle moins l’insuffisance de son fonctionnement psychique que son effort à symboliser des représentations jusque-là inassimilables. Nous proposons, à travers des séquences cliniques élaborées entre professionnels du champ médico-social et dans nos entretiens singuliers, l’exploration de l’histoire d’une femme, déficiente mentale et psychotique, admise en institution suite à des abus sexuels intra-familiaux. La résidente développera d’abord une obésité morbide puis une dermatose grave et plus tard une tumeur agressive, révélant un soma pris dans l’exigence d’une activité pulsionnelle éruptive au défi de son organisation érogène, porteuse autant d’une déliaison mortifère cataclysmique que d’une réelle potentialité symbolisante.
Objectif
Nous nous proposons d’examiner les rapports entre la place de la psychanalyse à l’hôpital et la crise actuelle des professionnels du soin, elle-même plus largement prise avec celle qui a cours dans la société, dont les enjeux identitaires semblent au premier plan.
Méthode
Envisager la rencontre clinique à travers les deux axes du diagnostic et du transfert permet d’ouvrir la discussion sur les enjeux identitaires et identificatoires qui s’y croisent aussi.
Résultats
Ces deux axes se croisent dans toute rencontre clinique, mais la tentation actuelle serait de la réduire aux dimensions raisonnables du premier.
Conclusion
En voulant éviter ainsi les difficultés liées à la prise en compte du second, non seulement toute une partie de l’efficacité thérapeutique est perdue, mais encore c’est une des causes possibles des effets délétères sur les soignants d’une rencontre clinique dont l’enjeu central serait en priorité évaluatif, perdant ainsi de sa complexité et de son épaisseur. Et une des causes possibles de la crise actuelle de l’hôpital.
L'article est disponible gratuitement en cliquant sur ce lien jusqu'au 12 mai 2024
Le paiement des séances d’analyse est un marqueur fort du cadre de la cure. Payer, c’est donner quelque chose en retour de ce qui a été reçu, une façon de tiercéiser la relation transférentielle. Mais que paye-t-on exactement ? Il s’agit d’explorer le paiement en psychanalyse au travers de ses modalités – moment et moyens de paiement – et de l’envisager comme le règlement d’une dette qui se situe au-delà de la séance et de l’analyste. Venir en analyse c’est aussi venir régler ses comptes avec les générations précédentes et penser malgré tout sa dette de vie.
RÉSUMÉ
Les travaux de Mélanie Klein sur la psychanalyse de l’enfant l’amenèrent à modifier la théorie freudienne du surmoi en postulant pour celui-ci une plus grande précocité et une nature très archaïque. Bien que Freud sur ce point ne l’ait pas désavouée, cette hypothèse d’un surmoi cruel et archaïque reste controversée. Elle nous amène à refuser certains aménagements apportés à la clinique de la cure, dans le but d’amener l’analyste à la position d’un surmoi parental bienveillant. Ceci au détriment de l’interprétation du transfert...
Les dangers de ces aménagements techniques, pouvant conduire à des interprétations sauvages et à des transgressions, sont mis par l’absurde en évidence dans le film de Cronenberg «Maps to the stars» qui montre un «coach-analyste» entraînant ses patients et lui-même dans un scénario mégalomaniaque et catastrophique. Ceci en résonance avec le cynisme stupéfiant du monde des célébrités hollywoodiennes.
La question du cadre est d’abord une question d’actualité sociétale quand s’affaissent toutes les médiations symboliques comme c’est le cas aujourd’hui. C’est aussi penser le cadre politique et extra-politique dans lequel s’inscrit la pratique de la psychanalyse. On distinguera le bord externe du cadre de la situation analytique qui réunit les éléments du dispositif et que mettent en péril les pratiques par « zoom ». On prendra en compte l’investissement transférentiel du cadre métaphorisant les parts projetées du corps de l’analyste. Le cadre, sur son bord interne, soutient l’écran psychique qui rend possible le jeu transférentiel des représentations. Telle est la fonction tiercéisante du cadre.
On évoquera le travail en face à face et la place du contre-transfert dans l’instauration des deux bords du cadre de la situation analytique proprement dite, une face double du cadre dirigée à la fois vers la réalité du dehors et la réalité du dedans.
Dans le « Séminaire sur l’amour » (1970-1971), François Perrier apporte une contribution essentielle à la problématique de la sexualité féminine et du féminin en donnant au maternel féminin statut d’expérience fondatrice du féminin, de la construction du narcissisme et du moi-idéal pour la femme, en deçà de la théorie sexuelle phallique soutenue par Freud assignant à la femme valeur de négatif. À l’écoute clinique des contenus pulsionnels archaïques, d’angoisses féminines spécifiques, non partageables par le garçon, il récuse le schéma freudien réduisant l’accès au désir chez la femme à l’envie du pénis. Avec l’invention du concept d’amatride comme structure de transition dans la culture, il décrit et conceptualise une figure féminine illustrant une faillite de la structuration du féminin pour donner à la cure la visée d’inscrire le signifiant féminin dans sa positivité.
L’auteure met l’accent sur la théorisation de la pensée de l’analyste en séance, et sur le fil central de la solitude qui l’accompagne dans ses différentes déclinaisons : présence-absence, vivance-perte, en partant de La perte de soi de J.-F. Chiantaretto, et des associations qu’il lui a inspirées. Elle explore ainsi une solitude habitée, animée par un entre-deux qui singularise l’expérience de la cure, tandis qu’elle est traversée par des mouvements intérieurs contradictoires entre doutes et conviction, incertitudes et croyance, et prolongée pour l’analyste par la place de l’écriture.
La psychanalyse naît, se développe et se reformule dans un processus sans fin de transmission. L’auteur abordera les questions posées par la transmission de la psychanalyse à l’université, en tant qu’elles viennent interroger le lien intrinsèque entre méthode psychanalytique et métapsychologie.
Le « travail de culture » (Freud, Zaltzman) ne se limite pas au dispositif divan-fauteuil et à la mise en œuvre de « l’or pur de la psychanalyse ». Nous interrogeons ce qu’il en est de l’extension de la psychanalyse et des dispositifs institutionnels qui attractent la vie psychique, et constituent des scènes pour le déploiement transférentiel. Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) procède de la catégorie de l’intermédiaire, œuvrant à l’incessant « remaillage du corps social » (Henri), et à la constitution du « bien commun ». Le travail de transformation de la destructivité qui s’y développe permet de penser le Kulturarbeit, dans la pluralité des dimensions individuelles, groupales, institutionnelles et collectives.
Psychiste dans une institution accueillant des personnes adultes atteintes d’une déficience mentale et de troubles associés, nous évoquerons dans cet article des situations rapportées d’un lieu d’élaboration de situations cliniques par des professionnels éducateurs ou vécues en entretiens psychothérapeutiques singuliers. Confrontée à des sujets qui, répétitivement, « racontent des histoires » à leurs pairs, à l’accompagnant du quotidien, au psychiste, nous nous interrogerons, dans une écoute analytique, sur la potentialité de sens dont ces récits sont porteurs. À travers le dire d’un sujet en particulier, nous questionnerons le statut de ces récits affabulatoires centrés sur une thématique du négatif. Quels liens entendre entre ces fictions et le discours de ses premières figures d’attachement ? Quels effets inconscients sont recherchés par le sujet ? Sont-ce des formations réactionnelles à des mensonges initiaux des premiers objets, à des attitudes ou agirs déconcertants et énigmatiques de l’environnement, des constructions narratives mettant en scène des fantasmes originaires ? Prises dans la trame intersubjective transférentielle, ces affabulations auraient-elles quelques vertus symbolisantes ?
August Aichhorn, psychanalyste viennois, oublié ou méconnu, n’ayant écrit qu’un seul livre, a été un novateur en amenant à la psychanalyse des populations qui en étaient exclues : adolescents délinquants, familles, et personnes de catégories sociales n’appartenant pas à la bourgeoisie viennoise. Sa pratique clinique de la psychanalyse, développée dans la revue « pédagogie psychanalytique », va influencer une multitude de psychanalystes. Celles et ceux qui ont participé à ses séminaires vont essaimer sur 2 continents : En Europe avec les polycliniques mais aussi en Grande-Bretagne où ces psychanalystes vont jouer un rôle de médiation dans la controverse entre Mélanie Klein et Anna Freud, et en France où l’ordonnance 1945 sur la protection des mineurs va s’en inspirer.
L’histoire du mouvement psychanalytique montre comment plus d’un chemina aux côtés de Freud ignorant alors les points de désaccord qui allaient peser d’un poids suffisant pour l’amener sinon à se séparer du moins à revendiquer une psychanalyse à sa manière. L’exemple de la fondation du 4e Groupe OPLF souligne qu’on ne saurait faire des scissions un phénomène purement institutionnel, un fait de politique, mais que plus profondément les initiateurs de ces scissions ont opéré une dérive théorique due à leurs apports propres qui fait potentiellement effet de coupure.
Bien que les ruptures dans l’histoire de la psychanalyse se produisent toujours sur le problème de la formation, la passion et la conflictualité (favorisant les maladies chroniques des sociétés analytiques, qui prennent la forme du suivisme, du clanisme et du clivage destructeur) opèrent comme « pousse à la scission ». La scission de 2005 du Quatrième Groupe, dont l’issue sera la création de la SPRF, sera étudiée pour interroger la problématique de l’aliénation transférentielle (à l’analyste, à la société analytique, au désir de devenir analyste et au savoir) et le retour du refoulé du pouvoir, de la dissimulation et de la déception présents au temps de Jacques LACAN mais aussi avec le fondateur de la psychanalyse. La théorisation de l’institution analytique serait à investir pour continuer à penser et à créer à partir de ces problématiques de formation, d’aliénation et de communauté analytique au travail.
L’histoire du mouvement psychanalytique est parsemée de moments de conflits de personnes, assez passionnels, aboutissant parfois à des ruptures brutales – exclusions ou démissions à titre personnel – ainsi qu’au niveau collectif, notamment en France, à des scissions. Le tableau est le suivant : une majorité, garante de l’identité institutionnelle s’opposerait à un groupe de réformateurs un peu trop zélés. Je vous propose un survol rapide des conflits ou des tensions théoriques rencontrés par le tout jeune Freud neurologue confronté à la pensée des grands maîtres de la neurologie en espérant pouvoir saisir un élément de compréhension qui éclairerait la position épistémologique tranchée qu’il adoptera plus tard en condamnant les cadres de pensée et les visions d’ensemble au profit de la recherche pas à pas.
L’auteur rappelle l’histoire de Sophie Morgenstern née Kabatschnik, première psychanalyste d’enfants en France, qui a formé F. Dolto. Il resitue ses travaux dans le contexte historique de l’époque de son exercice (1925-1940), et analyse les critiques qui lui ont été faites après sa disparition. L’auteur commente le cas clinique de Jacques, premier cas d’analyse d’enfant publié en 1927 par S. Morgenstern et G. Heuyer.
En clinique du handicap mental, là où les apprentissages essentiels en matière d’autonomie sont laborieux voire compromis, le sujet a besoin d’un étayage durable pour prétendre sortir de la dépendance à ses objets. Chez le sujet dit « déficitaire », le risque de l’incestuel existe, qui naît de son entière soumission au Nebenmensch, lors de soins de nursing prolongés. Dans ces lieux de confusion désidentifiante, la dyade mère-infans contrarie l’expérience intersubjective lorsqu’elle expulse la figure d’un tiers symboligène, garante du processus de désaliénation d’un sujet-infans impuissant à conquérir seul un lieu de subjectivité. Si l’institution d’accueil n’y prend garde, le même phénomène se réplique dans l’accompagnement au quotidien du sujet. En articulation à la « fonction mère », nous proposons une réflexion sur la fonction psychique du tiers, « fonction père », sous ses divers aspects, condition sine qua non pour permettre au sujet déficient mental un accès à l’appropriation subjective. Quelques courtes vignettes cliniques de sujets adultes « institutionnalisés » avec traits psychotiques, confrontés au déficit d’un principe régulateur – institutionnel et/ou intra-familial – qui a vocation à barrer la jouissance incestueuse et meurtrière, étaieront notre propos.
Mon propos est d’interroger le distinguo introduit par Freud et couramment admis dans notre champ entre peur et angoisse ? S’il est nécessaire de discerner l’une de l’autre, il est important de considérer que les deux notions se mêlent, s’interpénètrent, se chevauchent dans maintes configurations cliniques. Alors, un champ de complexités s’ouvre à nous : ce n’est pas l’objet dont on a peur mais l’inconnu auquel il nous renvoie, et au-delà de son indétermination, l’angoisse a bien un objet. Peut-on penser qu’il y a angoisse sans peur ou peur sans angoisse ? Pour l’analyste, là où la peur désigne un saisissement, une pression interne, liés à un objet que le sujet croit identifier comme tel, l’angoisse désigne un état, une configuration psychique, et nous met sur la voie d’une exploration clinique avec des repérages métapsychologiques. La notion de peur affecte nos processus conscients, tandis que certaines formes d’angoisse ne peuvent être identifiés par le sujet, ce qui devient précisément l’un des enjeux de notre travail analytique.
Le couple pervers imaginé par E. Albee dans sa pièce « Qui a peur de Virginia Woolf magistralement interprété à l’écran par Liz Taylor et Richard Burton, nous servira de paradigme quant au fantasme d’infanticide, décrit par Serge Leclaire. Fantasme que nous avons exploré dans le domaine du périnatal, mais dont l’omniprésence se manifeste dans tout le psychisme humain.
La période covid fait obligation aux analystes de repenser le malaise dans la culture, non pas en le psychopathologisant, mais en reprenant encore et toujours la question des fondements métapsychologiques de leur pratique. Le fil suivi ici est celui de « l’effroi infans », au cœur de la dépendance vitale caractérisant l’état sans-aide originel. Cela amènera à ré-interroger l’approche freudienne du Nebenmensch, esquisse restée sans suite métapsychologique chez Freud.
Entre l’intemporalité de la peur comme « expérience impressionnante pour le psychisme », son actualisation sur la scène de la réalité extérieure, la façon dont elle est retravaillée par le culturel et traitée par le collectif, la question se partage. C’est ce qui aura été l’objet de ce travail.
Nous prenons, peu à peu et douloureusement, conscience du bouleversement qui s’annonce dans notre monde. Que deviennent alors les différents espaces psychiques quand l’angoisse interne est due à la réalité externe, quand ce que nous éprouvons est l’angoisse du réel à différencier de l’angoisse du pulsionnel selon Freud ? Comment considérer le travail psychique exigé par la rencontre de chacun avec ce nouvel environnement, nouvelle réalité externe ? En m’appuyant sur les rêves recueillis par Charlotte Béradt de 1933 à 1939, lors de l’installation du nazisme en Allemagne et ceux relatés par Jean Cayrol à son retour du camp de Mauthausen, je vais essayer de rendre compte ce qu’apportent les travaux de Piera Aulagnier, Geneviève Haag et René Kaës, à l’analyse de ces rêves.
Malgré le souci freudien de clairement distinguer la peur de l’angoisse, ces deux affects semblent inextricablement liés dans son œuvre. Il apparait que pour Freud l’angoisse est originaire – qu’il s’agisse de l’angoisse de la naissance ou de l’angoisse de castration. Une des manifestations cliniques qui retiennent sont attention sont les phobies infantiles d’animaux. Les cas du petit Hans ou le petit Arpad mettent Freud sur la piste de l’analogie entre phylogénétique et ontogénétique, développement du petit homme et évolution de l’humanité. Pourtant, contre toute attente, la peur et l’angoisse sont passées sous silence dans l’anthropologie freudienne des origines, alors même qu’elles apparaissent comme l’un des ressorts, si ce n’est le mobile, du mythe du meurtre du père de la horde.
Comment, et à quel « coût », le travail analytique participe-t-il de notre temps… et réciproquement ? Comment penser psychanalytiquement les effets de la crise écologique sur la vie psychique ? Comment relier cette question à celle d’une vie psychique inconsciente ? Comment en situer convenablement les articulations avec le travail de la cure, entre défense contre le sexuel et sexualisation défensive du meurtrier ?
L’évocation d’une situation clinique peut exemplifier et actualiser certains éléments de la pensée de Ferenczi dans un contexte institutionnel. Le suicide de la patiente, après un temps de sidération de la pensée dans la perspective de l’écriture, m’a emmené à construire à partir de la pensée de Piera Aulagnier une hypothèse qualifiée de théorisation comme symptôme mais aussi interprétation, hypothèse où s’invite un effet de l’originaire dans certains raptus suicidaires.
Le confinement nous a fait mesurer le danger de l’aspiration à la fusion familiale. Nous sommes comme les hérissons de Schopenhauer : nous nous blessons en nous rapprochant mais nous souffrons du froid sitôt que nous nous éloignons. La famille est une drôle de machine infernale faite de conflits et d’impossibles, mais on n’a pour l’instant rien trouvé d’autre pour fabriquer de la subjectivité de façon efficace. Malgré la tentation de l’humain pour la soumission à un ordre établi et représenté par un personnage fort, il est fondamental, en famille comme en société, de rappeler la nécessité d’encourager et de tolérer le mouvement et le désordre, seules dynamiques nous permettant d’échapper au pouvoir de la « bouillie originaire » (S. Freud). En s’appuyant sur les concepts de Gilles Deleuze et Félix Guattari de lignes de fuite, déterritorialisation, machine de guerre, l’article encourage au « devenir hérisson ».
C’est le récit métaphorique d’une liberté de vivre sur des îles, acceptées par des prisonniers, puis des prisonnières, au lieu de rester dans des camps. L’auteur y décrit leurs vies, leurs manies, leurs solitudes, leurs exils, leurs morts, leurs rencontres, leurs couples potentiels avec les tribulations de l’exogamie, et les effets endogamiques de la fertilité et de l’infertilité qui révèlent « des cas » « aux destins piteux » bien peu encourageants pour l’espèce humaine en totale extinction pour ces insulaires. Sauf à attendre l’espoir d’une nouvelle Genèse ?
En partant du mot « génocide », l’auteur constate qu’avec les guerres, les mots risquent de perdre tout ou partie de leur polysémie. De même, une pluralité de perspectives est nécessaire pour appréhender la réalité de celles-ci. Il ouvre la perspective arendtienne de la « guerre d’anéantissement » pour mieux comprendre la guerre en Ukraine.
La guerre entre l’Ukraine et la Russie montre combien la parole peut être manipulée et devenir une arme de guerre, ce qui n’est pas sans émouvoir profondément les psychanalystes, pour lesquels la parole requiert un respect quasi sacré : elle seule « nous tient ensemble » (Montaigne).
L’épidémie de Covid-19, par les aménagements concrets de notre cabinet qu’elle implique, nous amène à y rencontrer le monde commun dans lequel la solidarité se déploie pour y mettre un terme. Elle implique une dimension de symétrie, y compris de transfert, qui vient fortement déstabiliser notre pratique analytique, habitués que nous sommes à la concevoir comme hors-monde pour donner toute sa place au transfert, fondamentalement asymétrique. La crise environnementale nous impose aussi de réinterroger notre contrat narcissique et les rapports de certitude confiante dans la science qui en constituent, dans nos sociétés modernes, les énoncés du fondement. Ce trouble n’est-il pas à l’origine de la force de conviction des discours des prophètes de l’Apocalypse, qu’ils soient religieux, scientifiques ou psychanalytiques ?
La discussion s’est déployée dans trois directions : la spécificité du « couple fondateur » Freud-Ferenczi ; le trauma, de Freud à Ferenczi ; l’infans dans l’adulte comme re-commencement métapsychologique.
À la mort de Ferenczi, son ami écrivain D. Kosztolányi lui rend un hommage émouvant. Il évoque sa personnalité sociable, attachante, juvénile, dont la curiosité, toujours en éveil, le faisait s’intéresser à tout, à l’art, la littérature, aux jeux, au folklore... Il le présente aussi aux lecteurs du Nuygat comme un chercheur inquiet, faisant une place au doute, et dont l’influence s’étend, avec celle de Freud, sur le plan international. Ferenczi, engagé dans le combat pour la cause analytique, s’est occupé aussi bien des « affaires extérieures », comme Freud les appelait, (création de l’Association psychanalytique internationale) que de théorie (dont l’originale Thalassa) ou de formation analytique.
« L’accueil de l’infans dans l’adulte », notion plus ferenczienne que freudienne, ne fait pas l’unanimité chez les psychanalystes. Plutôt que d’entrer dans un débat intellectuel qui chercherait à affirmer de quel côté politique il est souhaitable de se trouver – Freud ou Ferenczi ? – j’ai choisi de me former ma propre opinion à travers quelques courtes séquences cliniques de psychanalyse d’adultes glanées pour l’occasion. Cette étude m’amène à mesurer l’importance du modèle du « en même temps ».
Cette nouvelle d’anticipation fictionnelle est inspirée à la fois par la réalité des événements annihilateurs de villes et de vivants entrepris en 2022 par la Russie pour s’approprier les terres d’Ukraine, et par des avancées actuelles de recherches scientifiques spécifiques autour des intrications et expériences prospectives sur la téléportation quantique. Cette greffe d’avancées futuristes de la science quantique en marche en ses prospectives et perspectives complexes, avec l’actuelle réalité oppressante de crimes de guerre au cœur de notre monde (où – contre toute éthique vitale – l’irresponsablité cynique d’un État vise à utiliser sa puissance de destruction atomique), vient profondément déstabiliser, psyché, pensée, conscience et co-habitations humaines. Comment faire cohabiter science et consience humaine avec une culture exacerbant un inconscient de Haine ?
Avec la « figure » de « l’infans dans l’adulte », Ferenczi crée la représentation d’un en-deçà de l’enfant freudien, de « l’enfant dans l’adulte » constitué en référence au complexe d’Œdipe, avec pour conséquence non seulement un remaniement de la position du psychanalyste, du cadre analytique et de l’activité représentative qui lui est liée, mais plus encore, une rupture avec la doctrine freudienne par la mise à l’écart du complexe d’Œdipe comme structurant universel du psychisme. On sait que sur cette rupture Freud ne cédera pas, et considérera ces derniers travaux comme le résultat de « sources émotionnelles immaîtrisables et invaincues », entraînant une régression névrotique dans l’évolution de Ferenczi. Mais force est de constater qu’avec l’extension contemporaine de la notion d’état-limite et celle des aménagements cliniques qu’elle tend à induire, le différend Freud-Ferenczi garde toujours son actualité.
Cet article, à partir d’un cas clinique, se propose de repenser les liens qui unissent ou devraient unir psychanalyse et réflexion sur l’environnement. Prenant appui sur un article fondateur de H. Searles, un essai écologiste du romancier américain Jonathan Safran Foer et une nouvelle de l’écrivain Rick Bass, il entend démontrer que le psychanalyste, en marge d’indispensables considérations sur la réalité psychique, devrait savoir rester attentif à la réalité matérielle des sources des angoisses créées par la crise environnementale, qu’il ne peut pas ne pas partager avec son patient – et que la littérature peut l’y aider.
Il s’agira ici de prendre en compte le vivant humain dans sa capacité à se construire comme son propre écosystème, c’est-à-dire les conditions aujourd’hui nécessaires pour rendre la réalité humaine habitable. Comment la psychanalyse nous aide-t-elle à penser et à transformer notre rapport violent au réel et la cruauté de notre indifférence envers l’autre et envers un monde abîmé ? Nous interrogerons ce premier territoire que la psyché auto-engendre comme espace-monde et espace-corps, prémices d’un écosystème originaire nécessaire à la survie. On prendra en compte les traits collectifs d’une clinique de la mélancolie telle qu’elle imprime notre rapport au présent et au devenir-déchet du monde.